Une nouvelle oeuvre acadienne

Année
1898
Mois
11
Jour
24
Titre de l'article
Une nouvelle oeuvre acadienne
Auteur
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Page(s)
2
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UNE NOUVELLE OEUVRE ACADIENNE Il nous est enfin permis de parler ici d’une œuvre qui se préparait de longue main tout à côté de nous et que nous aurions voulu mentionner il y a longtemps déjà. Tous ceux à qui il a été donné de visiter Caraquet depuis deux ou trois ans ont admiré cette magnifique construction à trois étages, en pierres de tailles, en face de l’église, bâtie par Monsieur le Curé Allard sur son propre terrain. Les étrangers et tous ceux qui n’étaient pas initiés au secret de Monsieur le Curé se demandaient avec étonnement pourquoi un pareil édifice à Caraquet. On pourrait croire qu’il n’avait élevé cette belle maison que pour en faire un presbytère digne de lui et de l’immense paroisse de Caraquet. Une maison pour lui? Oh non! tous ceux qui connaissaient le cœur du bon Curé savaient qu’il regardait plus haut et, qu’au lieu de songer à lui-même, il n’avait travaillé que pour les autres. Son projet caressé depuis des années, -- je pourrais dire le rêve de sa vie de prêtre -- avait été d’entreprendre une œuvre durable pour l’éducation de la jeunesse dans cette partie reculée des Provinces Maritimes : un collège, qui serait ouvert à tous, mais qui favoriserait surtout ici par sa situation, la population française isolée jusqu’ici et privée de toute maison d’éducation supérieure. Comme un Père Lafrance, à Memramcook, un Père Gay, à la Baie Ste Marie et d’autres amis dévoués de notre race, il était prêt à tous les sacrifices pour mêner à bonne fin son généreux projet. Aussitôt qu’il s’en était ouvert à son évêque, celui l’avait de grand cœur encouragé dans cette voie. La maison se construisit et s’acheva et personne encore ne savait comment elle serait occupée. Monsieur Allard avait confiance que la Providence viendrait mettre le couronnement à son œuvre et enverrait des ouvriers pour arroser l’arbre qu’il avait planté. Les Révérends Pères Eudistes établies depuis quelques années au diocèse d’Halifax étaient déjà en relation avec Monseigneur Rogers de Chatham. Par l’intermédiaire de Sa Grandeur ils durent avoir connaissance de ce qui se préparait à Caraquet et en venir un peu plus tard à des pourparlers avec Monsieur Allard. Bref! au mois de mai dernier, dans un voyage du très révérend Père Le Doré, Supérieur Général des Eudistes, tout a été arrangé avec Monsieur le Curé Allard et, grâce à la bienveillante autorisation de Monseigneur Rogers, les Eudistes admis à fonder une maison dans le diocèse de Chatham. Dès lors l’ouverture du collège n’était plus qu’une question de temps. Monsieur Allard aurait voulu ouvrir dès Septembre son jeune collège, mais des circonstances indépendantes de sa volonté n’ont pas permis d’avoir les Pères attendus. Ce sera pour la rentrée de Noël que le collège de Caraquet ouvrira ses portes et verra ses premiers élèves accourir fiers et heureux d’être comptés au nombre des fondateurs. Sous peu, nous l’espérons, la maison de Caraquet sera organisée de telle sorte qu’elle puisse répondre à tous les besoins de la situation. L’intention de Monsieur Allard est d’en faire avant tout une maison d’Education vraiment religieuse, mais aussi essentiellement pratique, donnant au cours commercial et scientifique toute l’étendue et tous les avantages possibles, autant que le requièrent les besoins de notre époque. Nous savons d’avance que rien ne sera négligé pour atteindre ce double but. Inutile de dire que l’anglais et le français marcheront de pair, y recevant les mêmes honneurs et les mêmes attentions. Les RR. PP. Eudistes, à qui doit en être confiée la direction, ont déjà donné des preuves, en Nouvelle-Ecosse, de leur savoir-faire en matière d’éducation. Dans l’intérêt des jeunes gens, ils ont su se plier à toutes les exigeances du milieu et adopté à Church Point le curriculum d’études de la Province. Au collège proprement dit ils ont aussi adjoint une véritable Académie autorisée par le gouvernement et favorisée des mêmes privilèges que toutes les autres académies. Un grand nombre d’élèves de Church Point ont déjà fait honneur à leur collège aux examens pour les différents degrés de la Province. Quatre déjà ont passé le degré Supérieur (Grade A) et deux d’entr’eux ont, de toute la Province, obtenu les plus hautes marques. Ce n’est pas là toutefois le plus beau résultat de l’œuvre des RR. PP. Eudistes à la Baie Ste Marie. Au mois de juin dernier ils ont eu la consolation de présenter à la consécration sacerdotale deux de leurs premiers élèves et le bonheur de donner ainsi à l’Eglise de Halifax les deux premiers prêtres acadiens qui aient jamais été ordonnés dans ce diocèse. Cinq autres suivent les cours de philosophie ou de théologie au grand séminaire d’Halifax, une autre maison récemment fondée par les Eudistes pour le couronnement des études ecclésiastiques. Ce qu’ils font avec tant de succès là-bas nul doute qu’ils ne le fassent tout aussi bien ici, et bientôt -- nous en formons le vœu sincère, autant que nous en avons la ferme confiance -- nous verrons fleurir à la Baie des Chaleurs un collège tout aussi prospère que celui qui s’épanouit sur les bords de la Baie Ste. Marie.