Notes de Rustico

Journal
Année
1894
Mois
11
Jour
29
Titre de l'article
Notes de Rustico
Auteur
Viator
Page(s)
2
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
NOTES DE RUSTICO (Pour l’Impartial) Revoir Rustico après une trentaine d’années d’absence, c’est s’attendre à voir bien des changements. C’est ce que nous éprouvions en nous trouvant, il y a quelques dimanches, à l’église de cette belle et grande paroisse. En jetant un regard sur la foule à la porte de l’église, presque toutes les figures nous paraissaient étrangères. En vain cherchions nous les vieilles connaissances d’autrefois; les plus grand nombre, nous dit-on, en nous désignant le cimetiere, sont là qui dorment leur dernier sommeil. La nouvelle génération n’a cependant rien perdu des coutumes de leurs ancêtres et d’esprit d’hospitalité du vieux temps existe encore partout. Quoiqu’un grand nombre des vieux aient quitté le séjour des mortels, n’allez pas croire que tous les Acadiens qui forment encore le plus grand facteur de cette paroisse soient tous jeunes. Pas du tout. Rustico n’est pas en arrière des autres paroisses acadiennes de l’Ile pour ses vieux et ses vieilles. Les octogénaires y sont communs. Citons entr’autres M. Ignace Gallant et sa dame qui dépassent leur 80 ans et qui sont encore alertes et agiles. Selon le précepte de l’Écriture le Bon Dieu a béni M. et Mde. Gallant et leur a donné une famille de dix-sept enfants qui sont encore tous vivants à l’exception d’un, mort en bas âge. On peut encore nommer Mde. Gauthier, grand’mère de M. P. C. Gauthier, étudiant actuellement au séminaire de Québec; Mde. Doiron, mère du Dr. Doiron de Tignish et bien d’autres dont les noms nous échappent en ce moment. En fait d’agriculture, on compte, dans Rustico, un bon nombre d’acadiens qui cultivent le sol avec le plus grand succès et qui peuvent servir de modèles aux autres nationalités qui les entourent. Remarquens entr’autres les messieurs Dominique, Robert et Mamélien Pineau, M. George Gallant, etc. A Rusticoville, nous trouvons M. Joseph Gallant qui fait un commerce très considérable et qui possede des propriétés de grande valeur. Un quai qui a couté une lourde somme a été bâti par lui et lui appartient. Son magasin qui a la forme de la lettre L, a une longueur de 125 pieds et est divisé en trois départements; un pour les marchandises sèches, un pour les groceries et le troisième pour les chaussures. Dans ce magasin l’habitant trouve tout ce dont il a besoin. M. Gallant a deux goelettes constamment engagées dans la commerce du charbon, du bois et des produits de toutes sortes. On nous dit que l’état prospère du beau village de Rusticoville est dû en grande paratie à l’esprit d’entreprise de M. Gallant. A une petite distance de Rusticoville, on trouve North Rustico, beau village bâti depuis quelques années. Ici, on trouve encore un de nos acadiens engagé dans le commerce florissant, particulièrement dans les produits de la mer – North Rustico a une école graduée, conduite par deux professeurs acadiens. Quoique la population acadienne de Rustico parle l’anglais aussi couramment que le français, elle a conservé, cependant la prononciation française, on pourrait peut-être dire sans exagération, mieux que dans aucun autre centre français de l’Ile. Il n’y a pas de doute que ceci est dû aux efforts incessants de feu Messire Belcourt qui fut pour bien des années le pasteur de la paroisse et qui montra toujours un dévouement sans relâche pour l’avancement de la langue française parmi ses paroissiens. Le goût pour l’éducation qu’inspira ce vénérable prêtre à la jeunesse acadienne de Rustico a toujours continué, et aujourd’hui Rustico compte, dans la classe enseignante, plusiseurs jeunes Acadiens qui poursuivent cette noble profession avec le plus grand succès, sans compter ses prêtres, ses docteurs, et ses avocats acadiens. Le paroisse de Rustico n’a rien perdu de la renommée qu’elle s’est depuis longtemps acquise pour ses bons chantres. Le chœur ne se démentit pas le dimanche que nous eûmes le plaisir d’assister à la messe. Nous remarquâmes surtout la voix belle et sonore du Dr. Gallant au cantique qu’il chanta à l’offertoire; car la paroisse de Rustico conserve encore la pieuse coutume de chanter les cantiques dans ses assemblées religieuses. A la fin de la messe le Rev. R. B. MacDonald vénérable curé de la paroisse, qui quoique de nationalité étrangère est vraiment français de cœur, fit un sermon très édifiant sur la confession. Le lendemain, nous eumes occasion de rendre une visite au Rev. M. McDonald qui nous acceuillit ave la plus grande bienveillance et qui voulut bien nous faire visiter le couvent conduit par les Révérends Sœurs de la Congrégation de Notre Dame. Dans cette maison les jeunes demoiselles de Rustico et des paroisses environnantes jouissent du doux privilège d’aller puiser l’éducation saine et morale qui fait la femme forte. Désirant revoir autant que possible les différentes localités de Rustico que nous avions connues autrefois, nous profitâmes de la bonne volonté de M. George P. Gallant qui mit sa voiture à notre disposition, et primes le chemin de la Linge pour serrer la main à nos vieux amis MM Dominique et Pierre Doiron. De là à Toronto pour y rencontrer une autre vieille connaissance dans la personne de M. Bruno Gallant. Ensuite au Cavendish Road pour y voir M. Pierre Doiron, ancien maitre d’école mais actuellement fermier à l’aise. De Cavendish Road nous poursuivons jusqu’à Grand Pré, où nous passons une agréable demi-heure chez M. Gilbert Pitre et ensuite chez Nectere Pitre. Traversant la rivière nous arrivons à la demeure princière de M. Dominique Pineau qui nous reçoit à bras ouverts. Ici, M. Napoléon Pineau et sa dame nous font entendre leurs belles voix accompagnées de l’orgue, en nous chantant plusieurs belles chansons francaises et enfin notre chant national “l’Ave Maria Stella.” De là chez M. Mammilien Pineau où un quart d’heures de conversation nous convainquit que M. Pineau est tout à fait au courant des affaires politiques du pays. Continuant notre notre route, nous faisons le tour de la Pointe au Père, jolie presqu’ile en face de l’église et donnant agréablement sur le havre. Traversant ensuite le pont de la Bature, nous nous rendons à Charlottetown après avoir passé une semaine de plaisir et d’agrément. Viator.