Projet en faveur de la colonisation

Newspaper
Year
1888
Month
12
Day
5
Article Title
Projet en faveur de la colonisation
Author
M. F. Richard
Page Number
1
Article Type
Language
Article Contents
PROJET EN FAVEUR DE LA COLONISATION Par le Rev. M. F. Richard Après beaucoup d’hésitation et de réflexion, je me décide, par nécessité, de faire part au Clergé et au public d’un projet qui a pour but d’aider la cause de la colonisation, au succès de laquelle nous sommes tous également intéressés. A defaut d’organisation générale, telle qu’il existe au Canada et aux Etats-Unis, il incombe à des particuliers, obligés par devoir et mission, de prendre l’initiative, d’exposer la position et de suggérer les moyens les plus propres à promouvoir une œuvre dont l’importance ne saurait être méconnue. Il arrive quelque fois, que dans certaines colonies naissantes, la responsabilité de la réussite tombe sur des individus, au lieu d’être partagée par le public intéressé. Sans être strictement obligé en justice de protéger et de soutenir une localité en défaillance, d’exposer sa vie pour préserver un vaisseau du naufrage, il n’en est pas moins vrai que bien des vies ont été préservées, bien des naufrages évités, bien des pays sauvés par le généreux dévouement de personnes zélées qui se sont exposées elles-mêmes pour leur prochain. Ces hommes trouvent des admirateurs; mais ils ont aussi leurs détracteurs. Ces actes de dévouement pour la cause publique paraisse quelque fois extravagants et ambitieux aux yeux de ceux qui ne sont pas à même de voir les choses à fond et de connaître les détails : mais s’ils se trouvaient dans des circonstances analogues, ils en jugeraient autrement. La charité chrétienne et fraternelle et le sentiment patriotique qui n’est pas défendu, poussent un homme à faire bien des démarches que l’homme insensible et indifférent ne saurait apprécier. Quoiqu’il en soit, peut-être par imprudence, par défaut de jugement ou trop de sensibilité, je me suis plus ou moins compromis en voulant servir des intérêts que je considérais importants et sacrés; et par suite de circonstances adverses, je me trouve dans le cas d’abandonner la “cause,” à moins qu’il me vienne du secours. Je suis prêt à faire le sacrifice de mes biens et même de ma personne si c’est dans l’intérêt général qu’il en soit ainsi; mais je dois dire que, dans ce cas la religion et la patrie seront privées des œuvres que je m’étais proposé d’accomplir en leur faveur. Je ne prétends pas être indispensable à l’Eglise et à la patrie; cependant je désire léguer à d’autres plus sages, plus prudents et plus méritants, des moyens d’opérer l’avancement des intérêts que nous chérissons tous. Ce que je suis, ce que je possède, je le dois à l’Eglise et à mon pays, parce que tout leur appartient; mais pour qu’ils en recueillent un bénéfice permanent, il faut le protéger et le défendre. J’aimerais voir fleurir et prospérer mes œuvres de prédilection, l’éducation et la colonisation, et y contribuer mon humble part. Mais je ne pourrais coopérer à ces œuvres importantes à moins d’assistance. Si c’est une victime qu’il faut immoler sur l’autel de la Patrie pour arriver à ces résultats plus avantageux pour la nation, que la volonté de Dieu s’accomplisse. Dans tous les cas, quoique pénible et humiliant pour moi, je dois franchement faire connaître mes vues et ma position aux intéressés, afin que chacun sache à quoi s’en tenir. Si je puis être de quelque utilité à la cause commune; si les propriétés que je possède sont appréciables au point de vue catholique et national, alors qu’on me protége, qu’on m’assiste, et ma vie et mes biens seront au service de l’Eglise et de la patrie. Ce n’est pas la première fois, dans l’histoire de l’Eglise et des peuples, qu’il a fallu faire appel à la générosité publique, soit en faveur d’églises, de communautés, d’évêchés, de missions, de la colonisation, etc. Que de millions envoyés de toutes les parties de l’univers au pays le plus persécuté du monde, la pauvre catholique Irlande! Ses enfants disséminés aux quatre vents du ciel, voyant leur mère-patrie persécutée et opprimée, envoient chaque année à ses défenseurs le fruit de leur pénible labeur, afin de témoigner ainsi leur attachement à la cause commune. Quel beau spectacle que ce dévouement filial envers leur mère! On admire cette générosité, ce dévouement; on le loue, on l’encourage et avec raison. Alors, pourquoi craindre de faire appel aux enfants et aux amis de l’Acadie, cette nouvelle Rachel qui cherche et pleure ses enfants qu’on lui a enlevés. Ses entrailles sont déchirées, brisées de tristesse en voyant ses enfants l’abandonner, s’expatrier, et s’éloigner de ses regards maternels. Elle voit de magnifiques domaines qu’Elle a conquis par ses découvertes et l’intrépidité et le dévouement de ses ainés, - abandonnés par leurs successeurs dénaturés, qui oublient que le vrai bonheur et la seul gloire digne d’ambition, c’est de servir l’Eglise et sa patrie. Les forêts vierges attendent avec impatience les bûcherons, et leur promettent l’hospitalité et la sauvegarde de leurs intérêts les plus chers, et on est insensible aux gémissements de Notre Mère; on ne veut pas de colonisation, ou au moins on ne veut rien faire pour l’encourager. Ne craignons pas de recevoir des reproches de qui que ce soit en contribuant à une cause si belle, si digne et si noble. Ce qui est beau, bon et admirable chez les autres ne peut être repréhensible chez nous. Les moyens encouragés et adoptés ailleurs peuvent bien nous servir dans les cas analogues. D’ailleurs, la colonisation n’est pas une œuvre qui intéresse seulement ceux qui s’y livrent; elle intéresse tous les citoyens du pays; donc, tous et chacun doivent l’encourager et la patronner. Je prends donc la respectueuse liberté, au risque de m’attirer de nombreux désagréments, de soumettre à la bienveillante considération du clergé et du public le projet suivant, qui me parait le plus pratique et le plus efficace dans les circonstances présentes : 1er, Etablir une association des messes parmi les membres du clergé; chaque prêtre promettant de célébrer, V. G., une messe par mois durant l’année 1889 à l’intention des personnes qui paieront chacune 12 centins, ou un centin par mois, entre les mains du trésorier paroissial dans l’intérêt de l’œuvre. 2e, Organiser une loterie générale et s’intéresser à distribuer et à vendre autant de billets possibles, afin de fournir un montant suffisant pour rencontrer les exigences présentes et conserver ainsi les propriétés destinés à continuer et à consolider nos œuvres catholiques et nationales. Que chacun, après avoir considéré les choses passées, présentes et futures, agisse sans s’occuper de ce que son voisin en pense. Qu’il soit assez courageux pour se mettre au-dessus de la critique et des railleries de ceux qui ne voient et ne peuvent voir au-delà de leur propre domaine, et qui ne s’occupent nullement de l’avenir de leur nation. Si on ne veut pas encourager, au moins qu’on se taise, qu’on ne décourage pas la bonne volonté de ceux qui savent quelque chose du dévouement et du sacrifice. Pour moi, je m’attends à n’être guère épargné, vu qu’il s’agit encore d’argent; mais si je demande de l’argent, j’offre comme compensation, le fruit de plusieurs saintes messe, et de plus j’offre tout ce que je suis et tout ce que je possède. Car, du moment que les affaires seront reglées, je suis décidé à tout donner pour le bien et l’avancement de la religion dans notre jeune pays. Si l’on ne veut point, alors il faudra l’offrir ailleurs. Je prie donc mes confrères dans le sacerdoce de vouloir bien m’écrire d’ici à Noël, et me dire combien de messes on consent de célébrer durant l’année 1889 aux intentions sus mentionnées. Lorsque je connaitrai le nombre des messes promises, j’organiserai la propagande. Je m’occuperai aussi de la Loterie Générale et recevrai avec reconnaissance les objets qui me seront envoyés à cette fin. Je sollicite humblement et respectueusement la bénédiction de Nos Seigneurs les Evêques sur cette entreprise, et je la recommande au Patronage de la Sainte Vierge, notre Patronne, dont nous célébrons la fête aujourd’hui. M. F. Richard, Ptre. Rogersville, I. C. R., 11 Nov.