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ET POURQUOI DONC
L’abandonner? quoi cette langue française si belle, si noble, si riche, cette langue tour à tour si grave, si solennelle, toujours synthétique, imposante, de temps à autre plaintive, douce, harmonieuse, cette langue héritage de nos aïeux, il faudrait l’abandonner? Pourquoi? parce qu’un scribe aurait écrit : les acadiens progresseraient davantage s’ils parlaient l’idiome de la plus grande partie de nos populations; pour cela: et rien que cela? honte! adieu le progrès, s’il nous faut le payer au prix de l’honneur national. Notre langue est pour nous un peu ce qu’est le chiffon tricolore pour l’âme généreuse du français, conservons-la, oui, acadiens, compatriotes bien-aimés, conservons-la : c’est une question d’honneur, et nous ôsons ajouter : de principes hautement proclamées.
La langue de nos frères, les anglais, est une bien belle langue; mais toute flexible qu’elle soit, toute compatible qu’elle puisse être avec les exigences du moment, souvenons-nous des anciens jours : memento dierum antiquorum! Nos voisins ne voudraient pas pour rien au monde rompre avec la langue de leurs pères; c’est tout juste, faisons comme eux. Haut les cœurs! vive la belle langue française! tenons-y ferme comme à nos autels.
Au moment où le soleil de la nation se lève radieux, tout couronné de la splendeur de la virilité, à l’instant énergique où nous sommes, bien d’autres soleils se couchent; et, selon l’expression de Lacordaire, elles vont se perdre dans les eaux profondes de l’Océan Atlantique.
Jetez un coup d’œil rapide sur l’autre versant du monde, qu’y verrez- vous?—Ah! priez le ciel, bénissez Dieu de vous avoir donné un ange gardien de vos autels et de vos foyers, gardien de votre langue.
Acadiens de la Nouvelle-Ecosse, apprenez l’anglais, parlez-le si vous voulez, mais gardez-vous de forfaire lâchement à l’honneur du passé; maintenez en l’honneur la belle langue que vos pères ont apportée de France.