Le comité executif aux Acadiens

Année
1881
Mois
5
Jour
19
Titre de l'article
Le comité executif aux Acadiens
Auteur
P. A. Landry
Page(s)
2
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
LE MONITEUR ACADIEN Shédiac, Jeudi, 19 Mai 1881. Le Comite Executif aux Acadiens. Amis et chers compatriotes, Depuis plus d’un siècle la population acadienne française, enveloppée du sombre voile de l’ignorance, languissait péniblement sur le sol défriché par ses valeureux ancêtres, et subissait les dédains de ses vainqueurs. Traitée avec mépris, considérée comme une race inférieure, froissée dans ses sentiments les plus chers, paralysée dans ses plus légitimes aspirations, elle courbait tristement son noble front sous le joug d’une force majeure et subissait les conséquences de circonstances impérieuses indépendantes de sa volonté. Mais dans ces dures et fâcheuses épreuves, jamais elle ne désespéra de la légitimité et de la sainteté de sa cause. La conscience de ses droits lui fit toujours croire au succès de ses légitimes efforts. Cette persévérance, peut-être unique dans l’histoire des peuples malheureux, voit ses efforts couronnés de succès. Ce petit peuple secoue vaillamment le joug asservissant de l’ignorance et du quasi-esclavage où il s’étiolait et prend courageusement sa place au soleil de l’intelligence et du progrès. Frémissant au glorieux souvenir de l’invincible courage de ses valeureux ancêtres, et favorisé par des circonstances providentiellement heureuses, il s’apprête à sortir de l’ornière où il languissait depuis trop longtemps, et réclame la place qui lui est dûe au sein de la nation. Grâce à nos maisons d’éducation, nos jeunes gens, soutenus et fortifiés dans leurs nobles aspirations et sagement dirigés dans les lumineux sentiers du progrès intellectuel, arrivent rapidement et en grand nombre aux professions les plus honorables de la société, positions qu’ils honorent autant par leur science que par la noblesse de leur conduite. Ce sont ces vrais amis de leurs compatriotes réunis en comité d’organisation, à Shédiac, afin de mettre à exécution la grande et patriotique résolution de la convention acadienne réunie à Québec, l’an dernier, qui font appel à tous leurs co-nationaux, les priant instamment de se faire représenter à la convention acadienne devant se réunir au collège St Joseph de Memramcook le 20 juillet prochain, dans le but de cimenter l’union indispensable qui doit faire des Acadiens français un peuple affirmant son existence et sa force, ami du progrès et sérieusement soucieux de son avenir. Trop longtemps on a semblé nous ignorer, pour nous la force a primé le droit, il est temps de faire valoir nos titres à une égalité de justice que le sens droit et pratique de nos vainqueurs ne saurait nous refuser plus longtemps. A l’œuvre donc, chers compatriotes, formez vos comités d’organisation particuliers, choisissez sans retard vos délégués à la convention générale du 20 juillet, réunie au collège St Joseph de Memramcook, venez passer quelques jours sous le toit hospitalier de cette noble Institution, source première de notre renaissance intellectuelle. Que la Nouvelle-Ecosse, le Cap-Breton, Arichat, la Baie Ste. Marie, l’Ile du Prince Edouard, les Iles de la Madeleine, nous envoient leurs représentants avec lesquels nous serons si heureux de fraterniser et de lier une amitié forte et indissoluble, cimentée par ce qu’il y a de plus sacré, l’amour de notre foi et de notre chère Acadie. Pour le comité exécutif de la Convention Acadienne Française, P. A. LANDRY, Président. Shédiac, ce 10 mai 1881. Le Daily News devrait savoir que les Acadiens n’ont pas d’objection à apprendre l’anglais, mais ce à quoi ils ne peuvent consentir c’est de reléguer leur propre langue, la langue qu’ils tiennent de leurs valeureux ancêtres, dans l’oubli. En un mot ils ne veulent pas s’anglifier, et des personnes assez bien posés, tels que lord Dufferin et le noble Lorne qui préside actuellement aux destinées de la confédération canadienne à laquelle les Acadiens sont fiers d’appartenir, ont justifié leur attitude, approuvé leur attachement à leur origine et à tout ce que cela n’enferme. Le News peut-il indiquer quelques facilités l’on nous a données jusqu’ici pour conserver notre langue? A-t-on jamais encouragé l’enseignement du français dans nos écoles? N’a-t-on pas au contraire fait tout ce qu’il était possible de faire pour dépopulariser l’étude de cette langue et limiter l’instruction française aux bornes les plus étroites? Nous n’hésitons pas à affirmer que si on eût accordé aux Acadiens les mêmes latitudes, les mêmes avantages, les mêmes subventions que nos amis de Québec ont concédés de si grand cœur à leurs compatriotes d’origine anglaise, le News n’aurait pas aujourd’hui l’occasion de nous reprocher le manque d’esprit de progrès et d’énergie. Nous reconnaissons la nécessité de la langue anglaise, mais nous n’avons et ne saurions oublier que nous sommes Acadiens-français et que la langue maternelle a ses droits. C’est pour avoir méconnu ces droits et nos légitimes aspirations que les divers gouvernements ont vu leurs efforts reçus avec une froide indifférence en matière d’instruction publique. La prochaine convention ne saurait avoir pour but, elle n’aura certainement pas le résultat de nous isoler du reste de la population ; bien loin de là. En nous comptant nous aurons une plus haute idée de l’importance de notre nombre et du rôle que nous pouvons jouer sur le théâtre de la Puissance; nous aurons plus d’ambitions à prendre part aux affaires du pays que les premiers nous avons défriché, et par conséquent nous nous attacherons davantage au système politique qui nous régit et dont nous ne sommes pas sans connaître les mérites, quoique jusqu’ici nous n’en ayons goûté que les fruits les plus amers par suite de circonstances que nous ne pouvions contrôler.