Sylvain - Petite Chronique

Newspaper
Year
1906
Month
9
Day
20
Article Title
Sylvain - Petite Chronique
Author
Sylvain
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
SYLVAIN Petite Chronique Le nombre de prêtres Acadiens augmente considérablement depuis quelques années. Il y a un mois, à peine, le Rev. J. W. Arsenault recevait l'onction sacerdotale à Oak Lake, Man, des mains de Mgr. Langevin, Archevêque de St. Boniface. Le Revd. M. Arsenault, est le fils ainé de M. J. J. Arsenault, bien connu à Tignish et à Egmont Bay. Quelques jours après son ordination il a été nommé vicaire du Rev. M. Cherrier à l'église de l'Immaculée Conception, Winnipeg. Tout dernièrement, deux jeunes Acadiens, les RR. MM. Thibeau et Comeau ont été élevés à la prêtrise. Le premier est parti pour aller exercer le saint ministère sur les plages lointaines et brumeuses de l'Ile Terreneuve. Il y a beaucoup d'Acadiens dans cette île, et il faut espérer que son évêque a pu le placer au milieu des siens. Il y a aussi plusieurs jeunes Acadiens aux séminaires, soit dans les Prov. Maritimes, soit dans la Prov. de Québec. Chaque année nos collèges de Memramcook, Church Point et Caraquet voient le nombre d'élèves acadiens s'augmentant de plus en plus ; et voilà maintenant que notre société nationale de l'Assomption se charge de défrayer les dépenses de dix Acadiens qui suivent les cours dans nos trois Collèges. Tout cela, c'est encourageant, sans parler du nombre de nos jeunes gens qui destinent soit au commerce ou aux professions libérales. Cependant, il est évident qu'un trop grand nombre, hélas ! de parents acadiens se laissent tirer l'oreille pour faire instruire leurs enfants. Beaucoup s'imaginent qu'ayant eux-mêmes fait leur chemin sans instruction supérieure, leurs enfants peuvent faire la même chose. D'autres ne sont pas prêts à faire les sacrifices voulus, quoiqu’ ils en aient les moyens, tandis que d'autres sont absolument indifférents du sort de leurs enfants ; les laissent grandir dans l'ignorance, ou bien les voient quitter le pays natal, pour souvent devenir des vrais esclaves dans les bois, les mines ou les manufactures, sans se soucier des dangers encourus pour leur nationalité et leur foi. "Noblesse oblige" Il y a trente à quarante ans, le manque de maisons d'éducation supérieure en Acadie, la distance des collèges de Québec, et, surtout, l'extrême pauvreté des nôtres constituaient une vraie raison qui empêchait nos jeunes gens de suivre des cours en préparation soit au sacerdoce soit aux professions libérales. Peut-on invoquer de telles excuses aujourd’hui ? N'est-il pas vraie que les Acadiens d'aujourd’hui, sans être un peuple fortuné, sont enfiniment plus à l'aise qu'ils ne l'étaient il y a trente à quarante ans ? N'est-il pas vraie que le nombre de nos collèges et couvents s'est veilleusement multiplié depuis près d'un demi-siècle ? Peut-on dire que le zèle pour l'éducation parmi les nôtres c'est accru en proportion du progrès de nos maisons d'éducation ? Même, chose triste à constater, n'est-il pas vraie qu'une bonne moitié de nos familles acadiennes s'abonnent à des journaux anglais ou aux grandes feuilles de Prov. de Québec, au grand détriment de nos journaux acadiens ; sans parler de ceux qui, tout en les recevant, négligent de solder l'infime somme qui constitue la vie même du journaliste et de son journal. Voilà quelques questions qui peuvent servir d'examen de conscience pour beaucoup d'entre nous. Lorsque nous aurons supporté et encouragé nos collèges et nos journaux selon nos moyens, alors il sera grand temps d'accuser les autres nationalités de mettre des entraves à notre progrès comme peuple et dans l'Eglise et dans l'État. Plusieurs de nos écrivains et orateurs ont critiqué amèrement les autorités ecclésiastiques ; les accusant de partialité dans la distribution des postes de distinction et d’honneur dans la hiérarchie des Provinces Maritimes. Vu notre prépondérance numérique, le partage parait certainement inégal. Il est dans l'ordre des choses possibles que dans le choix de candidats pour les haut postes dans l'Eglise de notre pays, les évêques des autres nationalités se soient laissés influencer par les liens du sang : —"Blood is thicker than water." Il est également dans l'ordre des choses possibles que dans notre clergé, on ne puisse trouver 'du bois" pour faire un évêque. "No episcopal timber". Quoiqu'il en soit, la discussion dit ces sujets dans la presse ou du haut de la tribune, me parait tout à fait déplacée, surtout quand ces discussions sont accompagnées de paroles acerbes et injurieuses attribuant à nos supérieurs ecclésiastiques des motifs, qui, nous a-t-on toujours enseigné, étaient loin de trouver un asile dans le cœur, d'un évêque de quelque nationalité qu'il fût. De tels procédés, il me semble, ne peuvent que semer le scandale dans le pays, faire naître le soupçon et la défiance dans le cœur de nos bons Acadiens, et encourir plus que jamais l'énimitié de nos frères en religion, mais qui reclame une autre mère-patrie que la nôtre. Je ne doute pas de la bonne foi et des bonnes intentions de ceux qui se sont laissés aller à de tels écarts, mais il n'en est pas moins vraie que les Acadiens sont encore sans représentant dans la hiérarchie, et je suis porté à croire que les paroles malheureuses prononcées par certains de nos chefs, n'auront pour effet que de retarder la nomination d'un des nôtres au poste tant désiré. Lisez attentivement le sermon du Rev. P. Bourgeois, C. S. C., à l'occasion des obsèques du regreté Rev. F. X, Cormier, premier prêtre acadien de la grande paroisse de Memramcook. L'éloquent prédicateur nous dit la douceur et la charité de ce bon prêtre et il insiste surtout que ce prêtre était un modèle de soumission à ses supérieurs ecclésiastiques. Voyant sa dernière heure approcher, il fait ses adieux et ces confidences à ces confrères, et les exhorte surtout à l'obéissance, déplorant en même temps des évènements tels que je cite plus haut. Certains journaux acadiens ont éliminé cette partie du sermon du R. P. Hourgois de leur compte rendu : peut-être en connaitrons-nous la raison plus tard. Il n'y a pas qu'en Acadie qu'on se permet de trainer les motifs et la conduite des évêques dans la presse. Il en est de-même aux Etats-Unis. Dans deux colonnes du Messager de Lewiston, un écrivain franco-américain mal mène les évêques et les prêtres irlandais d'une manière honteuse et scandaleuse. D'un autre côté je détache ce qui suit d'un article intitulé :—"Nos traditions, notre langue," de La Patrie de Montréal :— "L'orage de Fall River remet à l'ordre du jour notre situation nationale le sur le continent……..Nos compatriotes ont trouvé sur le sol de la République voisine une hospitalité généreuse. N'est-il point regrettable de reconnaître que, au lieu de l'harmonie, de la sympathie qui devraient exister entre tous les catholiques, entre Irlandais et Canadiens-Français spécialement, les nôtres ont sans cesse à se plaindre de la conduite de leurs coreligionnaires irlandais à leur égard. Des protestations nombreuses se sont élevées déjà et à maintes reprises. Il a été question d'appels à Rome, afin d'obtenir une part légitime des honneurs religieux pour les prêtres catholiques. Le gouvernement de l’Eglise est un gouvernement monarchique, mais tempéré par le droit de la part des fidèles de s'adresser en tout temps, à leurs supérieurs religieux, à l'épiscopat, à la Cour de Rome. Les appels légitimes, conduits avec intelligence et persévérance, reçoivent au Vatican une considération éclairée et qui finit par donner raison à ceux dont la cause est juste. Une action énergique, mais dirigée dans un esprit vrai de catholicisme, c'est-à-dire avec modération et prudence, est non seulement permise, mais elle devient un devoir en certaines circonstances. Nous avons passé, au Canada, par des jours de crises, Nous nous plaisons à reconnaître que la Cour de Rome a toujours prêté une oreille attentive, sympathique, à nos représentations. Les minorités sont exposées à être plus susceptibles que les majorités. Facilement, elles se croient lésées. Qu'il nous soit permis d'exprimer l'espoir que les malentendus religieux ne se répètent plus. Le Clergé canadien français est déjà nombreux. Les esprits dirigeants de nos compatriotes, qui prennent une influence additionnelle d'année en année, feront, nous le savons, une large part dans le travail nécessaire pour éviter les désagréments semblables à ceux qui ont surgi dans le passé. Il me semble que les paroles de l'écrivain de La Patrie respirent la soumission et le respect, sans manquer de fermeté ; tandis que l'écrivain du Messager profère des paroles d'insubordination, cherche à enflammer les passion nationales, et ainsi exciter ses compatriotes à des actes et des scènes malheureuses telles qui se sont déroulées, il y a quelques années, dans une autre partie des Etats de l'est. Voilà mes impressions; d'autre sont libres de différer d'opinion avec moi, mais souvenons nous, Acadiens, que rien de grand ni de stable a jamais été accompli par la voie de l'insulte, du dénigrement et de l'insubordination. SYLVAIN