Correspondance

Newspaper
Year
1900
Month
10
Day
4
Article Title
Correspondance
Author
Gabriel
Page Number
4
Article Type
Language
Article Contents
Correspondance M. le Rédacteur. Je viens vous prier de vouloir bien m'accorder un petit coin dans les colonnes de votre estimable journal pour dire quelques dures vérités à un certain nombre de nos Acadiens. Je vais donc leur dire bien franchement d’abord, qu’ils se laissent trop exploiter par les étrangers et qu’ils se montrent ingrats envers les nôtres. C’est fort cela, n’est-ce pas? Voyons, toutefois, si ce n’est pas le cas. Un agent de la “Patrie", journal de M. Tarte, vient de parcourir nos paroisses acadiennes faisant une propagande très active en faveur de ce journal et en même temps, cela va sans dire, en faveur du parti dont cette feuille est l'oracle infaillible. Cet individu, aux manières courtoises, au langage sucré, a réussi à placer un nombre assez considérable du dit journal dans nos familles acadiennes. Dites-moi donc MM. les Acadiens, qui avez montré un tel empressement à vous abonner à la “Patrie" quels services M. Tarte et la “Patrie” vous ont ils rendus par le passé? Se sont-ils jamais intéressés à votre avancement? Se sont-ils jamais occupés de vous obtenir vos droits auprès du gouvernement actuel? Quand M. Tarte et Sir Wilfred sont parvenus au pouvoir et qu’on a mis à la porte, sans cérémonie, le seul des nôtres, qui ait jamais obtenu une position au bureau des postes à Charlottetown, est-ce que M. Tarte et la “Patrie’’ ont protesté? Quand nous avons voulu faire nommer un des nôtres au Sénat pour remplir le siège laissé vacant par la mort du regretté Sénateur Arsenault, est-ce que M. Tarte et la “Patrie’’ ont prêté l’oreille à nos justes réclamations? Enfin lorsqu’il s’est agi de nommer un juge à la place de feu juge Alley et que nous avons remué ciel et terre pour faire parvenir M. Blanchard, encore un des nôtres, à cette position importante—M. Blanchard qui possédait toutes les qualités requises pour remplir dignement les fonctions de cette haute charge, M. Blanchard qui avait certainement bien mérité du parti dont M. Tarte et Sir Wilfred sont les chefs—quand il s’est agi, dis-je, de cette importante nomination, M. Tarte et la “Patrie” se sont-ils faits les champions de nos droits? Non, mille fois non. Sir Wilfred et M. Tarte pouvaient alors nous rendre justice, nous accorder nos droits. L'ont-ils faits? Encore une fois on a rejeté nos humbles supplications. Encore une foi nos ennemis ont triomphé. Voilà donc M. Tarte et Sir Wilfred comment vous avez agi envers ceux dont vous avez l’audacieuse hypocrisie de vous proclamer aujourd’hui les amis. En dépit de tout cela MM. les Acadiens, à la veille des élections on a l’audace de venir vous bourrer de toutes espèces de bêtises et vous êtes assez [mot illisible] pour vous laisser prendre par toutes ces protestations d'amitié et de sympathie. “Pauvres Acadiens”, vous a-t-on dit que vous êtes à plaindre, que vous êtes délaissés, ici, dans les Provinces Maritimes, loin de vos frères les Canadiens qui vous aiment si tendrement, qui vous admirent tant. Vous êtes français et M. Tarte c’est un des vôtres. Sir Wilfred, ce cœur, d’or, ce foudre d’éloquence, ce législateur consommé, voilà encore un des vôtres. Votre triste sort leur est connu et ils vont voir à ce que vous ayez vos droits. La Patrie, le journal de M. Tarte, un journal vraiment français, voilà ce qu'il vous faut. Oui, c’est vrai, vous avez quelques petits journaux insignifiants, L’impartial, le Moniteur, l'Acadie, l’Evangeline, le Courrier, mais ils ne vous fournissent guère de vraie littérature française. La Patrie va vous en donner de la littérature française à pleines colonnes, allez, etc. etc.” C’est bien cela n'est-ce pas MM. les abonnés de la Patrie qu’on vous a dit avec un tas d'affaires encore plus ridicules. On a fait appel à vos préjugés, à votre origine à votre patriotisme, on vous a même rappelé vos malheurs et tout cela pour mieux vous exploiter. Attirés par ces amorces séductrices, vous vous êtes laissé prendre. Vous vous êtes abonnés en grand nombre à ce journal de M. Tarte. Vous ne vous êtes plus souvenus des vôtres qui, au prix de tant de sacrifices, ont toujours combattu pour revendiquer vos droits, qui se sont usés à travailler à votre avancement, les vôtres qui vous connaissent et qui connaissent vos besoins. Peut-être, me direz-vous, MM. les Acadiens. “Mais la Patrie est un grand journal très bien rédigé." Soit, mais dites-moi est-ce qu'on rédige un journal avec de l'air? Abonnez-vous à nos journaux acadiens, payez votre abonnement, encouragez ceux qui se sacrifient pour vous, et bientôt nous aurons des journaux parmi nous qui ne le céderont en rien à la Patrie. Oui, je vous le demande sérieusement. N’est-il pas infiniment mieux de nous abonner à nos journaux acadiens rédigés par des hommes qui connaissent nos besoins et qui s‘en occupent? Qu'est-ce que M. Tarte et la Patrie connaissent de notre système d'éducation de nos écoles par exemple? Rien, absolument rien. Quel bien peut nous rendre ce journal dont le seul but est de propager un libéralisme outré? Je ne prétends pas faire de la politique, M. le Rédacteur. Ce n’est pas mon but, je condamnerais également n’importe qui que ce fût qui viendrait faire une propagande semblable au détriment de nos propres journaux. Je sais fort bien que nous avons dans la province de Québec des amis et de nombreux amis dont les bonnes paroles de sympathie et d’encouragement ont dans une mesure considérable contribué à faire de nous ce que nous sommes maintenant— un petit peuple plein de vie et d’espérance. Plusieurs d’entre eux sont même venus parmi nous, de vrais apôtres ceux-là, nous consoler, nous aider, nous montrer le chemin de la vertu et du progrès. Leurs noms vivront éternellement dans la mémoire de tout vrai Acadien. M. Tarte et ses semblables ne sont pas de ce nombre, il s’en manque. Je m’arrête sans avoir pu trouver de termes assez forts pour condamner comme elle le mérite la conduite effrontée de l'individu dont je vous ai parlé et l’ingrate lâcheté d’un grand nombre des nôtres. Veuillez M. le Rédacteur me croire Votre tout dévoué Gabriel Septembre 27. 1900 P. S. Veuillez, M. le Rédacteur, dire de ma part à l’Acadie et au Moniteur qu’ils se trompent quand ils viennent nous dire que le Rev, M. Doucet est le premier prêtre d’origine acadienne qui ait jamais été nommé grand vicaire dans les diocèses des Province Maritimes. Ils ignorent évidemment qu’un jeune prêtre acadien, natif de Rustico, le Rev. M. Blaquière, est grand Vicaire du Diocèse de Ch’Town dépuis un ans. G. P. S. M. Tarte doit penser, que la cause libérale est en de bien mauvaises mains à la Nouvelle-Ecosse, puisqu’à l'occasion de la récente convention acadienne il a envoyé son agent solliciter des abonnements pour la Patrie. On dit que cette démarche à réussi à merveille. L’Acadie et l’Evangeline, qu'en pensez vous? Ce n’est pas bien délicat de sa part mais “business is business.” G