M. le Rédacteur

Newspaper
Year
1888
Month
10
Day
3
Article Title
M. le Rédacteur
Author
----
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
M. le Rédacteur, La correspondance d’A. E. M., de L’Ardoise, Cap-Breton, qui a paru dans votre livraison du 19 courant, a dû vivement intéresser un très grand nombre de vos lecteurs, sinon tous; ils se sont, sans doute réjois d’apprendre les importants faits et détails qui y sont donnés sur l’origine des habitants de cette loralité, leurs mœurs et leur foi, ainsi que sur la conservation de lui langue malgré de nombreux obstacles, et leur progrès et enfin, à propos de la construction et de la dédicace de leur grande et magnifique église. Le peuple de L’Ardoise mérite toutes les louanges que votre correspondant leur accorde. Pour quelqu’un qui a eu l’avantage, comme l’auteur, de connaitre cette population industrieuse, honnête et paisible, si fidèle à sa nationnalité et à la foi de ses pères, ses remarques ne peuvent en donner une idée juste et complète. Il n’a pas voulu louer les siens selon leurs pleins mérites de crainte, probablement, qu’on ne le taxât de partialité. Mais, comme chroniqueur d’événements, il est étrange qu’il n’ait pas dit à vos lecteurs que, dans une paroisse aussi française que celle dont il a donné un aperçu; à l’occasion de la dédicace d’une église qui fait honneur à la foi et à l’industrie des habitants, le sermon de circonstance fut donné en anglais! Dans les circonstances cela semble une chose presqu’incroyable, et pourtant c’est un fait vrai. Le Rév. M. Quinan, curé d’Arichat, et dont l’Ardoise fut la première cure et où il a une grande place dans l’affection des gens, inflige à cette brave paroisse acadienne, en pareille occasion, la peine d’entendre un sermon en langue étrangère. C’est comme s’il eut voulu leur faire ce reproche : “pourquoi avez-vous conservée la langue française? hâtez-vous de l’oublier.” Et M. Quinan se dit, et il jouit de la réputation d’être, l’ami fidèle des Acadiens! Ce qui rend cette conduite d’autant plus incompréhensible vous en conviendrez. Espérons que l’idée n’est pas venue de lui-même et qu’il n’a été que l’instrument d’une autre volonté. Quoiqu’il en soit, je tenais à faire connaitre publiquement ce fait qui me parait inqualifiable; un fait qui nous prouve une fois de plus que notre clergé d’origine étrangère à la nôtre ne nous est pas géneralement sympatique quant à la conservation de notre langue et de notre nationalité. Il s’intéresse très-peu à notre langue, et seulement pour les fins de la Religion, et pas du tout à notre fête nationale. Il est zélé et dévoué pour la religion, pour notre foi, c’est très-bien; c’est d’ailleurs leur mission. Mais qu’il réfléchisse sérieusement; cette indifférence de sa part à l’endroit de notre nationalité et de notre langue ne deviendra-t-elle pas, plus tard, funeste pour notre foi et pour son ministère? Que les messieurs du clergé ne s’étonnent pas des remarques qui précèdent, et qu’ils s’attendent que dorénavant ces incidents palpables de manque d’intérêt et de sympathie pour nous ne passeront pas inaperçus, comme dans le passé, maintenant que nous avons une presse française. Les résultats seront dans l’intérêt et du clergé et du peuple, soyons en persuadés. CAP-BRETON 24 septembre 1888