M. le Rédacteur

Newspaper
Year
1888
Month
10
Day
17
Article Title
M. le Rédacteur
Author
L. J. Macpherson
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
M. le Rédacteur, La correspondance signée “Cap-Breton,” et publiée dans le dernier numéro de votre journal, évidemment a pour but de soulever un esprit de mécontentement parmi le peuple acadien. Votre correspondant pose comme le champion de ce peuple mais malheureusement il oublie qu’un vrai acadien doit être surtout un chrétien exemplaire, et ayant perdu de vue ce principe fondamental il fait un appel aux passions populaires, ce qui certes ne lui fait point honneur. Il ne rougit pas de se croire revêtu de l’autorité de porter jugement sur les prêtes à qui Dieu a confié le soin spirituel de presque toutes nos paroisses acadiennes en les accusant ouvertement de négliger la langue, et de ne tenir aucun compte du sentiment national de leurs paroissiens. Cette prétendue indifférence de notre part, selon “C.B.,” doit infailliblement avoir un résultat funestre à cette foi vivre qui est l’heureux héritage du peuple acadien. Il est évident, que par cette accusation il atteint non seulement plusieurs membres de notre clergé, mais aussi l’Ordinaire du diocèse lui-même. Pourtant il est bien connu combien est cher au cœur de notre évêque le bien tant spirituel que temporel de ceux de ses enfants qui parlent la langue française. Les Acadiens eux-mêmes conviennent de ceci, à l’exception de “C.B.,” qui du reste ne fait pas grand honneur à sa nationalité. Ici je dirais à votre correspondant, que s’il croit par là s’élever dans l’estime de ses compatriotes, à mon avis il se trompe du tout au tout. Les braves Acadiens dont la confiance dans leurs prêtres est une marque distinctive ne se laissent pas aveugler jusqu’au point de suivre un homme capable de représenter ainsi dans un faux jour leurs supérieurs spirituels. “C.B.,” veut sans doute se venger sur les prêtes du peu d’estime dont il jouit lui-même parmi ses concitoyens. La place qu’ils occupent dans les affections du peuple lui porte ombrage, voilà pourquoi il envie à leur bonheur. Un acadien “brave industrieux” etc, n’aurait jamais écrit une lettre telle que celle dont “C.B.,” au eu l’importance et la malice d’être l’auteur. Ce qui vient d’être dit suffit pour montrer la nature des accusations générales contenues dans la lettre de “C.B.,” venons en maintenant à l’attaque personnelle faite contre le Révérend M. Quinan. Il accuse ce Révérend monsieur d’avoir prêché en anglais à l’occasion de la dédicace de la nouvelle église de L’Ardoise. A ses yeux c’est là une “peine” faite aux braves gens de cette paroisse, et comme leur curé je ne puis m’empêcher de sentir que le coup porté contre M. Quinan a été dirigé contre moi-même. Mais voyez comme “C.B.,” s’efforce d’empoisonner l’esprit de cette “population industrieuse, honnête et paisible si fidèle à sa nationalité et à la foi de ses pères.” Voici ce qu’il dit aux paroissiens de L’Ardoise : “à l’occasion de la dédicace de votre église M. Quinan a eu l’audace de vous adresser la parole en anglais, par conséquent ce Rév. monsieur ne fait que jouer le rôle de l’hypocrite en faisant semblant d’être l’ami fidèle des Acadiens.” Voilà du moins la portée de ses paroles. Maintenant cette accusation est trop sérieuse, et j’espère que M. Quinan saura donner à celui qui l’a faite le châtiment qu’il a si bien mérité. Quant à moi, je ne trouve pas de langage assez fort pour condamner la conduite de “C.B.,” et j’aime à croire, même je suis persuadé qu’il n’y a pas parmi mes paroissiens, un seul capable de s’abaisser jusqu’à ce point. Le Rév. M. Quinan est connu comme un des prêtres les plus dévoués de notre diocèse, et les faits sont là pour témoigner de sa piété et de son zèle durant son ministère de plus de vingt ans parmi les Acadiens. Aussi les fidèles des différentes paroisses acadiennes auxquelles il a consacré toutes les années de son sacerdoce, conservent-ils un doux souvenir de son dévouement à leur bien spirituel et temporel. J’exprime non-seulement les sentiments de la paroisse de L’Ardoise, mais aussi ceux de toutes les paroisses Acadiennes du comté de Richmond – elles ont toutes eu occasion de rendre témoignage du zèle de ce digne prêtre, - quand je dis que, si “C.B.,” veut soulever les Acadiens contre M. Quinan, il s’est chargé d’une entreprise dont il ne verra jamais l’accomplissement. Pour ce qui me regarde personnellement, quelque soit la joie qu’en éprouverait “C.B.,” je ne crains nullement de perdre l’estime de mes paroissiens. J’aime mes chers Acadiens parcequ’ils sont mes enfants spirituels, et je suis heureux d’avoir l’assurance qu’ils ne se doutent point de la sincèrité de mon amour. Mais pourquoi M. Quinan a-t-il prêché en Anglais à l’occasion de la dédicace de notre église? Ici toute explication à mes paroissiens serait superflue. La plupart d’entre eux savait d’avance que le sermon devait être donné en Anglais, et personne n’a fait de réclamation. Au contraire, l’idée en est venue à plusieurs d’entre eux, et voici les raisons qu’ils apportaient. Ils savaient qu’à cette occasion solennelle l’assistance ce composerait, à part les habitants de la paroisse, d’un grand concours d’étrangers de langue anglaise des paroisses voisines. Ajoutez à cela que dans la paroisse de L’Ardoise elle-même, il y a une centaine de familles anglaises, et vous comprendrez combien sont fortes les raisons qui nous ont fait désirer que le sermon fut donné en anglais. Non-seulement, donc, nos paroissiens ont-ils cédé leur droit au sermon de l’avant midi en faveur de nos visiteurs dont plusieurs étaient protestants, mais ils ont passé outre; ils ont décidé de mettre leurs bancs complètement à la disposition de ces étrangers. “C.B.,” et hoc genus omne n’ont pas encore appris peut-être ce que la politesse exige dans de telles circonstances; mais à L’Ardoise nous avons appris depuis longtemps à mettre en pratique les paroles de St. Paul : charitas non oemulatur, non quaerit quae sua sunt. Il faut conserver l’esprit de patriotisme, j’en conviens, mais en même temps, n’est-il pas bien de sacrifier, de temps en temps quelque chose pour le bien du prochain? Et ici je ferai remarquer à “C.B.,” que les citoyens les plus exemplaires, et les plus patriotiques, ne sont pas toujours ceux qui crient le plus haut au patriotisme, et qui croient seuls avoir le monopole de cette vertu. Maintenant pour revenir à notre sujet, aux vêpres et quand tous les gens de la paroisse s’étaient rassemblés, il y eut un sermon en français, et “C.B.,” me pardonnera si je lui dis que M. le prédicateur quoique “d’origine étrangère” parle parfaitement bien la langue française. Avant de finir, je conseillerais à “C.B.” de ne plus nous faire la leçon, sur nos devoirs d’état. Si jamais le malheur nous arrivait d’oublier notre théologie pastorale nous saurions où chercher la lumière ou le secours; et si l’on nous fait le reproche de n’être pas Acadiens, certes il n’y a pas là de notre faute. Aussi “C.B.,” pourrait-il faire contre les Apôtres le reproche d’être “d’origine étrangère à la nôtre,” si ceux-ci étaient, comme nous, chargés de nos paroisses Acadiennes. Votre tout dévoué L. J. Macpherson, Ptre L’Ardoise, C.-B., 6 oct.