Sommes nous prêts?

Année
1891
Mois
11
Jour
5
Titre de l'article
Sommes nous prêts?
Auteur
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Page(s)
2
Type d'article
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SOMMES NOUS PRETS? Des élections générales pour le Canada peuvent avoir lieu dans un mois ou deux. La résignation de l’hon. M. Chapleau, la désunion dans les rangs des conservateurs d’Ontario et de Québec, nous portent à croire que le temps n’est pas très éloigné où le peuple canadien sera appelé à se prononcer sur les grandes questions du jour. Dans le comté de Gloucester, c’est plutôt une question de droit que de politique qui agite l’électorat. Depuis nombre d’années l’administration des affaires de notre comté a été confiée en grande partie à des personnes qui étaient étrangères à la nationalité acadienne. Ceci est surtout vrai de notre représentation fédérale. Les amis de la cause acadienne -- et ils sont très nombreux -- prétendent, et avec raison, que justice n’a pas été rendue à ceux qui composent les deux tiers de notre population, que notre race est presque complètement ignorée en ce qui concerne les émoluments et les argents publics : voilà quelques-unes des raisons qui rendent la question publique dans ce comté d’une importance secondaire. Qui faut-il blâmer pour cet état de choses? Ce n’est certes pas ceux qui combattent pour les droits de leurs compatriotes; si les questions qui agitent les esprits politiques en dehors de notre comté ne sont pas discutées ici, c’est la faute de ceux qui nous ont représenté, surtout au parlement fédéral, depuis une dizaine d’années. Au moyen de la fraude, de l’intimidation, un certain nombre de personnes influentes ont pu tenir nos compatriotes dans l’ignorance de ce qui se passer dans le monde politique; leur ambition était de monter au pouvoir sans vouloir faire sortir l’électorat de l’état de somnambulisme dans lequel il se trouvait -- les tenir dans l’ignorance et la subjugation, c’était là leur force. Mais peu à peu cet état de choses s’améliorer, et l’influence ainsi exercée sur nos gens diminue grâce aux efforts des personnes et des journaux qui sont venus à notre aide. Les résultats déplorables provenant d’un pareil régime obligent nos chefs d’aujourd’hui à laisser de côté pour un temps au moins les grandes questions publiques pour s’occuper de leurs droits si honteusement foulés aux pieds dans le passé. Lorsque cette œuvre patriotique sera accomplie et cela par des moyens justes et constitutionnels, nos hommes publics pourrons s’occuper des questions d’une plus grande étendue. II est un vieux proverbe qui dit : “En temps de paix il faut se préparer à la guerre.” Sommes- nous, dans le comté de Gloucester, préparés pour la lutte qui doit avoir lieu? sommes-nous prêts à revendiquer nos droits? Selon toutes les apparences, la cause que nous appuyons est sur un terrain plus ferme aujourd’hui qu’elle ne l’a jamais été. C’était au moyen de promesses, de fraude et d’intimidation que nos adversaires ont pu remporter la victoire du 5 mars dernier. Les promesses faites -- telles que construction de nouveaux chemins de fer, quais publics, brisesslames, etc. -- n’ont pas été accomplies. Les personnes qui ont été trompées de cette manière et induites à voter pour M. Burns, ne sont pas satisfaites aujourd’hui. M. Burns n’a pas accompli ce qu’il a promis dans son manifeste; il n’a pas même donné la moindre attention à ces promesses; la bataille finie, son but accompli il se fiche bien de ceux qui ont été assez sots pour prêter l’oreille à ses paroles flateuses. *** Quoique les amis de la cause acadienne aient gagné du terrain depuis la dernière lutte, il ne faut pas rester là, il faut continuer à combattre pour ce qu’ils croient être juste et raisonnable. II est une chose qui nous fait plaisir, c’est de constater que le nombre de français qui, pour une raison ou l’autre, s’étaient opposés à ce que nous eussions notre juste part de représentation va en diminuant chaque année; ils comprennent que nos adversaires ne se servent d’eux et de leur influence que pour s’enrichir; ils voient que les émoluments au lieu d’être repartis également parmi les différentes sectes et nationalités, sont entre les mains de personnes étrangères à la nationalité acadienne; que les français qui comptent pour 17,828 dans une population de 24,000, ne reçoivent pas une sixième partie des émoluments et que si on a besoin d’une faveur il faut se mettre à genou devant des maîtres injustes et intolérants. Cet état de choses ne peut exister bien longtemps, car nos gens viennent à comprendre le but de ceux qui ont tant joué sur la magnanimité des français du comté. Nous voulons aucunement faire d’injustice à nos voisins irlandais ou anglais; nous aimons la justice et la tolérance, la preuve se trouve dans notre conduite passée; nous leur demandons de nous rendre seulement ce qui nous est dû. Nous ne voulons pas plus, nous n’accepterons pas moins.