La Nationalité Acadienne et son Drapeau.

Année
1889
Mois
10
Jour
14
Titre de l'article
La Nationalité Acadienne et son Drapeau.
Auteur
Lucius
Page(s)
2
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
La Nationalité Acadienne et son Drapeau. III “La révolution française, dit le comte Joseph DeMaistre, ne ressemble à rien de ce qu’on a vu dans les temps passés. Elle est satanique dans son essence.” Hélas! elle a trop bien prouvé par ses actes ce qu’elle était et d’où elle venait. Son but avoué était de déchristianiser la France, ou ne réussissant pas à cela, de la détruire. Ecoutez l’infâme Carrier, l’exécrable organisateur et exécuteur des Noyades de Nantes. “Nous ferons,” dit-il aux féroces satellites qui le secondaient, lesquels s’étaient organisés sous le nom de Compagnie de Marat – “nous ferons un cimetière de la France plutôt que de ne pas la régénérer.” Et quand la France officielle d’alors s’aperçut que ce monstre poussait le zèle un peu trop loin pour l’honneur du drapeau tricolore, et qu’il allait, peut être éclipser les autres coryphées de la Révolution – Robespierre, Saint-Just, Couthon, Danton, Marat, Hébert, Collot D’Herbois, Fouquier-Tinville, Chaumette, Jourdan Coupe-Tête, etc. – qui, eux aussi, portaient haut et fier l’étendard de la Liberté-Egalité-Fraternité, il fut rappelé au siège du gouvernement. On alla jusqu’à faire des observations sur sa conduite. Par ses baignades et ses déportations radicales (c’est comme cela que Carrier par une infernale ironie appelait les noyades par centaines, par milliers, auxquelles il présidait.) n’avait-il pas risqué de compromettre la réputation de ses collègues? – la réputation de Jourdan Coupe-Tête, ce scélérat qui, fier du drapeau tricolore, remplaça le général Patrix à la tête d’une horde de brigands (lequel avait été fusillé pour avoir sauvé la vie à quelques prisonniers!) et qui, après avoir trempé son drapeau dans le sang de milliers de français, se présentait à la barre de la Convention pour rendre compte de ses exploits et se faire dire : Il […] as bien mérité de la patrie, la réputation de Chaumette, dégorgeur de prêtres et l’organisateur des fêtes de la déesse Raison – la réputation de Danton le […], celui qui dit : “Nous ne jugerons pas Louis XVI : nous le tuerons,” et qui opinait qu’il fallait tuer tous les ennemis intérieurs pour triompher les ennemis extérieurs – la réputation de Fouquier-Tinville, qui condamné à la guillotine par ses complices eut pour oraison funèbre le crie que Fouquier aille cuver dans les enfers tout le sang dont il s’est […] – la réputation de Collot d’Herbois, qui, mourant en désespéré en criant : j’ai une sueur brûlante, entendit pour toute parole de consolation et de sympathie : tu sues le crime, -- la réputation d’Hébert, le lâche calominateur de la reine Marie-Antoinette, l’un des chefs des Septembriseurs et l’un des assassins de la princesse de Lamballe, -- la réputation de Marat, qui proposa les massacres des 2 et 3 septembre [. . .] Marat, qui voulait que l’on pendit 800 députés à 800 arbres des jardins des Tuileries, et qui, dans son journal l’Ame du Peuple, demandait 270,000 têtes (hélas! l’ignoble tricolore lui en a donné quinze fois plus qu’il demandait.) – la réputation de Robespierre, l’incarnation et la personnification du crime, la terreur même de ses complices, le roi du règne de la Terreur, le Néron de la révolution française, Robespierre, Robespierre! . . . . . . Oui, ces monstres qui travaillent tous de concert à la régénération de la France par le baptême de sang, et qui s’évertuaient à soutenir l’honneur du drapeau tricolore, le drapeau de leur choix et de leur prédilection, craignaient que les trop brillants exploits des uns ne portassent préjudice à la réputation des autres : et quand l’un d’entre eux, fidèle aux ordres du corps révolutionnaire, remplissait sa mission avec trop de distinction, tous les autres s’empressaient de rétablir l’égalité et de cimenter la fraternité en prenant la liberté de lui abattre la tête. On en usait de même à l’égard de ceux des confrères qui ne se distinguaient pas assez, et, ne portaient pas assez haut le drapeau tricolore, car un manque de zèle et de dévouement pour la cause qu’avaient à cœur ces bandits était suffisant pour faire planer des doutes sur leur loyauté. Ces cas étaient extrêmement rares. Citons celui de Bailly, révolutionnaire qui, en sa qualité de président du Tiers-Etat, reçut, au jeu de Paume, les premiers serments de fidélité des autres partisans de la Révolution, et qui, à raison de ses éminents services à la cause, fut élu maire de la ville de Paris. Bien que ses véritables crimes dussent plaider éloquemment en sa faveur aux yeux de la confraternité de Robespierre, il n’en fut pas moins condamné à la guillotine. Le misérable! il avait fait les efforts pour dérober Louis XVI à la fureurs de ses confrères, et de plus, il avait déployé le drapeau rouge sur le champ de Mars et prochaine la loi martiale, pour disperser un attroupement de furieux qui demandaient à grands cris la déchéance du roi, et il y avait eu un peu de sang révolutionnaire de répandu! Le drapeau qu’il avait déployé au risque d’entraver la marche de la Révolution fut brûlé à ses yeux un moment avant sa décapitation. Le drapeau Rouge n’était pas encore alors considéré comme l’emblème de l’insurrection et du terrorisme, autrement il aurait peut-être trouvé grâce devant le drapeau tricolore! Non, non, il eût été pareillement brûlé, car ne se serait-il pas trouvé entaché de trahison? Quand Robespierre eut tranché la tête à la plupart de ses complices, il fut trainé lui-même à son tour à la guillotine ensanglantée des milliers de victimes de son choix. *** J’ai mentionné plus haut le nom de Collot d’Herbois, le monstre qui suait le crime. Il pouvait bien suer le crime, lui qui, engagé à détruire la ville de Lyons et décidé de faire un cimetière de cette partie de la France, avait tout mis à feu et à sang, et qui, pour comble de scélératesse, avait insulté à la désolation générale, qu’il appelait une faiblesse anti-républicaine, en lançant une proclamation menaçant de mort ceux qui laisseraient apercevoir quelque signe de compassion. Eh bien, ce même Collot-d’Herbois, quelque temps après les brillants exploits du drapeau tricolore à Lyon, réussit à obtenir l’élargissement de quelques bandits des bagues de Brest, vieux troupiers du régiment de Jourdan Coupe-Tête, et de toute nécéssité, il faillait à ces martyrs de la liberté – c’est le titre que Collot leur décerna – un accueil tout à fait digne de la tombe révolutionnaire et de son drapeau. Une entrée triomphale à Paris faisait partie du programme de la fête civique organisée pour la circonstance. “On les plaça sur un immense char, au haut dequel paraissait Collot entouré de petits drapeaux tricolore.” (Biographie Universelle de Feller.) Cet incident joint aux aventures de Laflotte et de Basseville à Rome en 1793, et la présentation insultante de la cocarde tricolore à Pie VI en 1798 – Pie VI la refusa, la cocarde tricolore; on l’attacha aux oreilles du cheval de Marc Aurèle, et le cheval de bronze ne la répoussa pas! – ces divers incidents – et ce ne sont pas les seuls qu’on puisse rappeler – suffiraient pour démontrer que le drapeau aux trois couleurs est l’étendard, le stemma de la révolution française, l’emblème du règne de la Terreur et de la Liberté-Egalité-Fraternité, si la date sinistre du […] PLUVIOSE AN II ne réglait pas […] elle-même définitivement la question. La révolution française est satanique dans son essence, et le drapeau tricolore est satanique dans son origine et sa destination. En peignant à grands traits les événéments qui caractérisent cette satanique insurrection contre la France chrétienne, contre l’église, contre le Christianisme, je fais l’histoire du drapeau tricolore, je rappelle sa tâche originelle et ses souillures ineffaçables. On conçoit bien que cela est l’affaire des adversaires d’Acadie, mais ne fait pas du tout la sienne. J’ose pourtant espérer qu’il se rendra à l’évidence et que je n’ai pas entrepris la tâche de convaincre un homme malgré lui. Pour l’honneur de la nationalité acadienne, qu’il retrace ses pas et qu’il n’hésite pas à prêter son concours pour effacer le déshonneur dont elle se trouve entachée par l’adoption d’un tel drapeau. Oui, la révolution française est satanique dans son essence, et le drapeau qui la symbolise vaut ce qu’elle vaut, et ce que vaut aujourd’hui la république athée qui l’arbore. Le drapeau tricolore représente mieux la révolution française qu’aucune plume ou aucune langue peut la peindre. “Pour peindre cette scène épouvantable de désordres et de forfaits, de dissolution et de carnage, cette orgie de doctrines, ce choc confus de tous les intérêts et de toutes les passions, ce mélange de proscriptions et de fêtes impures, ces cris de blasphèmes, ces chants sinistres, ce bruit sourd et continu du marteau qui démolit, de la hache qui frappe les victimes : ces détonnations terribles et ces rugissements de joie, lugubre annonce d’un vaste massacre; ces rivières encombrées de cadavres, ces temples et ces villes en cendres, et le meurte et la volupté, et les pleurs de sang, il faudrait emprunter à l’enfer sa langue, comme quelques monstres lui empruntèrent ses fureurs.” (Le R. P. Huguet.) Satanique dans son essence, la révolution française faisait plus que de démolir : elle détruisait, anéantissait avec haine, avec une joie infernale. Les Coupe-Têtes jouissaient de répandre le sang de leurs victims, surtout quand c’était des prêtres qui montaient à l’échafaud. Ils insultaient à la mort. On les voyait quelquefois, le verre à la main, saluer la tombe effrenée autour de l’échafaud, à chaque tête qui tombait. “A ta santé : je vais boire comme si c’était ton sang,” dit l’un d’eux à un prêtre qui avait déjà la tête sous le couperet de la guillotine, en lui montrant un verre plein de vin rouge. Les profanateurs des tombes royales ne se contentaient pas de jeter les ossements des rois dehors, ils les rompaient, broyaient à coup de hâche les ossements de Saint Louis, et jettaient la poudre au vent. Non contents de profaner les églises dédiées à Marie – c’est sur l’autel de Notre Dame de Paris qu’on fit monter une infâme courtisane pour l’adorer sous la personnification de la déesse Raison – non contents de brûler la bannière de Notre-Dame de l’Assomption, et d’enlever les statues de la Mère de Dieu pour les remplacer par d’odieuses éffigies, les Coupe-Têtes de la révolution française s’emparaient des statues en proférant des blasphèmes contre la Vierge Immaculée, les mutilaient, allaient jusqu’à enlever la tête du tronc pour en faire un jouet en la faisant rouler dans les rues publiques et le long des chemins, comme firent les profanateurs du sanctuaire de Notre Dame de Rochefort! Et le drapeau sous lequel tous ces sacrilèges, toutes ces énormités étaient devenues, non seulement possibles, mais à l’ordre du jour, serait définitivement adopté par le peuple acadien comme son drapeau! La bannière de la révolution française, la bannière des enfants de Marie! Cette odieuse bannière serait même honorée d’un accessoire considéré comme l’emblème de la Reine du Ciel et comme celui d’un peuple pacifique et religieux! Et cela parceque le drapeau aux trois couleurs est le drapeau de la France officielle d’aujourd’hui! Mais qu’y a-t-il de commun entre le petit peuple Acadien et la France officielle d’aujourd’hui? S’il convient que nous adoptions son drapeau, adoptons aussi sa devise maçonique : Liberté-Egalité-Fraternité! Entonnons la Marseillaise! Que le 14 Juillet soit notre fête nationale à nous aussi! Le drapeau tricolore appelle tout ce qui rappelle la révolution française. Ce drapeau la France officielle d’aujourd’hui l’impose, le fait subir à des milliers de français, français par le cœur et par la religion aussi bien que par le nom, lesquels voudraient voir la France resataurée à son ancienne splendeur sous le glorieux drapeau blanc. Qu’on lise l’écrit qui fait suite à ma communication, et l’on verra ce que pensent des vrais Français de France du drapeau tricolore; on restera convaincu que celui qui a ouvert la discussion dans le COURRIER sur le drapeau acadien, comme ceux qui l’ont secondé, ne se sont nullement trompés dans leur appréciation du drapeau aux trois couleurs. LUCIUS.