A notre reine

Année
1897
Mois
6
Jour
24
Titre de l'article
A notre reine
Auteur
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Page(s)
2
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A NOTRE REINE Mardi dernier, le 22 juin de l’année 1897, ici à Bathurst, comme dans toute autre ville ou village de l’Empire Britannique, nos citoyens et fidèles sujets de Victoria ont témoigné leur amour, leur respect, leur loyauté, leur gratitude envers la plus grande souveraine du plus grand pays dans le plus grand siècle de civilisation. En effet, Victoria est grande! Elle est grande par ses vertus de mère et d’épouse, aussi bien que par ses talents de souveraine. Grande comme femme, grande comme reine. Ses vertus . . . . elle les fit connaître le jour même de son couronnement par la prière qu’elle adressait au Roi des rois, confiant en ses mains les destinées de son peuple, implorant le secours de Celui qui gouverne tout. Ses talents . . . . mainte fois ses ministres, les plus grands génies diplomatiques du siècle, ont eu occasion de les reconnaître et de les admirer. Beaconsfield et Gladstone qui, tour à tour, administraient les affaires de l’Empire, trouvèrent souvent dans les conseils de cette femme, la solution des plus grands problèmes qui inquiétaient le gouvernement. Tour à tour ces deux généraux du monde politique, qui pendant plus de cinquante ans ont conduit les destinées du grand empire, ont été mis en contemplation, en extase même, devant le génie de Victoria qui s’imposait avec la gravité de la situation. Tous ses autres ministres, dont le nombre est pour ainsi dire hors de calcul, ont dû les uns après les autres s’incliner et exprimer la même admiration pour cette femme incomparable qui, à la tête d’un gouvernement constitutionnel où le souverain est censé régner sans gouverneur, a su gouverner avec sagesse, et régner avec éclat. Victoria ne connaissait pas la nonchalance, ni l’indifférence. Les intérêts de son peuple étaient toujours vifs dans son cœur. Ses sujets les plus petits dans la société, les plus pauvres des biens de ce monde étaient l’objet de sa plus grande solicitude, et plus d’une fois ses ministres guidés, soit par Disraële, soit par Gladstone, ont dû mettre à leurs pieds leurs projets, pour adopter avec joie et empressement les suggestions de Victoria. Comme une bonne mère est toujours prête à couvrir les défauts de ses enfants du manteau de son affection, ainsi dans des occasions contraires, cette souveraine pieuse a couvert les faiblesses d’esprit, les erreurs de jugement de ses ministres, en attribuaut leur malheur à la force des circonstances. Pendant que tous ses sujets d’origine anglaise expriment avec tant d’enthousiasme leur patriotisme envers cette Reine auguste par sa position sur le trône le plus élevé de l’Univers, nous Canadiens-français, nous ne sommes pas moins enthousiastes, pas moins généreux dans l’expression de notre loyauté, de notre gratitude envers cette souveraine qui, pendant soixante ans a couvert de sa protection, comblé de ses bienfaits, a suivi de sa sollicitude maternelle la race Française du Canada. Jusqu’au règne de Victoria, les Français des Provinces Anglaises de l’Amérique n’avaient pas encore bénéficié des libertés politiques que les rois et que les gouvernements précédents avaient accordées à leurs sujets du Royaume-Uni. Les sujets des colonies Anglaises étaient encore dans un état sinon de servitude, au moins de restriction dans l’exercice de leurs droits de citoyens. Leur liberté de conscience comme leur liberté politique, étaient loin d’être à l’état d’envie, compares à celles des sujets d’Angleterre. Il semble que le règne de Victoria était attendu pour apporter dans le cœur du sujet Français Britannique, la paix, l’assurance de l’avenir, le bonheur du foyer domestique, conséquence naturelle de la liberté politique, et l’amour de sa bienfaitrice. Aussi n’était-ce que trois à quatre années après l’accession au trône de Victoria que les Canadiens-français qui avaient lutté avec tant d’énergie, qui avaient espéré contre l’espérance, quelques-uns mêmes ayant perdu espoir, ont obtenu leur liberté politique, et que le gouvernement constitutionnel dans toute sa pureté avec toute l’étendue de ses bienfaits, fut accordé au vieux Canada, pour être bientôt étendu à nos provinces du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse. Depuis cette date le progrès du Canada a avancé avec une rapidité prodigieuse. Nos relations interprovinciales devinrent de plus en plus intimes jusqu’au jour où la confédération Britannique, bénie de Sa Majesté Victoria aussi bien que du Souverain Eternel, unissait sous un même gouvernement constitutionnel, démocrate sans license, tous les sujets Britanniques de diverses races, depuis les côtes de l’Atlantique jusqu’aux côtes du Pacifique. Inutile pour nous d’entrer dans les détails des bienfaits de la Confédération. D’ailleurs, l’énumération en serait trop longue. Nous sommes forcés de nous contenter d’exprimer notre gratitude envers cette Gracieuse Souveraine qui nous a comblés des bienfaits de sa protection. Victoria! Nous ne sommes ni de ton sang, ni de ta religion, et ton drapeau qui a flotté avec tant d’orgueil ces jours derniers, et que nous avons arboré si fièrement sur tous les sommets Canadiens, ce drapeau, est pour nous le drapeau du vainqueur! Mais pourrions-nous frapper la main qui nous protège? Pourrions-nous répondre à tant de tendresse et d’amour, même de la part d’une étrangère, par l’indifférence ou la méfiance? Français de sang, catholiques de religion, nous nous proclamons aujourd’hui comme toujours, avec un accent d’orgueil légitime, tes sujets les plus patriotiques et les plus dévoués, et nous répétons encore les paroles de notre illustre compatriote, Sire Etienne Pascal Taché : “Que le dernier canon tiré de la citadelle de Québec à la défense du pavillon Britannique sera allumé de la main d’un Canadien-Français.”