Lettres

Newspaper
Year
1888
Month
12
Day
26
Article Title
Lettres
Author
Petitpas
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
LETTRES M. le Rédacteur, Permettez-moi de vous offrir mes félicitations, un peu tardives, il est vrai, mais non moins sincères, à l’occasion du second anniversaire de la naissance de votre journal, L’EVANGÉLINE, vaillant organe de la population française des Provinces Maritimes et notamment de la Nouvelle-Ecosse. Tout le monde, aujourd’hui, depuis le glorieux Pontife qui occupe la chaire de St. Pierre jusqu’au plus humble chrétien, reconnait le pouvoir de la presse pour le bien ou pour le mal dans le grand combat qui se livre sur la terre entre les enfants de Dieu et les enfants des hommes, combat acharné, terrible, sur le vaste champ de bataille que St. Augustin partage en deux grandes Cités : la cité de Dieu avec l’étendard de la Croix et les armes de la Religion et la cité du mal avec le drapeau de satan et les armes du mensonge. Or, dans cette guerre qui a commencée dans le ciel même, le dragon sans doute a été vaincu, et il le sera encore sur la terre, car Dieu ne veut pas laisser périr son peuple, mais combien de victimes, sont sacrifiées à l’abime éternel par les ruses de l’ennemi de nos âmes. J’ai nommé la presse qui est de nos jours comme un fil électricque, transmettant et communiquant la pensée d’un bout du monde jusqu’à l’autre; et la presse et laissée libre de dire tout ce qu’elle veut, de prêcher des doctrines mauvaises et perverses, de mentir contre la vérité, de publier et d’affirmer le mensonge. Les journaux aujourd’hui, inondent le monde, nous les trouvons partout. Ils pénêtrent dans le sac du mandiant, comme dans les palais des rois; la femme lit les journaux en berçant son enfant comme le garde-malade qui veille en chevet de l’agonisant. Le soldat a son journal sur le champ de bataille comme l’artisan au coin du foyer domestique. La presse est l’organe du commerce, des industries, des inventions, des sciences, de la politique; elle se fait l’organe de la Religion, et hélas! trop souvent aussi de l’irréligion. C’est le pain quotidien dont se nourrit les intelligences, et le levier qui fait mouvoir les volontés. Le gros du public de nos jours n’a pas le temps de penser ni de raisonner, il prend ses inspirations dans les journaux et souvent modèle ses opinions et sa conduite d’après les doctrines qu’il y puise. Or, qu’est-ce qu’un journal? Bien souvent l’expression des idées d’un seul individu, tout au plus les opinions de quelques hommes liés par un même sentiment, travaillant pour un même but, et ces idées, ces opinions s’imposent au public qui accepte trop facilement ce qui flatte le plus sa nature (illisible) sans se donner la peine d’en considérer les conséquences. Et la curiosité qui cherche et tombe dans tous les pièges et qui ne se révolte jamais contre la coupe empoisonné pourvu qu’elle soit couverte de miel et de fleurs cueille le fruit de l’ordre, du bien et du mal qui donne la mort. Le journal, c’est un juif, un impie, un protestant ou un catholique qui parle au masses et les entraine dans la voie qu’il s’est tracée. Il est inutile de rappeler ici le role que la presse a joué et joue encore, dans les pays de l’Europe; il suffit de se rappeler ce qu’a dit dernièrement à ce sujet l’immortel Léon XIII qui demande, de sa voix inspirée, à tous les chrétiens, de battre l’ennemi par ses propres armes, en multipliant par tous les moyens possible, la circulation de journaux, inspirés à la source, de toute vérité pour sauver la ruine certaine où l’entraine la presse soudoyée par l’esprit du mal. M. le Rédacteur, l’Acadie a eu ses jours de tristesse et de souffrance, elle a été abandonnée et persécutée par tout le monde, elle a été trainée au gibet par une populace furieuse qui voulait sa mort, les bourreaux l’on dépouillée de ses vêtements et les ont tirés au sort, on a jeté dans le tombeau son corps déchiré, broyé et agonisant, on a même rayé son nom sur la terre des vivants…. Mais l’Acadie a conservé une étincelle de vie, c’est la Foi, sa Religion, son Christianisme. L’Ange du Seigneur, qui a veillé sur ses destinées, dit aujourd’hui au monde entier : Elle n’est pas morte, mais elle vit; elle vit et se multiplie, elle se multiplie, forte dans la Foie, confiante dans son patriotisme et puissante dans sa vitalité, et son avenir dépend de la protection Divine qu’elle méritera par sa fidélité. Et aujourd’hui, l’Acadie est inscrite sur la liste des nationalités, le petit peuple, entre dans l’arène du combat, jeune, faible, mais plein d’espérance dans Celui qui le fortifie. Il a pris vie, a grandit sous l’étendard de la Croix; et, puisque c’est la destinée des peuples de combattre, l’Acadien se servira des armes de la Religion, de la morale chrétienne, de l’union fraternelle, du dévouement patriotique pour arriver au succès temporel et éternel qui l’attend. Dans sa lutte pour le bien et l’affirmation de son existence nationale, le peuple acadien se trouve aidé par trois journaux qui jusqu’ici se sont montrés dignes d’être rangés au nombre des vrais soldats de la cité de Dieux. Rédigés par un esprit vraiment chrétien, soumis en tout au jugement infaillible de l’Eglise catholique, propageant les saines doctrines de la morale, défendant avec zèle les bons principes, dévoilant les artifices de l’erreur, ces journaux font l’honneur de notre population acadienne française qui ne peut marcher, sans trahir son avenir, qu’à la lumière du flambeau de la Religion qui brille d’un si vif éclat dans nos chaires de vérité et qui se répand au loin et partout sur les ailes de notre bonne presse. M. le Rédacteur, tout en ne faisant que votre devoir, comme Acadien français, vous méritez cependant la reconnaissance profonde et sincère de la Religion et de la Patrie. Perge quo coepisti, voilà le souhait que je formule pour votre bonne EVANGELINE qui recueillera, dans le temps et surtout dans l’éternité sa part de mérites que l’Eglise promet au bon et fidèle serviteur, PETITPAS Notre-Dame, N.-B.