Notre Convention

Année
1881
Mois
5
Jour
26
Titre de l'article
Notre Convention
Auteur
Ph. F. Bourgeois
Page(s)
1
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
NOTRE CONVENTION St-Césaire, ce 18 mai 1881. M. Ferdinand-Robidoux, Bien cher ami, Je viens de lire le dernier Moniteur, et c’est avec la plus grande joie, que je vois s’affirmer d’une manière régulière, le mouvement donné à la question de la Convention. Il y a dans le rapport de cette organisation, une expression de force qui s’impose déjà au public, et qui, assurément, a la vertu d’intéresser tous les nationaux à la cause. C’est au loin, même en ce dehors de la patrie qu’un pareil appel, fait ressentir ses plus beaux sons. Aussi, il me fera plaisir de revoir l’Acadie prochainement sous un soleil aussi glorieux que celui du 20 juillet et sous des auspices aussi prospères que ceux d’une Convention générale. Ceux qui fouillent notre histoire, et qui s’occupent de chronologie, ne manqueront pas de constater un rapprochement bien singulier entre notre réunion actuelle et la noble, la suprême convention de juillet 1755, où les Acadiens en général étaient représentés par des délégués assemblés à Halifax. Il n’y a pas là une analogie de situation et de but, mais une relation de temps qui est digne de remarque. La Convention de juillet 1755 avait pour objectif un refus d’allégeance basé sur des droits inéluctables de conscience, de familles et de biens. Et ce refus s’adressait à une autorité encore mal assise, préjugée et envahissante pour ne pas dire francophone. Comme on s’y attendait, elle nous dissémina. Au contraire, celle de Juillet 1881 se fait sous le drapeau du vainqueur et sous l’esprit de notre loyauté à la couronne. Elle a pour but de réunir les membres épars de notre nationalité. Alors, nous leur presserons la main, nous leur parlerons des liens du sang et de l’honneur qui nous unissent. Nous nous compterons, nous supputerons nos forces, nous nous éclairerons, nous nous instruirons mutuellement et au lendemain de cette fête, chaque Acadien des provinces maritimes saura qu’il se doit à sa religion et à sa nation. Les proscrits d’autrefois essuieront en ce jour là l’injuste tache imprimée sur leur front, et se drapant dans la noblesse de leur soumission, de leur intelligence et de leur origine, ils demanderont au monde la considération qui leur est due, et à ceux qui les gouvernent, les droits que l’équité leur fournit en partage. Oui, après avoir entonné, en commun, avec confiance, l’hymne de la réunion qu’ils n’ont pas fait entendre depuis plus d’un siècle ; après avoir chanté ce Carmen Sxculare, comme autrefois les jeunes Romains à Tarente, ils s’en iront à leurs foyers respectifs travailler à se rendre dignes des emplois publics dans toutes les sphères de représentation et d’action. Et le gouvernement sous les yeux duquel cette Convention se prépare et se forme, saura comprendre et juger qu’une race qui fait de pareilles démarches pour se mettre en mesure d’avoir sa place au service du bien public, est une race apte à parvenir, conséquemment digne de respect et d’appui. –Ces derniers résultats comparés avec ceux de la Convention de 1755 ne sont pas, assurément de même augure. Il est constant que les deux réunions ne se ressemblent pas plus dans leurs fruits que dans leurs causes. La date seule nous amène une coïncidence. Et si, dans ces fêtes, ils nous était donné de faire ce rapprochement, c’est et ce sera dans le sens tel que plus haut expliqué, afin que nos compatriotes hétérogènes ne puissent interpréter le but de notre convention comme une assemblée convoquée avec des vues de révolte ou de réforme séditieuse. Peut-être, serait-il bon de faire connaître au public, l’essence de ces dernières idées, si toutefois vous les pensez justes. A vous d’en juger l’à propos. En parcourant la liste des invités à la Convention, il m’est venu une idée que vous suggère, et par vous au comité, pourvu que cette suggestion n’entrave pas les vues et les desseins de ce même comité dont nous devons respecter les procédés et la sagesse. Ce serait d’inviter conjointement avec les messieurs nommés dans le rapport, MM. N. Bourassa, Pamphile Lemay, H. J. B. Chouinard, qui ont fait du bien à notre cause, par leurs écrits ou par leurs démarches. Egalement, je crois qu’il serait convenable de demander au Canada une représentation par choix de délégués pour les localités où la population est d’origine tout acadienne. Espérant que vous voudrez bien faire connaître, à l’occasion, ces quelques détails aux intéressés. Je demeure, Votre ami tout dévoué, PH. F. BOURGEOIS, C. S. C