la Fête de M. Allard

Année
1899
Mois
3
Jour
16
Titre de l'article
la Fête de M. Allard
Auteur
Edouard, François, Marie
Page(s)
3
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
LA FETE DE M. ALLARD Au Collège de Caraquet Un mot encore du Collège de Caraquet, puisque vous le désirez. Dimanche, le 5 mars, c’était la fête de St-Théophile, le glorieux patron de M. le curé Allard, le fondateur du Collège de Caraquet. Heureux de profiter de cette occasion pour manifester au vénéré curé leur profonde reconnaissance, Pères et enfants se sont mis en frais et ont organisé un petit concert pour l’offrir à leur Père en guise de bouquet de fête. Le dimanche soir, malgré un temps peu favorable, une assistance nombreuse se pressait dans la salle, heureuse de témoigner ainsi et son attachement pour M. le Curé et sa sympathie pour les Pères Eudistes, directeurs du nouveau collège. A 7 heures précises les accords brillants de la fanfare de la paroisse qui avait tenu à fournir son contingent pour la fête de son président, saluèrent l’entrée de M. le Curé dans la salle des séances. Quand les instruments eurent fait taire leur puissante harmonie, le plus jeune des enfants du Collège, Omer Comeau, le fils de notre honorable docteur, se présenta sur la scène et, gracieusement avec une certaine timidité qui ne lui nuisait pas, déclama la gracieuse poésie de Reboul : “l’Ange et l’Enfant.” Le programme se déroula ensuite tantôt éveillant la mélancolie avec la mélodie si connue : “Si loin, si loin,” chantée par MM. Sormany et F. Allard et tantôt excitant la joie avec le “Médecin malgré lui,” comédie de Molière bien interprétée par MM. Sormany, F. Allard, A. Légère, F. Mourant et O. Chiasson. Puis, c’est au tour des petits, M. Lanteigne et W. Paulin de venir, l’un nous faire sourire avec cette jolie pièce de Berquin “le Nid de Fauvettes” et l’autre nous tirer de douces larmes des yeux en nous déclamant un touchant récit en vers du P. Delaporte, intitulé : “Le Brassard de la première Communion.” Enfin “Les Mystifications d’un Barbier,” pantomime bouffe en un acte, ont mis le comble à la gaieté. Nous aurions bien voulu quelque chose encore, mais c’était tout, il y avait déjà une heure et demie que nous riions, le temps passait et nous ne nous en apercevions pas. Alors M. Sormany s’avance vers Monsieur le Curé et au nom de tous il lui offre les meilleurs souhaits de bonne fête. Après la lecture de cette adresse, Monsieur le Curé se lève, visiblement ému. Il remercie d’abord des bons souhaits qui lui sont offerts, et nous raconte ensuite comment lui est venue l’idée d’élever une maison d’éducation à Caraquet, et comment il a réussi à mener à bonne fin ses projets. De chaleureux applaudissements lui ont dit combien les habitants de Caraquet lui étaient reconnaissants pour cette dernière preuve de son affection et de son dévouement pour eux et leurs enfants. Le R. P. Morin, supérieur, a pris ensuite la parole. De nouveau il a remercié M. le Curé de tout ce qu’il a fait, et en particulier de cette magnifique bâtisse qu’il a donnée à la Congrégation des Eudistes pour y travailler à l’éducation des jeunes gens qui viendront se mettre entre les mains des Pères. Ensuite, s’adressant aux habitants de Caraquet, présents à cette soirée, le R. P. Supérieur leur a rappelé que le Collège est dès maintenant ouvert. Sans doute, vu le petit nombre d’élèves, il ne peut être constitué comme un grand collège, mais l’an prochain des Pères nouveaux viendront augmenter le nombre des professeurs, les classes seront parfaitement organisées et ce nouveau Collège du Sacré-Cœur, de Caraquet fonctionnera comme les autres maisons d’éducation de la Congrégation. “A vous, a-t-il ajouté, a vous maintenant, Acadiens, de faire marcher votre œuvre, je dis votre œuvre, car sans exclure personne, c’est surtout pour vous que nous sommes venus, c’est pour apprendre à vos enfants à parler et à écrire élégamment votre belle langue française, que nous avons quitté les rives de France pour aborder aux rivages d’Acadie. “Nous ne négligerons pas l’anglais, cependant, et cette langue aura ici la place qui lui convient. A vous de faire marcher votre œuvre en nous envoyant vos enfants. Envoyez-nous les mais n’attendez pas pour celà qu’ils aient 15, 16 ou 18 ans, car, à moins d’exceptions très rares, l’enfant qui commence si tard, a beaucoup de peine à obtenir quelques succès dans ses études. Et puis, nous ne sommes pas seulement instituteurs, nous sommes éducateurs aussi, c’est-à-dire que nous voulons former nos enfants, nous voulons les élever, de sorte qu’en sortant de nos Collèges, ils puissent faire l’honneur de l’Eglise aussi bien que de la société. Or, ce n’est pas à 16 et 18 ans qu’on commence à former un enfant, c’est quand il est jeune, quand il a 10, 11 et 12 ans. Plus tard, la tâche est beaucoup plus difficile, souvent même impossible. Et il arrive que nous sommes obligés de renvoyer de nos maisons ces grands jeunes gens qui nous sont arrivés gâtés et qui seraient un danger pour les autres si nous les gardions. Car nous voulons que les familles puissent avoir confiance en nous; nous voulons que la mère de chacun de nos enfants puisse se dire : ‘Je suis tranquille sur la vertu de mon enfant, il est au Collège des RR. PP. Eudistes, où l’on n’admet pas de mauvais jeunes gens.’ -- Encore une fois, Acadiens, faites marcher votre œuvre et envoyez-nous vos jeunes enfants.” Voilà quelles furent à peu près les paroles du R. P. Supérieur. Nous y répondîmes par nos applaudissements et nous espérons lui prouver à l’automne prochain, que nous avons compris, et que nous sommes disposés à faire marcher notre œuvre. Lancée par M. Allard, mise maintenant entre les mains des RR. PP. Eudistes, confiée à la générosité des Acadiens, comment cette œuvre pourrait-elle ne pas prospérer? EDOUARD, FRANÇOIS, MARIE.