Correspondance

Newspaper
Year
1900
Month
4
Day
5
Article Title
Correspondance
Author
Terre Ferme
Page Number
5
Article Type
Language
Article Contents
Correspondance M. le Rédacteur de l'IMPARTIAL. Quel est donc ce personnage important qui de Charlottetown fait la leçon à tous les Acadiens au sujet des récentes nominations épiscopales? Evidemment Insulaire n'est pas Acadien, ou s’il l’est, il se laisse vilement exploiter par certaines influences qui ne cherchent qu’à baillonner la presse dévouée aux intérêts des Acadiens. Essayons d’analyser, ce qui n’est pas facile, ce salmigondis, composé d'anglais, de latin et de français. D’abord Insulaire commence par apprendre à ses lecteurs qu’il a été rempli d’une profonde douleur; mais on ne saurait comprendre la cause de ce sentiment pénible. Est-ce le fait de constater qu’on a célébré les obsèques des espérances de l’Acadie ou bien est-ce la description de cette cérémonie lugubre qui brise son cœur sensible? On ne peut admettre cette dernière hypothèse, puisqu'un peu plus loin il déclare que cette description des obsèques des espérances des Acadiens est un véritable chef- d’œuvre. Il faut donc s’en tenir à la première supposition, c’est-à-dire que Insulaire sent son cœur broyé à la pensée que l'Acadie a célébré les obsèques de ses espérances. Toutefois sa douleur n’est pas de longue durée; il se souvient qu'un poète anglais a parlé de l’espérance et il nous cite Pope : Hope springs eternal from (sic) the human breast. Réconforté par les paroles du poète anglais, il nous dépeint l’avenir sous les couleurs les plus gaies et en même temps il a soin de nous avertir que c’est inutile de parler davantage de la question, Roma locuta est, causa finita est, ce qui veut dire, si je ne me trompe, Rome a parlé, la question est réglée. Insulaire prend-il tous les Acadiens pour un tas d’imbéciles, ou est-il assez naïf lui-même pour s’imaginer un instant que l'agitation parfaitement légitime qui a lieu dans les journaux français, a pour but de défaire ce qui est fait? Sans doute Rome a parlé et tous les Acadiens s’inclinent respectueusement devant la volonté du St. Siège; mais est-ce que cela veut dire que parce que Rome a parlé, on doit se croiser les bras et se tenir coi? Rome a parlé pour le passé, mais non pas pour l'avenir et c’est pour l'avenir que la question est débattue; c'est pour l'avenir que les Acadiens font valoir leurs droits. Si, dans un avenir rapproché, ceux à qui il appartient d’informer le St. Siège, au sujet de nominations épiscopales, ne sont pas disposés à accorder justice à la population française des Provinces Maritimes, on ne pourra pas du moins alléguer comme excuse que les Acadiens sont indifférents, et on ne pourra pas dire qu’ils ont négligé de revendiquer leurs droits. Les craintes que manifeste Insulaire au sujet de l’obéissance des Acadiens envers leurs évêques sont aussi ridicules qu’injustes; et elles constituent une véritable insulte à l’adresse de ce peuple. Ne vous faites pas illusion à ce sujet, M. Insulaire. Les Acadiens sont trop intelligents et connaissent trop bien leurs devoirs de chrétiens pour manquer de soumission à l’autorité épiscopale, quelque soit l’homme qui en soit revêtu, et j’ose dire que les deux évêques qui viennent d’être consacrés ne trouveront pas parmi leur troupeau de sujets plus empressés à se conformer aux ordonnances épiscopales, que ces mêmes Acadiens qui maintenait plaident pour leurs droits. Prêchons et pratiquons l’obéissance à nos pasteurs; mais n’allons pas croire follement qu’on est rebelle à l’autorité, lorsqu’on affirme ses droits légitimes et qu’on se sert de moyens convenables pour les faire reconnaître. Un peuple qui constitue presque la moitié de de la population catholique des Provinces Maritimes ne doit pas être considéré comme une quantité négligeable. Il faudra donc à l’avenir compter avec les Acadiens et leur accorder justice. TERRE FERME.