Quelques inexactitudes de MM. Rameau et Sulte

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Année
1891
Mois
2
Jour
12
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Quelques inexactitudes de MM. Rameau et Sulte
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02
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QUELQUES INEXACTITUDES DE MM. RAMEAU ET SULTE II Pour bien comprendre et suivre le développement des établissements acadiens sur la baie Sainte Marie et sur celle d’Argyle nous allons ouvrir une longue parenthèse. La municipalité d’Argyle, dans le comté de Yarmouth, autrement appelée Cape Sable par les anciens, avait été dépeuplée de ses colons acadiens lors de la tourmente de 1755 et des années suivantes, et ses habitants avaient été transportés au Massachusetts. En 1766 Joseph, Paul et Bénoni D’Entremont, trois frères, Pierre et Louis Mius, Charles J. et Isidore Belliveau, Jacques et Ange Amirault, et Abel Duon, formant dix familles, quittèrent Salem pour venir se rétablir à Pubnico. Cette date est exacte, croyons nous, car dans une note laissée par Bénoni D’Entremont on lit: “Dans l’année 1766 nous avons laissé la Nouvelle Angleterre pour aller nous rétablir au Cap Sable.” En juin 1764, Lord Halifax, secrétaire des Colonies, dans une lettre au lieutenant gouverneur Montague Wilmot de la Nouvelle-Ecosse, dit: “Sa Majesté considère les Acadien-français sur le même pieds d’égalité que le reste de ses sujets catholiques romains en Amérique. S’ils sont volontiers de prêter le serment d’allégeance, et devenir de bons sujets et des habitants utiles, il est de votre devoir de les établir dans telles localités sous votre gouvernement qui leur seront agréables, et en même temps en consistance avec la paix publique et la sécurité du pays.” Ces instructions arrivèrent à Halifax au mois de septembre. Le conseil de Halifax nomma un comité pour adopter un plan qui réglerait la question acadienne, et le 22 octobre 1764, ce comité présente un projet par lequel on accouderait aux Acadiens, sur prestation du serment d’allégeance, 50 acres de terre à chaque chef de famille et 10 autres arpents à chaque membre de la famille. D’après le calcul du comité on devait trouver des terres dans différents établissements de la province pour 165 familles formant un total de 990 âmes. Les terres destinées aux Acadiens devaient être éloignées du bord de la mer pour empêcher les Acadiens d’avoir aucun rapport avec les Français de St-Pierre-Miquelon. Le comité suggérait quatorze endroits pour y former des établissements. Le but principal dans ce nouvel arrangement était d’englober les Acadiens avec les Anglais, leurs vainqueurs, et de la sorte leur faire perdre à la longue, leur religion et leur langue. Ainsi par exemple il était proposé de permettre à 30 familles de s’établir à Halifax et dans ses environs, 15 à Lunenburg, et dix familles dans chacune des douze autres localités. Ce plan rata car les Acadiens ne voulurent pas consentir à ces conditions. Il n’est pas hors de propos de rappeler que lorsque le projet suséoncé fut soumis au conseil grand nombre d’Acadiens étaient, depuis nombre d’années, détenus prisonniers à Halifax, à Windsor, à Annapolis et au fort Cumberland par les autorités anglaises. Le gouverneur Wilmot, dans une lettre du 22 mars 1764, dit “que les Acadiens ont été admis comme prisonniers de guerre d’après l’autorité du général Amherst qui n’a pas encore donné d’ordre de les transporter au Canada. Leur nombre dans la province est comme suit : …………………………………………..Famille………………Nombre de personnes A Halifax et ses environs………………….232………………………1056 Au Fort Edward, comté de Kings…………..77………………………..227 A Annapolis Royal…………………………23…………………………91 Au Fort Cumberland……………………….73………………………..488 _______________________________________________________________________ …………………………………………….405………………………1762 Ce chiffre de 1762 âmes n’est pas assez élevé, dit Murdoch, et il faut y ajouter plus de 300 personnes qui sont sur l’Ile St Jean, et 150 à Canso, ce qui formerait un total de 2212. D’après nous ce chiffre est encore trop bas, car à cette date il y avait déjà un nombre assez considérable de familles acadiennes, à la rivière Petitcoudiac [Petitcodiac], à la rivière St. Jean et à la baie des Chaleurs où elles se tenaient cachées des Anglais. Les Acadiens détenus à Halifax et ailleurs commencèrent à se fatiguer de cette captivité. Et le 12 mai 1764 une pétition signée par Béloni Roy et 75 autres chefs de familles, tous prisonniers à Halifax fut présentée au gouverneur Wilmot pour qu’il les fit passer en France. Ils se déclaraient dans cette pétition sujets du roi de France et ne voulaient pas reconnaître aucun autre souverain. Le conseil après avoir pris la requête en considération décida qu’on devait envoyer en prison tous ceux qui avaient pris part à la faire et à la présenter, comme coupables de mênées perfides et voulant séduire les sujets de sa majesté de leur allégeance. Ce qui rend cette décision plus extraordinaire c’est que le conseil, avait déjà décidé, le 27 mars de la même année, de ne pas permettre aux Acadiens de s’établir dans la province, sous prétexte que le pays ne serait en sûreté que par leur entière expulsion. Or, il fallait donc les laisser partir. En l’été de 1764, 150 Acadiens demeurant à Canso quittèrent cette localité et se rendirent à St. Pierre-Miquelon. Vers le même temps plusieurs familles acadiennes qui avaient été déportées à Philadelphie, immigrèrent au Cap Français, Indes occidentales françaises, où la mortalité fit de grands ravages parmi eux. Vers la fin de novembre 1764, 600 Acadiens y compris des femmes et des enfants, qui étaient captifs à Halifax, louèrent des navires à leurs propres dépens et firent voile pour les Indes occidentales françaises. Ils préférèrent aller s’exposer au sort qui était arrivé à leurs compatriotes partis de la Géorgie, de la Caroline et de Philadelphie pour ces îles plutôt que d’accepter les conditions du projet énoncé par le conseil de Halifax. C’est sous des circonstances aussi défavorables que les Acadiens exilés au Massachusetts se mirent en route en 1766, pour revenir en Acadie. Nous verrons dans un prochain numéro comment les Acadiens obtinrent des titres de terre à la baie Ste-Maric et à celle d’Argyle.