Les acadiens à Boston

Année
1889
Mois
10
Jour
10
Titre de l'article
Les acadiens à Boston
Auteur
Omega
Page(s)
3
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
LES ACADIENS A BOSTON M. le REDACTEUR: Les Acadiens des Provinces Maritimes semblent prendre tant d’intérêt à tout ce qui se rapporte à leurs progrès tant religieux que nationaux, que je crois leur faire plaisir en vous donnant un petit compte rendu des fetes des Acadiens de Boston au mois d’Août dernier. J’ai lu avec plaisir les différents rapports de la célébration du 15 Août, dans les Provinces Maritimes, et quoique je me présente à la onzième heure, j’espère que vous me donnerez le même droit d’entrée que vous avez accordé, à ceux arrivés à la première heure. Les Acadiens de Boston ne sont pas aussi nombreux et aussi forts que leurs compatriotes du N.-B. de la N. -E. et de l’Isle du P.-E .; ils croient cependant posséder à un aussi haut degré qu’eux l’amour de la religion et de la patrie. Vous parler des Acadiens de Boston, c’est vous parler d’Acadiens natifs des Provinces Maritimes, et qui, pour des raisons que la Providence seule connaît, sont venus se fixer dans cette grande ville du Massachusetts où ils trouvent les moyens de faire fructifier leurs talents dans des différentes branches d’industries, de commerce, d’arts et de science, que ce coin de la république américaine est capable de leur fournir. Mais dans un rapport aussi court que celui ci je n’essaierai pas de vous faire la description des positions lucratives de ce petit groupe d’Acadiens établi dans Boston et ses environs. Je vous passerai cela une autre fois. Maintenant permettez-moi de vous parler d’une petite fête que nous avons eue mardi le 6 août dernier au presbytère du Rév. Père Audifred, curé de l’église de Notre-Dame des Victoires, dite “l’église française de Boston.” Cette petite fête avait lieu à l’occasion du départ du digne ami pour une une [sic] mission lointaine. Ce n’était pas, en réjouissance de son départ, mais bien en témoinage d’amour et de reconnaissance pour un si bon père qui nous avait bien servi et qui savait si bien nous diriger dans la voie du salut et du bien-être général. Beaucoup d’Acadiens s’étaient donc donné la main pour pouvoir aux moyens de lui exprimer leur reconnaissance par quelque don. Nous désirons lui présenter quelque chose qui portât le cachet de la main-d’œuvre acadienne. Nous connaissions les talents de Mlle Philomène Belliveau dans [. . .] de la peinture et du dessin, et comme nous savions qu’elle avait étudié chez le meilleur artiste parisien dans Boston, qu’elle avait dessiné à [. . .] [. . .] le portrait de feu M. Lafrance, fondateur du Collège St-Joseph, et celui du Rév. Père Lefebvre, supérieur actuel du même collège, et qu’elle pouvait figurer avantageusement à côté des plus habiles artistes de Boston, nous lui confiâmes la précieuse tâche de dessiner au pastel le portrait de notre ami. Mlle Belliveau fit honneur à la confiance que nous avions dans son habileté : le portrait fut fini à temps et à perfection. Le 6 Août, dans la soirée, plusieurs Acadiens se présentèrent au salon du Rev. Père, et M. Tranquille Gallant, ex-président de la société acadienne de Boston, lui présenta au nom des Acadiens de cette ville, une adresse dans laquelle étaient exprimés les sentiments de reconnaissance que nous avions à cœur de témoigner au bon père. Le vénérable Ami, les larmes aux yeux, répondit à l’adresse dans les termes les plus pathétiques. Il parut surprise de notre démonstration. Il nous dit, qu’il avait toujours aimé les Acadiens; que l’histoire de leurs souffrances, de leur abnégation, de leur héroïsme et surtout de leur fidèle attachement à la foi de leurs pères, lui avait souvent arraché des larmes de sympathie et d’amour. Il nous donna dans une courte mais éloquente allocution, des avis et des conseils qui valaient bien les démarches que nous venions de faire et dont nous nous souviendrons longtemps. Aussitôt après la réponse à l’adresse, M. R.-S. Léger, adressant au bon père quelques paroles adaptées à la circonstance, déposa devant lui son portrait, un fac simile, d’une figure noble et sincère. Tout en faisant l’éloge du tableau, il l’accepta avec beaucoup de modestie et après maintes remerciements il nous donna sa bénédiction. Ainsi finit cette petite fête, la première de ce genre faite par des Acadiens dans la ville de Boston. Quelques jours plus tard, ces mêmes messieurs et plusieurs autres Acadiens et Acadiennes, venus des petites villes voisines, c’est à-dire de Stoneham, Woonsooket, Slatersville, Jaunton, Fitchburg et même de la Nouvelle-Ecosse se réunirent pour célébrer la fête nationale des Acadiens. Déjà l’année dernière à pareil jour, des patriotes qui, quoique loin du pays natal, sont toujours par le cœur au sein de la patrie, avaient fait un commencement de chômage : je veux dire, qu’ils avaient célébré en petit le 15 Août comme fête des Acadiens, la première fois qu’elle fût jamais célébrée dans les Etats-Unis. Il est vrai qu’à cette première fête nous ne brilliâmes pas par le nombre, mais ce qui manquait de ce côté-là était compensé par la bonne volonté, l’enthousiasme et l’esprit de patriotisme qui nous faisait contempler au loin d’autres groupes cent fois plus gros, mais, animés du même désir de suivre l’Etoile de Marie, qui brille au Ciel depuis son Assomption. Tels étaient nos sentiment [sic] l’année dernière, tels étaient ceux qui nous animaient cette année en cette occasion. Nous voulions cependant chômer la fête cette année avec un peu plus de démonstration et sur une plus grande échelle. Pour cette fin nous nous étions proposé de la célébrer sur les “Arlington Heights,” et nous en avions donné avis à plusieurs de nos compatriotes des villes voisines. La veille, des démarches avaient été faites pour s’assurer de l’endroit; mais une pluie battante durant la nuit rendit le choix du lieu fixé pour le rendez-vous incompatible avec le programme de la fête, de sorte que le matin du 15 août nous nous trouvions désappointés, mais pas découragés, en face d’un assez épais brouillard qui menaçait de se changer en une pluie torrentielle. Cependant, comme il était du programme que nous nous rassemblerions à l’église française, Notre Dame des Victoires, et y entendrions la messe à 9 heures, une cinquantaine de dames et de messieurs acadiens purent s’y rendre et assister à la messe – avec dévotion, bien entendu. A la fin de l’office, les intéresses assemblés à la porte de l’église convinnent que, vu que les Arlington Heights n’étaient pas habitables, il fallait au moins s’assembler en quelque lieu en dehors de la ville. Crescent Beach fut choisi et on se mit aussitôt en marche. A bord du vapeur, dans la traversée, nous chantâmes l’Ave Maris Stella en présence d’une foule de protestants qui nous écoutaient avec une attention toute particulière. C’était du nouveau pour eux, et soit par respect ou par surprise, ils restèrent silencieux et immobiles tout le temps que dura le chant. Du bateau nous passâmes dans les chars, et en moins d’un quart heure nous étions à Crescent Beach, où nous louâmes une magnifique et spacieuse salle dans un grand restaurant. Nous recommandâmes un magnifique dîner qui fût servi à l’heure indiquée avec beaucoup de pompe. En attendant le dîner, les dames nous chantèrent des chansons de nos grandes mères acadiennes; plusieurs messieurs en firent autant. On passa même à des faits de theâtre à propos à des occasions ou circonstances analogues à notre fête. On fit des libations de bonne bière; puis l’appétit étant bien aiguisé on se mit à table. On aurait dit un de ces grands banquets où aiment à figurer les chefs de l’Etat. Chacun, muni des armes nécessaires en pareilles occasions, envahit la partie du festin qui était à sa portée. Les compliments et les bons mots furent échangés, mais sur l’avis d’un gros quinquagénaire, ils furent promptement supprimés pour donner libre cours à l’appétit. Enfin, le dessert venu, on donna plus de latitude à l’hilarité, aux rimes et aux jeux de l’ancienne Acadie terminèrent le dessert. Alors vint la santé de la fête qui, proposée par M. Tranquille Gallant, fut saluée de trois hourras frénétiques. Ce qui amena les discours d’occasions. MM. R. S. Léger, J. B. LeBlanc, W. F. Duguay portèrent la parole aux applaudissments de l’assemblée. Enfin M. le docteur Landry, qui était en visite à Boston avec sa dame et qui avait bien voulu nous accompagner, se porta à la requête générale et nous fit un discours tout à fait approprié à la circonstance et digne d’un plus nombreux auditoire. Jamais je n’ai entendu le sujet de la fête traité avec plus d’âme et d’enthousiasme. Je voudrais pouvoir vous rapporter ce discours tout au long, et je crois que vous diriez comme moi que les applaudissements repétés avaient leur rasion d’être. Le docteur commença par se demander : Pourquoi étions-nous assemblés ici aujourd’hui? Qu’est-ce qui pouvait nous pousser à faire toutes ces démarches patriotiques? et bien d’autres questions de ce genre, et il répondait avec une verve et une éloquence qui nous tenaient suspendus à ses lèvres. Il rappela les souffrances de nos ancêtres dans l’exil et les vues probables de la Providence sur eux en ces temps d’épreuves. Il fit un brillant exposé des progrès des Acadiens dans les Provinces Maritimes, et il termina son charmant discours en disant qu’il espérait que l’année prochaine il lui serait permis de se trouver encore au milieu de nous pour célébrer d’une manière aussi grandiose que possible notre fête nationable [sic]. Les discours finis, on chanta quelques chansons populaires, et après avoir visité les alentours pittoresques de Crescent Beach, nous reprimes ensemble le chemin de la ville où nous arrivâmes sains et saufs, tous heureux d’avoir passé le jour de notre fête si agréablement. Je termine, M. le Rédacteur, en vous témoignant mon regret d’avoir si longtemps négligé de vous adresser le rapport ci-dessus, et en vous remerciant en même temps de l’espace que vous venez de m’accorder dans votre journal, Je demeure, votre tout dévoué OMEGA.