Immigration et Colonisation

Newspaper
Year
1910
Month
5
Day
3
Article Title
Immigration et Colonisation
Author
Anatole Vanier
Page Number
2
Article Type
Article Contents
Immigration et Colonisation La colonisation de notre pays a toujours été un problème dont tout vrai canadien a dû s'occuper avec beaucoup d'attention. En effet il importe bien que notre immense territoire soit sainement et fortement peuplé afin que, d'abord, les Canadiens deviennent puissants- et partant qu'ils s'emparent pins solidement du sol et qu'ils soient plus sûrement respectés— et qu'ensuite ils aient un vaste champ ouvert à leur action—ce qui assurerait un progrès constant à l'industrie, au commerce et à l'agriculture. Par bonheur, à toutes les époques, il s'est trouvé des gens capables d'envisager cette importante question à ces deux points de vue principaux. Et aujourd'hui, dans certaines régions, le vent semble particulièrement favorable à cette catégorie de colonisateurs. Puisse cette brise longtemps souffler. La Législature de Québec est saisie de cette question et le gouvernement comme l'opposition la voit nettement posée. Je suis heureux de constater que dans la discussion on a énoncé le double principe qui doit présider à toute colonisation consciencieuse, à savoir la conservation de la population autochtone et le choix scrupuleux des immigrants. Autant la législature québécoise offre de garantie en reconnaissant la nécessité et l'opportunité de la colonisation autant les Communes me paraissent faire erreur—je veux parler de l'opposition comme du gouvernement—lorsqu'elles couvrent le pays d'un flux d'immigrants—je devrais dire d'un raz de marée. Nous savons combien est renversant le nombre des étrangers qui nous sont arrivés depuis quelques années, eh bien, il paraît que, cet été, l'immigration va être plus florissante que jamais (voir le "Canada" du 29 mars et du 6 avril). Notre parlement fédéral, en lâchant, les écluses à cette mer de pauvres diables de tous les pays, juge à propos de dire que l'immigration favorise le commerce, …enfin qu'elle est la cause du progrès. Il est vrai que l'immigration favorise le progrès, qu'elle est la cause du progrès matériel, bien entendu. Mais nos hommes d'état devraient songer aussi à autre chose- il faut plutôt dire, songer d'abord à autre chose - à la conservation et au développement de l'idéal, des aspirations des Canadiens. Pour qu'un pays garde sa mentalité, pour qu'il reste soi-même, il faut que les immigrants s'assimilent à la population. Et comment cette assimilation se fera-t-elle si le nombre des étrangers est si considérable et les lieux qui les reçoivent si déserts que des colonies entières avec leurs mœurs, ; leur histoire et leurs aspirations nationales propres s'établissent au Canada. Si on me rappelle ici que l'immigration est plus choisie maintenant, je m'en réjouis mais je prétends tout de même quequelle que soit la classe de nos immigrants d'aujourd'hui le nombre des étrangers établis au pays depuis quelques années est si grand qu'il constitue un danger de mort pour notre caractère national qui est déjà atteint du cosmopolitisme. Dans la ville de Montréal surtout—et je parle avec connaissance de cause puisque j'y vis—Il s'est opéré, durant ces dernières années, des changements considérables…Pour le pire. La métropole comprend maintenant un grand nombre des cosmopolites avec qui je compte les juifs (qui sont au nombre de 30000) ces sans-patrie par excellence. Les sectaires les socialistes et tous les germes des mauvaises maladies des grands villes d'Europe y ont leurs quartiers généreux. L'immigration actuelle fait certes l'affaire des compagnies de transport et de bien d'autres mais elle ne procure aucune satisfaction A ceux qui croient que toutes les nations tout susceptibles de progrès moraux, au contraire, elle les attristent profondément. Je reconnais la valeur du progrès matériel mais je m'indignerai toujours de le voir fleurir aux dépens des aspirations nationales de mes compatriotes. Le Premier ministre a déclaré à l'Islet, durant sa dernière campagne électorale, que "grâce à la politique du gouvernement l'immigration était de 46% moins considérable que l'année précédente" (voir le"canada" du 7 octobre 1908). Puisse-t-il revenir à sa politique d'il y a deux ans, certaines compagnies seraient peut-être entendre des cris des sifflets ou des gricements de roues et d'autre gémiraient peut-être dans l'ombre mais le peuple l'applaudirait certainement comme il l'a fait eu 1908. Le rapatriement avec l'émigration forment le pendant de l'Immigration dans le problème de la colonisation, portons-leur également un vif intérêt et nos représentants au parlement deviendront peu à peu de vrais colonisateurs. ANATOLE VANIER