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Newspaper
Year
1888
Month
2
Day
8
Article Title
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Author
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Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
Le pinceau de l’artiste a plus d’une fois, dans le silence de la solitude, parachevé des toiles dont la beauté, l’irrésistible fascination ont contribué à ennoblir le cœur, à élever l’esprit; d’un autre côté, la plume des littérateurs ont aidé au triomphe des bons principes dans les sociétés, à détacher du cœur de l’homme un amour trop exclusif de la matière. Le pinceau et la plume ont tous deux fait beaucoup de bien; mais d’autre part, que de mal n’ont-ils pas fait ? Que d’images corruptrices! Que de pages, de volumes qui sont un danger pour le cœur! Nous passerons sous silence le nom des artistes qui ont peint pour le plaisir de Satan; nous nous contenterons de rappeler au souvenir de nos lecteurs les noms tristement célèbres des Voltaire, des Rousseau, des Sue, ces hommes qui furent grands par l’esprit et infiniment petits par le cœur. Un jour, Mde. Dénis disait à l’auteur de la Henriade : Voltaire, vous êtes le plus grand homme du monde par l’esprit et le dernier par le cœur. Madame Dénis était la tante du monstre, et elle le connaissait bien. Aujourd’hui nous ne nous occuperons pas de peinture : l’artiste ne nous parait pas encore appelé à jouer un bien grand rôle dans les destinées des races françaises qui vivent au soleil de ces provinces. Le littérateur pénètre partout; pendant son sommeil même ses œuvres voyagent, font du bruit, du mal et plus souvent, fort heureusement, beaucoup de bien; nous parlerons en peu de mots de sa mission. Est-ce en vain que l’écrivain travaille ? est-ce en vain qu’il fait imprimer par centaines d’exemplaires les mots, les pensées, tous les trésors qui ont tombé de sa plume dans un moment de solennelle inspirations ? Beaucoup d’hommes le pensent; beaucoup sont sous la fausse et ridicule impression que cet amateur du beau est un lâche, un désœuvré qui n’écrit que par une soif insatiable de réputation, ou encore pour s’éviter, si possible, des labeurs plus pénibles. Oui, voilà comment on estime les sueurs dévorantes de celui qui passe ses jours et ses veilles à écrire, qui se torture l’esprit pour trouver la solution d’un problème dont dépend peut- être quelquefois le bonheur de la Société; c’est malheureux qu’il y ait des hommes si peu éclairés, qui apprécient si mal le travail de l’intelligence; c’est malheureux, mais quand même le fait existe, sera toujours. Si l’histoire nous prouve que la plume a fait un mal immense, des révolutions, des suicides et que savons- nous? il suffit d’en feuilleter certaines pages pour demeurer convaincu de sa puissance, de son extrême importance au point de vue des sociétés. Si un Voltaire a passé plusieurs années de sa scandaleuse existence à ternir, à polluer nos gloires les plus pures, où sont les élévations de Bossuet, les sublimes pages de Fénelon, les inspirations immortelles de Corneille et de Racine, et dans ces derniers temps, les œuvres des Lacordaire, des Pie, des Ségur, des Chateaubriand, des De Maistre, des Veuillot ? Les œuvres sublimes des impies du grand siècle ne sont plus lues que par une classe de dévoyés; les saines et orthodoxes productions des célébrités que nous venons de nommer continuent de porter de par le monde la science et la lumière, à répandre le bonheur et la tranquillité même sous les humbles toits de chaume de nos paroisses rurales. Ceux qui répudient l’œuvre de l’écrivain sont des malheureux dont l’intelligence ne s’est pas encore ouverte à la véritable lumière, des gens qui ne peuvent voir d’un œil optimiste que l’or qui s’amoncelle dans leur coffre. Entre les mains d’un homme sage, le métal que tant d’hommes rêvent convoitent, est un élément précieux, mais rare exception que cet homme de nos jours. Tandis que le fils de l’opulence dort sur ses oreillers moelleux, l’œuvre du littérateur catholique et consciencieux va son chemin, apporte des consolations à celui-ci, réveille l’espérance assoupie dans le cœur de celui-là, combat pour le bien, pour le triomphe de la vertu, des grands et nobles principes qui font l’apanage des héros et des défenseurs de la foi. Le littérateur n’est pas toujours seulement un homme dont on méconnait la noblesse des sentiments, la grandeur des vues, il est souvent, surtout en ces temps malheureux, un être qui gémit dans un état voisin de la mendicité, qui se désole de la déplorable et coupable indifférence de ceux qui, au lieu de l’encourager, les conspuent. Ici, en Acadie, il est visible le rôle de la science,—que tous les enfants qui descendent de cette poignée de martyrs que nos hommes de lettres ont rendus immortels ne l’oublient pas, au contraire qu’ils, s’appliquent par des efforts généreux et constants à faire jaillir de leurs rangs quelques-unes de ces lumières afin, qu’à, leur tour, elles puissent non-seulement aider la nation, mais aussi pour qu’elles puissent raconter pour l’instruction des sèicles futurs, les grandes choses opérées en ce pays sous l’action puissant, dévouée, émergique de nos littérateurs et de nos poètes. Haut les cœurs! flamboyante jeunesse acadienne.