Pas assez de Français

Newspaper
Year
1909
Month
3
Day
23
Article Title
Pas assez de Français
Author
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Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
Pas assez de Français M. le Rédacteur, Dans votre numéro du 9 courant, et dans la même colonne, vous avez donné place à deux communiqués qui sont loin de se ressembler, quoique leur but devrait être semblablement le même : l'enseignement du Français dans les écoles de l’Ile. Les sages conseils donnés aux “Ecoliers’’ reflètent bien mieux la mentalité ou la bonne intention de celui qui les offre que l’élégance avec laquelle ils sont exprimés; n’importe le mérite de l’effort est au moins, et c’est déjà assez pour que j'en félicite l’auteur de ces lignes qui, je l'espère, continuera à envoyer hebdomadairement, à L’IMPARTIAL, une petite correspondance signée toujours au moins de ses initials, afin que nous puissions suivre, et avec beaucoup de plaisir, les progrès marquants qu’il fera. “Fabricando fit faber” : c’est en forgeant que l’on devient forgeron; pareillement, c’est en travaillant son Français qu’on vient à le maîtriser, le parler et l’écrire correctement. Un Français parlant, mal sa langue, mais la parlant tout de même, vaut mieux à mes yeux que cet autre Français qui essaie de cacher son identité, ou sa honte, en faisant usage d’une autre langue, l'Anglais surtout, comme c’est malheureusement trop l'habitude entre nous. Pour le Français non instruit, pour celui-ci surtout, qui semble avoir continuellement honte de parler sa langue, mais, sait-il ce qu’il apprend des Anglais comme lui non instruits et cette dernière classe est nombreuse encore de nos jours; mais, ce langage nouveau est aussi, il est plus baroque que le sien propre dont il a si honte. C'est là qu'on entend : says he, says I etc; une prononciation, un accent à faire trembler les montagnes. Dans notre pays, c’est entendu, il nous faut apprendre l’Anglais; mais de ce que nous sommes obligés de l’étudier et de nous en servir à l'occasion, et à le parler continuellement, au foyer, il y a une vaste différence. Voyez-vous jamais vos amis les Anglais, même quand ils savent très mal leur langue, essayer d'apprendre la nôtre et de la parler entre eux? bien rares, n'est-ce pas, ceux qu'ils le font, et qui peut les en blâmer? Ils sont nés Anglais, et non seulement veulent rester toujours tels, mais tels ils veulent se montrer toujours. Admirable est leur fierté nationale et la grande leçon qui nous est donnée; allons nous en profiter? Efforçons-nous donc d’apprendre comme il convient notre belle langue, de prendre gloire à la faire étudier, à la faire parler à nos enfants, à l’école, au village, à la maison, partout. J’ai mentionné le nom "école". Autrefois il y avait des pères de famille, pas nombreux heureusement, qui défendaient aux instituteurs et aux institutrices d’enseigner à leurs enfants quoi, croiriez- vous….le Français. Mais aujourd’hui, assurément, il n’y en a plus de ces doublures d’ignorance et de malice. Pourtant, si vous jetez les yeux avec moi sur les "Notes de Deblois" , donnant compte de l’examen d'école du 27 février dernier, vous serez forcés de dire qu'il y a encore, à Deblois, des fichues de mauvaises doublures, ou bien des institutrices acadiennes qui sont peu patriotes et bien peu soucieuses de l’instruction française de vos enfants. Quoi? dans une école toute française, au moins par tous les noms des figurants à cet examen, et un programme presque tout anglais, devant des parents acadiens français; et pour comble, la plupart des prénoms féminins à partir de l’institutrice jusqu’à la dernière des filles sur la liste, ont la tournure et la prononciation anglaise. Mais, ne reste-t-il de Français, à Deblois, que le nom de sa localité? En haut les cœurs, tous les gens de l’Ile. Plusieurs de vos districts scolaires ont montré du progrès dans l'étude de la langue française mais n’y en aurait-il qu’une seule du type de l’école de Deblois, ce serait encore énormément trop. Foulez aux pieds cette fausse, cette avilissante honte d’apprendre et de parler votre langue, et ce faux orgueil de ne vouloir parler que l’Anglais et passer pour tels. Non, mes chers compatriotes, que nous essayons à parler, à imiter l’Anglais toute notre vie, nous ne parviendrons jamais à être des Anglais même médiocres; pourquoi? parce que chaque race, chaque nationalité, a, à elle propre et sans s’en douter, un quelque chose, un cachet ethnique qui la distingue malgré tout, des autres races. Vaut dons mieux rester ce que nous sommes, et de développer avec grand soin chez notre jeunesse le goût et le vrai orgueil de son origine, de sa langue et même de ses si belles et anciennes coutumes. Parlez le français que vous savez déjà, et forcez vos instituteurs et institutrices à l'enseigner dans vos écoles, et ceci sans une seule exception. Dans quelques années, la convention plenière des Acadiens va avoir lieu chez-vous; ce sera la deuxième tenue sur l’Ile. Pour ma part, je voudrais voir exposés, à ce prochain Congrès, au moins une partie des travaux de chaque école française de votre Province, de ceux surtout se rapportant à notre langue et à notre histoire. Quelle exhibition intéressante, quel exemple frappant pour toute l'Acadie, de pouvoir toucher, du doigt pour ainsi parler, ces multiples travaux et progrès de nos chers enfants, l’espoir de demain. X