Le proscrit Acadien et l'ange d'espérance: Sta Viator heroes calcas!

Journal
Année
1896
Mois
11
Jour
19
Titre de l'article
Le proscrit Acadien et l'ange d'espérance: Sta Viator heroes calcas!
Auteur
Un fils de l'Acadie
Page(s)
1
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
LE PROSCRIT ACADIEN ET L’ANGE D'ESPÉRANCE Sta Viator heroes calcas! Voyageur, toi qui foules la cendre de nos héros, arrête-toi et dit : Aux gloires de l’Acadie, salut! Onze années s’étalent écoulées depuis le jour néfaste où nos aïeux avaient été arrachés de leurs foyers pour être jetés sur les rivages inhospitaliers de la Nouvelle-Angleterre. Là, pas une voix ne parlait à leurs cœurs, pas une main charitable ce se tendait pour soulager leur infortune. Lassés de la proscription et de l'exil, et soupirant sans cesse après le ciel de la Patrie, un certain nombre de familles acadiennes longèrent, à travers de vastes forêts, la côte de la baie de Fundy, pour revoir, au beau pays des Mines, leurs demeures d’autrefois, l’église de leur baptême et de leur première communion, le vieux cimetière où ils avaient couché leurs pères endormis de l’éternel sommeil. Et ils marchèrent ainsi bien des jours et des nuits, les pieds ensanglantés par les ronces et les pierres du chemin, sans pain, sans secours, mais toujours soutenus par leur foi, leur amour pour Marie, l’ardent désir de pouvoir enfin reposer leurs âmes fatiguées et meurtries sous les frais ombrages de leur Acadie bien aimée. Hélas! quel ne fut pas leur désespoir, quand après quatre mois d’une marche ininterrompue, ils arrivèrent aux plaines fertiles de Grand Pré. Grand Pré, où jadis le chant des oiseaux était si pur où les vagues expiraient si doucement sur la grève, ne pouvait plus avoir aucun charme pour eux, ne pouvait plus être leur patrie. Non, ce n’était plus la patrie, car l’étranger se promenait dans les prairies où naguère encore le fermier acadien jetait dans le ciel bleu le gai refrain de ses chansons. Ce n’était plus la Patrie, car les fleurs ne poussaient plus aussi suaves et belles sur les tombes des aïeux; l’hirondelle ne frisait plus, d’une aile aussi légère, la nappe argentée des flots; les oiseaux ne gazouillaient plus avec autant d’amour, au lever de l’aurore. Et l’on raconte que, assis sur le rivage de la mer, un Acadien pleurait en pensant aux gloires du passé, aux tristesses du présent plus sombre que la nuit dans un soir de tempête. Soudain, une radieuse vision apparut à ses yeux. C’était la douce Espérance, à la voix plus suave que toutes les harmonies d’ici bas. Et, se penchant vers le proscrit sans pain, sans demeure, sans consolation, l’Espérance murmura ces paroles à son cœur. — Acadien ne pleure pas. Oui, ta patrie est bien malheureuse aujourd’hui. Mais ne l’oubli pas, l'avenir est à Dieu. — Eh! bien, l’Acadie dont on a voulu creuser la tombe, l’Acadie ne périra jamais. La prière de ses enfants, tombés là-bas, sans une plainte, sans un soupir, sur le chemin de l’exil, fera luire pour elle des jours encore plus beaux et plus resplendissants que ceux d’autrefois. Du cap Sable au cap Breton, des bords de la rivière Memramcook aux rives de la baie Sainte-Marie, de la baie Verte à la baie des Chaleurs, son nom immortel, comme celui des martyrs, sera sans cesse murmuré par la brise qui passe dans les grands bois. Un jour, sa constance invincible dans le malheur, ses gloires si nobles et si pures seront célébrées par la lyre d’un poète. Alors, Acadien, après avoir lu les lignes du chantre inspiré, tous les peuples de la terre s’inclineront avec amour devant ton pays. Ne pleure donc plus et espère en Dieu. Travaille sans découragement ni faiblesse à relever, sur les ruines accumulées par la haine, des églises au Christ, des écoles où tes enfants et ceux de tes compagnons d'infortune iront apprendre, avec les sciences et les lettres, à garder toujours intact l’héritage de grandeur légué par les ancêtres. Non, non, Acadien, tu n’a pas tout perdu, puisque tu gardes toujours dans ta poitrine ton cœur plus fort que l’adversité, ton honneur et ta foi. Ne crains pas de la perdre, cette foi, car les prêtres de Jésus, bien que la persécution n’ait pas encore cessé, accourront parmi vous, des bords du Saint-Laurent et de la belle France, pour jeter dans toutes vos âmes la semence féconde de la miséricorde et du pardon envers tous ceux qui vous ont dépouillés. Va dire à tes concitoyens de choisir d’autres plages, sur ce sol de l’Acadie, où vous puissiez demeurer, et, sur ces plages nouvelles, plantez la croix, car la patrie est partout où se trouve la croix de l’immortalité. Et lorsque le voyageur, ému au récit des malheurs de ton pays, abordera sur ces côtes et viendra visiter les lieux où tes pères luttèrent à l’ombre du drapeau fleurdelysé, où ils souffrirent pour conserver la foi de leur baptême, la croix, dominant toutes les églises de l’Acadie, lui criera : Sta viator, heras calcas. Voyageur, toi qui foules la cendre des héros, des fils des martyrs, arrête-toi et dis : Aux gloires acadiennes, salut! Et les flots rediront à son oreille, dans une harmonie sans fin, ces paroles fières et grandes comme le peuples qu’elles célèbrent : Honneur à tous ceux qui aiment l’Acadie, qui la respectent et qui la chantent! A tous ceux qui voudraient la salir et la déshonorer, honte et mépris! UN FILS DE L’ACADIE