Eclaircissements sur la question acadienne

Newspaper
Year
1888
Month
9
Day
12
Article Title
Eclaircissements sur la question acadienne
Author
----
Page Number
3
Article Type
Language
Article Contents
ECLAIRCISSEMENTS SUR LA QUESTION ACADIENNE Le serment d’allegeance (Suite.) Les missionnaires durent se soumettre, du moins intérieurement, à ces prescriptions iniques, de crainte d’être bannis et de voir leur ouailles privées de secours spirituels. Les Acadiens eurent alors recours au gouverneur du Cap-Breton, M. de Costebelle, et le prièrent d’envoyer quelqu’un de ses officiers à Port Royal pour plaider leur cause et faire exécuter le traité. M. de Costebelle, à qui la Cour de France avait recommandé de favoriser l’exode des Acadiens, dépêcha immédiatement de Louisbourg deux hommes de confiance, les capitaines De la Ronde et Pinsens, qui furent munis d’instructions, dont il importe de connaître le texte. “Il (M.E. de la Ronde) s’embarquera dans le bateau du royale “St. Louis” pour aller au Port Royal. “Il mettra en passant les habitants des Mines à terre, à Chibouctou qui s’en iront au travers les terres, ensuite il continuera sa route. “Etant arrivé au Port Royal si M. Nicholson n’étoit point arrivé, il l’attendra; il luy remettra ma lettre et l’informera du sujet de son voyage, - conformément à la lettre que je luy écrit dont je luy en donne copie. “Il s’embouchera avec le père Bonaventure et les autres missionnaires, prendra langue d’eux de ce qui se passe et agira de concert avec eux tant pour l’évacuation des habitants que pour qu’il soit permis à ceux qui ne pourront pas évacuer cette année de rester jusqu’à l’année prochaine, vu qu’ils ont un an à se retirer et qu’on les en a empêchés jusqu’à présent, par conséquent l’année ne doit commencer que du jour que la permission leur en sera donnée; en cas qu’on lui fasse des objections sur ces articles il a les ordonnances de la reine sur lesquelles il se doit régler et demander à M. Nicholson de les faire exécuter, il doit prendre garde de ne ce point relâcher sur aucun article. “Il sait que par l’article 14 du traité de paix qu’il est permis à ces habitants de sortir avec leur effet mobilier qu’ils pourront emporter, par conséquent, les bateaux, chaloupes et bestiaux y sont compris. “Par le dernier traité il leur est permis de vendre les autres biens immobiles, ainsy ils ne peuvent les empêcher de se retirer sans vouloir aller contre les volontés de la reine; il fera agir les missionnaires pour représenter à ses habitants les périls où ils se trouvent en demeurant avec les Anglais qui dans la suite les regarderont comme leurs esclaves quand même ils changeraient de religion. 1. Il donnera avis de son arrivée au père Bonaventure et au père Félix par le moyen des haibans des Mines ou autres s’il s’en trouvent au Port-Royal; il ne s’absentera point du Port-Royal à moins que pour des raisons fortes. “Il fera agir les missionnaires à l’égard des habitans sans qu’il paraisse d’affectation de son costé, il fera seulement connaître qu’il n’est là que pour soutenir le droit des habitans et le privilége qu’il a plû au roy leur procurer de la reine d’Angleterre et pour faciliter une retraite sous l’obéissance de leur roy. “Après que toutes choses seront réglées, il fera un état général de ceux qui auront des bateaux ou qui en feront, s’ils restent cet hiver; et de ce qu’ils auront besoin pour les faire naviguer et dans quel temps ils en auront besoin. Il en fera pareillement un, du nombre des familles qui n’auront point de voiture et de ce qu’ils peuvent avoir à apporter, il observera de marquer le temps qu’ils pourront sortir…… “En cas qu’il se trouve d’autres obstacles je lui laisse à sa prudence; il fera part de tout ce que je lui dis au père Justinien qui pourroit l’éclaircir sur d’autres sujets qui ne sont point à mes connaissances.” MM. de la Ronde et Pinsens arrivèrent à Port-Royal au cours de l’été de 1714. M. Nicholson leur fit bon accueil, leur permit de faire des assemblées et de s’aboucher avec les Acadiens, qui tous unanimement réitérèrent leur ferme détermination d’évacuer le pays. Nicholson parut convenir de tout, mais finit par tout refuser en donnant pour prétexte qu’il fallait recourir à la reine d’Angleterre pour obtenir une nouvelle décision. On se refuserait à croire à de pareils subterfuges, si l’on n’avait sous les yeux les pièces officielles qui le prouvent, (2). L’hiver, durant lequel les Acadiens ne pouvaient émigrer, serait venu avant le retour de la prétendue réponse qui, du reste, n’arriva jamais : c’était tout ce que cherchait Nicholson.