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Année
1881
Mois
8
Jour
11
Titre de l'article
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Auteur
Pascal Poirier
Page(s)
3
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
M. le rédacteur, Je voyais avec plaisir sur le Quotidien, que le gouvernement donnait pleine liberté aux cultivateurs de couper le foin sur le terrain de l’intercolonial adjoignant leur terre. Ceux-ci applaudirent avec joie cette heureuse nouvelle, voyant par ce bienfait l’unique ressource du pourvoir à la nourriture de leurs animaux que la récolte minime de leurs champs obligeait à les vendre à des prix très réduits. Ils s’étaient déjà mis à l’œuvre, lorsque les maîtres des deux sections de cette paroisse, fiers de cette position, voulurent, avec l’effronterie qui leur est connue depuis longtemps, arrêter ce travail, menaçant de les traduire en justice s’ils n’écoutaient pas. Je comprends l’ardeur de ces messieurs. Ils voulaient, comme les années précédentes, vendre ce foin à leur bénéfice, mais ils n’ont pas réussi. Ne prêtant aucune attention aux menaces qu’ils leur [illisible], nos cultivateurs fauchaient toujours. Enfin, l’un d’eux, irrité de se voir aussi dominé, alla jusqu’à mettre le feu au foin ; mais déçu dans son premier [illisible], vu l’humidité du jour, il eut l’audace d’en emporter à la dérobée. Trouvant ce travail trop long et trop pénible, il mit fin à son projet. A la vérité, il sut prendre le parti le plus sage afin d’échapper à une honteuse déception. A tout considérer, M. le rédacteur, il est triste de voir deux Ecossais occuper une telle position parmi une population entièrement française, lorsqu’il y a ici des hommes possédant à un haut degré les connaissances voulues pour remplir cette charge avec honneur et sagesse. Il serait à désirer qu’on examinât soigneusement ces choses et qu’on donnât justice à qui de droit, car il y a trop longtemps qu’on cherche à empiéter sur nous. Espérant, Mr. le rédacteur, trouver un petit espace dans votre journal, je demeure votre tout dévoué. JUSTICE. Petit Rocher, 8 août 1881. M. le Rédacteur, Il n’entre pas dans mes habitudes de répondre aux correspondances des journaux, surtout lorsqu’elles ne sont pas signées. Je déroge donc à une coutume dont je me suis toujours très bien trouvé, en vous priant de publier ces quelques mots à l’adresse de Un touriste, dont la correspondance peut paraître, aux yeux des étrangers et auprès des Acadiens qui n’ont pas pris part à la convention du 20 et 21 juillet, autre chose qu’un tissu de fausseté et d’insolence, attendu qu’elle a paru dans votre estimable journal. Un touriste, qui ne signe pas son nom, et qui, sans doute, a de solides raisons pour ne pas se nommer, représente la convention acadienne comme « une certaine coterie » d’une « fraction des Acadiens qui se sont réunis à Memramcook, pour faire pièce aux Canadiens, les exclure de tout commence et de toute relation d’amitié avec eux, et surtout pour faire injure aux « Canadiens éminents invités à la convention. » Il parle sur le même ton de notre « esprit d’exclusivisme fâcheux », dit que nous voulons « faire un peuple à part », que nous considérons les « Canadiens comme des étrangers contre l’envahissement desquels il faut se mettre en garde », que nos « protestations d’amitié et de bon vouloir » vis-à-vis des Canadiens ne sont que pure [illisible] il rapporte avoir entendu ceci d’un « certain monsieur ayant une certaine instruction » : Nous sommes chez nous et soyons libres. Si les Canadiens du Nouveau-Brunswick en particulier ne sont pas satisfaits, qu’avons-nous à y voir, qu’ils se retirent chez eux, nous pouvons nous passer d’eux. Puis il s’adresse à vous, M. le rédacteur, et au vénéré supérieur du collège Saint-Joseph, comme pour vous prendre en dégoût le petit peuple au milieu duquel vous vivez. D’abord toutes les allégations plus haut citées sont fausses. Nous avons pour les Canadiens tout autant d’amitié vraie que les Canadiens en ont pour nous, et cela malgré les insolences et les injures que « certains » personnages « éminents » comme Touriste, par exemple, nous adressent de temps à autre. Il y a parmi nous des gens de rien, nous le savons, et quel peuple n’en a pas? C’est pour qu’on nous les passe que de notre côté nous ne tenons pas compte de vos correspondances, monsieur Un touriste. Quoique vous en disiez, vous ne représentez pas nos frères et nos amis du Canada dans les injures que vous nous adressez gratuitement, parce que nous nous sommes choisi une fête nationale qui n’est pas de votre goût. Vous ne représentez que vous-même apparemment, car je connais assez les Canadiens pour affirmer ici qu’ils désavouent et répudient vos insolentes paroles à notre adresse. Vous ne représentez rien que cette fraction de la société qu’on est quelquefois forcé de renier. Un ou deux touristes n’empêcheront pas la bonne intelligence de régner entre les Canadiens et les Acadiens. Quant à ce que vous rapportez avoir entendu d’un « certain monsieur ayant une certaine instruction », cela ne s’est dit, ni dans les commissions ni à la convention. Si l’on vous a dit cela ailleurs, c’est qu’apparemment vous ne l’aviez pas volé. Ce que vous avez interprété comme s’adressant à vos compatriotes s’adressait à vous tout seul. Voilà la cause de votre profonde erreur. Maintenant si vous voulez continuer de nous injurier « en temps opportun, » comme vous nous l’annoncez à la fin de votre correspondance, ne vous gênez pas pour décliner vos noms et prénoms, autrement M. Un Touriste votre lettre courra risque de demeurer sans réponse. Veuillez agréer, M. le rédacteur, l’expression de mes sentiments d’amitié. PASCAL POIRIER. Shédiac, 9 août 1881.