Papier Lu a la Convention tenue les 30 et 31 Août a Palmer Road

Newspaper
Year
1906
Month
11
Day
8
Article Title
Papier Lu a la Convention tenue les 30 et 31 Août a Palmer Road
Author
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Page Number
7
Article Type
Language
Article Contents
Papier Lu a la Convention tenue les 30 et 31 Août a Palmer Road Mons. le Président. Revs. Pères Messieurs les Insts et Institutrices Dames et Messieurs. Dans un moment d'enthousiasme juvénile—on est jeune à tout âge—j'ai eu la témérité d'accepter l'invitation, de monsieur le président, de préparer pour ce congrès, un papier quelconque; mais lorsqu'on est sonné l'heure de remplir ma promesse, et de mettre mon projet en exécution, alors seulement, j'ai compris la difficulté de la tâche qui pesait sur moi. Toutefois, avec votre permission, M. le Président Revs. Pères, je vais hasarder quelques remarques sur le sujet, tout important pour nous acadiens, de nous instruire, d'étudier et de nous perfectionner dans la langue de nos pères, la belle langue française. Dans nos campagnes comme dans nos villes, où nous trouvons de nos compatriotes acadiens, on remarque un certain attrait pour la langue anglaise, une sorte de magnétisme qui semble nous influencer et infuser en nous une certaine anglomanie qui ne peut manquer de porter des coups destructifs à notre langue, à nos coutumes et à nos traditions nationales. Le langage, dans nos paroisses acadiennes, s'il n'est pas exclusivement anglais, est rempli d'anglicismes, de phrases moitié anglaise, d'expressions baroques, de mots semi—algonquins et de tournures ridicules. Exemple : "Moi pour un," traduction de l'anglais "I for one," pour "quand à moi," "Moulin à coudre," pour "Machine à coudre,"Aller au time," pour "aller à une dance," "Aller prendre une ride," pour "faire un tour de voiture," "Un churn," pour "une baratte," "Smart," pour habile," et une foule d'antres expressions anglifiées qui font de notre belle langue un baragouinage horrible. D'autre ont la manie de toujours parler le jargon britannique, comme s'ils avaient honté de parler leur langue nationale. Deux voisins, ou deux amis se rencontrent- t ils, que de suite la conversation s'engage en anglais, et pas un seul mot de français est articulé; si bien qu'on prendrait ces gens pour des citoyens de Londre, ou de quelques unes de nos grandes villes. Cette coutume se fait d'autant plus remarquer chez les personnes instruites, qu'elles pensent accomplir un acte de patriotisme en rougissant de parler une langue, qui est parlée par tous les diplomates du monde. Ce mal si commun de nos jours et qui semble vouloir envahir toutes les classes de la société, n'est cependant qu'une folle manie qui ne serait pourtant pas sans remède. Que chaque famille bannisse, du foyer domestique, l'usage de l'anglais, et parlent exclusivement le français en famille voilà un commencement d'antidote à cette contagion, et que la cure complet s'oppère sur les bancs de l'école. Que nos instituteurs dévoient un peu plus de temps à l'étude du français, et qu'ils se fassent un devoir de l'enseigner d'une manière plus complète à leurs élèves. Jusqu'à ce que l'enfant sache lire couramment sa langue maternelle, il me semble inutile de lui enseigner l'anglais, si ce n'est que de lui apprendre à le parler. Pouvant lire intelligemment sa langue, il sera alors facile à l’enfant d’apprendre l’anglais, et son intelligence sera de beaucoup moins taxé que s’il commence l’étude de l’anglais en même temps que l’abécédaire. Cependant, c'est avec douleur que je dois l'avouer, nos écoles acadiennes, à quelques exceptions, sont aussi atteinte de cette manie de toujours parler l'Anglais. Nos instituteurs acadiens parlent l'anglais chez -eux, ils le parlent entre eux, et ils le parlent dans leur réunions, ils le parlent à leurs élèves à l'école, ils le parlent partout. Voilà la plaie dans toute sa laideur et toute son indignité! Comment remédier à ce mal? Or voici : Quand ceux qui veulent embrasser la profession de l’enseignement—et ils sont nombreux—auront les moyens de faire un cour français sur un pied d'égalité avec l'Anglais. Alors seulement nous aurons des instituteurs, qui auront conscience de leur mission et auront à cœur l'amour de leur langue maternelle, ce symbole du vrai patriotisme. Mais, M. le présidents et révérends Pères dois-je l'avouer, les instituons où nos jeunes gens vont se préparer pour la profession—le Collège St. Dunstan et le collège Prince de Galles—ne sont pas des institutions adéquates aux besoins de notre jeûneuse acadienne. On se pique d'enseigner le français dans ces institutions!—Dieu quelle pitié et quel audace car ce n'est pas même un semblant de français. Alors comment prétendre que nos instituteurs enseignent le français lorsqu'ils n'ont pas l'avantage de le connaître? Cependant M. le président, Revs. Pères, Dames et Messieurs, si nous voulons rester français, si nous voulons garder notre foi, nos mœurs, nos coutumes et les traditions de nos preux, parlons notre langue nationale, parlons la en famille, parlons la dans nos réunions, parlons la à l'école, parlons la toujours. Le peuple qui renie sa langue, après l'avoir apprise sur les genoux de sa mère, renira bientôt aussi son origine et ses devoirs les plus sacrés. La langue française, originaire des bords du Rhin, et dont les doux refrains charmaient l’oreille de nos aïeux bercés sur les genoux de leur mère, étant la plus belle, la plus répandue, la plus propre à la littérature, à cause de son inépuisable vocabulaire, ne mérite-t-elle pas d'être étudié avec ardeur? Hélas! oui M. le président, étudions là en premier lieu parce qu'elle est notre langue maternelle, et secondairement pour sa beauté, sa pureté et ses soins harmonieux C'est un joyaux d'un prix inestimable, et c'est en y faisant la cour quelle nous livre ses plus charmants secrets. Il me semble qu'il devrait être du devoir des parents, dont les enfants ont quelques attraits pour la profession pédagogique, de faire de généreux sacrifices pour donner à leurs enfants les moyens d'acquérir une bonne éducation française. Si la question, de fonder un collège acadien sur l'Ile St. Jean, qui a été discutée l'hiver dernier, n'a pas été couronné de succès, si nous n'avons jamais l'honneur de voir surgir au milieu de notre population acadienne une institution nationale qui serait l'honneur et la gloire de notre race, au moins soyons généreux et envoyons quelques uns des nôtres dans un des collège français des provinces voisines. Au moins là ils recevront le pain de l'instruction dans la langue de leurs ancêtres. Il y a sur l'Ile St. Jean beaucoup de gens assez riches pour envoyer au moins un de leurs fils faire un cour classique, soit au collège St Joseph soit au collège du Sacré Cœur. Nous avons plus que jamais besoin d'hommes instruits. Il nous faut un clergé acadien. Il nous faut des hommes dans le bureau, dans la magistrature, dans la médecine, dans le journalisme, dans la politique, dans l'enseignement et le commerce. L'éducation seule est ce levier, cette force motrice qui rend un peuple grand heureux et sage. Instruisons nous et alors nous aurons la perspective d’avoir des hommes dans tous les degrés de l’échelle sociale, qui sauront, par leur habileté faire honneur à notre race. Ce n'est pas, à la vérité, les talents, ni l'intelligence qui manque chez nos enfants, plutôt les moyens de développer chez eux ces facultés latentes dont ils sont doués. Donnons à nos jeunes gens les moyens de s'instruire et ils pourront concourir, et avec succès, avec leurs concitoyens de race Anglaise, Ecossaise ou Irlandaise pour n'importe quelle position. Eh pourquoi n'aurions-nous pas au milieu de nous des hommes eminants lorsqu'une éducation, supérieure aura perfectionné et développé leurs talents? Notre race n'a-t-elle pas toutes les qualités voulues? Oui certes. Tout nous sourit. Intelligence, talents, force de volonté, persévérance, courage indomptable, esprit de sacrifice!…. Oui, quand une éducation supérieure aura développé nos talents, qui, aujourd'hui encore, sont dans un état latent, pourquoi ne surgirait -il pas du milieu de nous un Laurier, un Bourrassa, un Tachereau, un Sulte, ou un Tardivel? Ce que les canadiens Français ont produit en fait d'homme d'élite peut se produire aussi chez les Acadiens, car c'est le même sang chaud qui coule dans leurs veines; c'est le même esprit de patriotisme qui les anime, et leurs aspirations sont identiques, puisque ces deux races ont la même origine. Oui, soyons fiers de notre origine et de porter le nom glorieux d'acadien. Aimons tous le doux parler de la France, et que cette langue soit toujours pour nous, la langue de l'amitié et de la prière, afin que l'étranger abordant sur nos plages y trouve une autre France, et que le Français y salut une autre partie.