M. le Rédacteur

Newspaper
Year
1888
Month
10
Day
10
Article Title
M. le Rédacteur
Author
James M. Quinan
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
M. le Rédacteur, Au sujet des reproches que me fait votre correspondant “Cap-Breton,” dans le dernier numéro de L’EVANGÉLINE, d’avoir donné le sermon en anglais à l’occasion de la dédicace de l’église de L’Ardoise, permettez moi de lui dire que celui qui, seul, doit en porter la responsabilité est un monsieur appartenant à une des meilleures familles acadiennes du comté de Richmond. Il y avait eu entente formelle entre M. le curé de L’Ardoise et moi que le sermon devait être donné en français et l’ébauche de mon sermon était déjà faite en français quand il m’est arrivé une lettre du curé me priant de vouloir bien le faire en anglais. J’ai dû donc me conformer à son désir malgré la répugnance que j’éprouvais à adresser la parole à mes anciens paroissiens en langue anglaise. Ce n’est que quelques jours plus tard que j’appris, de la bouche même de monsieur dont il est question ci-dessus et qui – soit dit en passant – parle parfaitement bien les deux langues, que, se trouvant un jour au presbytère de L’Ardoise il exposa à M. le curé les raisons qui lui semblaient exiger que le sermon de l’avant-midi fut prêché en anglais, que ce dernier se rendit à ses arguments et qu’il fut décidé qu’il m’écrirait pour me prier de faire le sermon en anglais. C qui fut fait. Je n’étais donc pour rien dans l’affaire et pour me service de l’expression de votre correspondant, je n’étais que “l’instrument d’une autre volonté.” Mais, pour me servir encore de ses paroles, “il est étrange qu’il n’ait pas dit à vos lecteurs, comme chroniqueur d’événements,” qu’il y eut deux sermons ce jour là, l’un en anglais, l’autre en français. Pourquoi supprimer ce fait? Pourquoi avoir des yeux d’Argus pour espionner les actions du “clergé d’origine étrangère à la nôtre?” et pourquoi prendre un plaisir malin à dénaturer ses motifs, quand il est permis aux prêtres de langue française de faire ce que l’on nous reproche un crime, sans que personne ne songe à leur en faire le moindre reproche? J’ai assisté, au mois de septembre 1881 à la dédicace de l’église de Saulnierville dans votre comté. Comme à la bénédiction de l’église de L’Ardoise, il y eut à cette occasion deux sermons. Comme à L’Ardoise encore, celui de l’avant-midi – le sermon de circonstance – fut donné en anglais et le sermon français eut lieu l’après-midi. Un compte-rendu de la fête fut publié dans les colonnes du Moniteur Acadien, mais personne n’a songé à faire des réclamations, personne n’a osé faire, contre M. le curé Gay, ni contre le prédicateur du matin, les sottes accusations que votre correspondant lance aujourd’hui contre moi “d’avoir infligé à cette brave paroisse acadienne, en pareille occasion” &c. &c. &c. et “de leur avoir fait ce reproche,” pourquoi avez-vous conservé la langue française? hatez-vous de l’oublier. C’eut été se rendre ridicule. Et remarquez bien, M. le Rédacteur que, tandis que la paroisse de Saulnierville est une paroisse exclusivement acadienne, les Irlandais et les Ecossais forment au moins la cinquième partie de la paroisse de L’Ardoise. Ajoutez à cela que, le jour de la bénédiction de l’église, on attendait à L’Ardoise un grand nombre d’étrangers de St. Pierre et de Salmon River deux paroisses anglaises et voisines de L’Ardoise et vous comprendrez combien étaient fortes les raisons qui ont engagé M. le curé MacPherson à faire donner le sermon du matin en anglais, réservant le sermon français pour l’après-midi quand l’assistance serait composée seulement des paroissiens de L’Ardoise. De plus, parmi la multitude de personnes de langue anglaise venue de tous les côtés se trouvait un certain nombre de protestants et c’était même le désir des paroissiens de L’Ardoise que le sermon du matin fut donné en anglais. En voilà assez, il me semble, pour réfuter les inepties de votre correspondant. Maintenant, puisqu’il s’intéresse tant à la conservation de la langue française, je lui conseille de soumettre ses écrits, avant de les livrer à la presse, à quelque monsieur du “clergé d’origine étrangère à la nôtre,” pour être corrigés par lui, ce qui empêchera les fautes d’y abonder comme dans sa lettre du 24 septembre. Et puisque votre correspondant a tant à cœur les intérêts religieux des acadiens, qu’il me permette de lui dire qu’en s’attaquant au “clergé d’origine étrangère à la nôtre,” il s’aventure sur un terrain dangereux. Il n’a pas l’intention, sans doute, d’inviter des comparaisons, mais son langage en suggère et s’il arrive qu’un jour on veuille en faire, les faits sont là pour prouver que ce clergé, même sous le rapport de services rendus aux Acadiens, n’a rien à y craindre. Votre tout dévoué JAMES M. QUINAN Curé d’Arichat.