Papier lu par M. Filias Leclair, inst., à la convention des instuteurs acadiens tenue à Bloomfield les 15 et 16 juileet 1897.

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Year
1897
Month
8
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12
Article Title
Papier lu par M. Filias Leclair, inst., à la convention des instuteurs acadiens tenue à Bloomfield les 15 et 16 juileet 1897.
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3
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L’INSTITUTEUR PAPIER LU PAR M. FILIAS LECLAIR, INST., A LA CONVENTION DES INSTITUTEURS ACADIENS TENUE A BLOOMFIELD LES 15 ET 16 JUILLET 1897 M. le Président, Revds Messieurs, Mesdames et Messieurs; Dans le papier que je vais lire, je me permettrai de passer quelques remarques sur l’instituteur, son devoir, son œuvre, ses qualités et sa méthode d’enseignement. L’instituteur il est l’homme choisi par la nation pour initier les enfants dans l’art de l’étude. C’est lui qui développe les forces latentes de leurs jeunes intelligences, forme leurs esprits, élargit leurs horizons intellectuels, les aguerrit pour la bataille de la vie, leur donne les armes de la sagesse et de l’honnêteté, avec lesquelles ils combattront le bon combat et feront avancer le pays dans la voix du progrès matériel aussi bien que moral et intellectuel. En un mot, il est un des généraux de cette phalange de braves soldats désireux de braver toutes difficultés afin de parvenir à leurs aspirations les plus sincères – le progrès national. Donc, instituteurs acadiens de l’ile, il nous incombe de nous couvrir de l’armure de la science puisque nous sommes de ces généraux, car plus les hommes d’un pays sont éclairés, plus le progrès de ce pays est assuré. Notre besogne est noble mais comme complément, notre responsabilité est lourde. Si nous n’accomplissons pas notre devoir, les enfants l’espoir de notre race, vont croupir dans l’ignorance. A nous de faire de la race acadienne une des plus éclairées de ce beau et grand Canada. Que devons-nous enseigner à nos élèves? Il est d’importance première que nous formions leurs cœurs, que nous y semions l’honnêteté, la franchise et la noblesse de caractère. Sans ces qualités l’homme instruit peut accomplir beau de choses au détriment des intérêts du pays. Ces qualités sont le fondement de toute bonne éducation sans lesquelles les destinées d’un pays sont impitoyablement sacrifiées. La noblesse de caractère est la gloire et le couronnement de la vie, elle est la nature de l’homme dans ce qu’il a de meilleur. Quoiqu’un homme n’ait qu’une éducation bien modeste, peu de fortune, cependant, s’il est grand par le caractère, son influence est toujours prépondérante. La noblesse de caractère comprend la vivacité, l’intégrité et la bonté, les vertus par excellence. Efforçons-nous de faire comprendre à nos élèves que la noblesse de caractère est le fondement du succès. “L’Education sans moralité est un monstre hideux, tandis que celle qui a les principes de la morale comme fondement est un trésor précieux.” Nous devons aussi donner un enseignement physique. Que de jeunes gens sortent de nos collèges chétifs et maladifs. Ils connaissent les sciences à un degré plus ou moins avancé, mais ils ne sauraient utiliser leur intuition, car l’éducation par excellence, l’éducation de leurs forces physiques a été négligée. Le fait est incontestable et il est à désirer que plus d’attention soit donnée dorénavant à cette branche de l’éducation. Il est urgent que nous nous efforcions de développer les forces physiques de nos élèves, mais, sans nuire à l’avancement intellectuel. Avec un peu de discernement nous pouvons mener à bien l’éducation physique. Avec un esprit sain, un corps sain, l’homme peut beaucoup. Nous devons donc donner l’enseignement intellectuel. De ces temps modernes nous devons familiariser avec les grandes questions qui agitent les intelligences de la fourmilière humaine et en donner un aperçu à nos élèves d’une manière succincte n’y mêlant nullement de prolixité. Nous devons nous conformer aux désirs du Bureau de l’Education en enseignant les matières présentées. De plus il serait bon d’enseigner l’application, l’observation, l’esprit de volonté. L’élève doit cultiver l’habitude de l’application mentale, et cette qualité doit être prédominante chez-lui, car sans elle, il n’y aura que progrès médiocres. S’il n’est pas appliqué à son ouvrage, comment pouvons-nous nous attendre à ce qu’il progresse? Il y en a qui ayant des esprits précoces, ne trouvent aucune difficulté à maitriser une matière qui est un Pont d’Anes pour d’autres. C’est par les plus simples moyens et par l’exercice des qualités les plus ordinaires qu’on arrive à l’apogée du progrès. Si on est appliqué, on est presque certain de réussir. Très peu des hommes qui ont laissé leurs noms à la postérité comme monuments immuables de leur dévouement pour l’avancement de la science, étaient doués d’un génie remarquable. Ils ont travaillé et sont parvenus à la réalisation de leurs projets. Qu’il nous suffise de mentionnera Newton. Il travailla 15 ans à la réalisation des idées, et il réussit. Il fut le premier à formuler la loi de Gravitation. S’il ne se fut appliqué à son œuvre il n’eut jamais réussi. Aussi est-il de première nécessité que l’élevé connaisse une matière avant que d’en étudier une autre, car trop de diversité dans l’étude pourrait le faire dévier du droit chemin comme fruits merveilleux qu’une constante application et un travail persévérant peuvent accomplir, je citerai le cas de Démosthènes, l’orateur par excellence. Que de jours il passa sur la plage parlant à l’immensité de l’océan afin d’améliorer sa voix très défectueuse. D’une voix faible qu’il possédait au début, il se forma une voix qui dominait le bruit de la populace. Il me sera peut-être objecter que tout ne peuvent acquérir la science? S’il y en a parmi nous imbus de cette idée, qu’ils travaillent et je leur garantis le succès. “Avec le temps et la patience, la feuille du mûrier se change en satin.” Ainsi en sera-t-il avec nous. Travaillons et attendons. Les grands hommes doivent leur succès à leur application soutenue et à leur observation. L’observation est tout aussi importante que l’application. Les plus petites choses mènent quelquefois aux résultats les plus étonnants. Un exemple de la puissance de l’observation est l’invention de la pendule par Galilée. Tout le monde de son temps avait vu une balance osciller, mais, personne avait songé à la possibilité de mesurer le temps au moyen d’un corps en oscillation. S’il n’eût observé les mouvements de ce corps en apparence si insignifiants, peut-être serions-nous encore sans horloge. Je pourrais vous citer beaucoup d’autres faits; faits aussi remarquable, mais je pense que celui-ci est suffisant pour vous convaincre de la puissance de l’observation. Donc, tâchons d’implanter, dans le cœur des élèves, cette qualité si précieuse. La science humaine est une réunion de petits faits qui s’accumulant de générations en générations ont formé une montagne de connaissances. Qu’elle est à désirer cette qualité ! ‘‘Le monde est aux vaillants’’ est un proverbe qui contient en peu de mots le secret de l’avancement des peuples. Celui qui a de l’énergie et une fermeté de propos peut se considérer heureux, car l’énergie est la mère du succès. ‘‘Luttez et luttez toujours’’ était la devise d’un grand homme. Oui, il faut lutter si on veut acquérir la science. La vie de l’homme n’est autre chose qu’une lutte continuelle. Quand un élève rencontre l’insuccès il abandonne sa matière s’il n’est secondé par une énergie forte. Voilà ce qui, le plus souvent, conduit à l’insouciance dans son ouvrage et à l’abandon de l’étude. Quoiqu’il ne possède que des talents inferieurs, il peut accomplir beaucoup s’il a un courage à toute épreuve. Tout ce qu’il fait doit être bien fait. Pour qu’il réussisse il doit être résolu, car la résolution est aussi essentielle au progrès que l’énergie. Il y a beaucoup d’élèves qui n’ont aucune résolution arrêtée. Comment voulons-nous que de tels élèves progressent? S’ils n’ont aucun but à atteindre ils s’efforceront nullement à travailler. Leur succès dépend de la résolution qu’ils auront prise en s’initiant dans l’art de l’étude. Avec la volonté on vient à bout de tout est un proverbe qui est d’une grande véracité. Le grand Napoléon est le meilleur type que je puisse présenter à votre considération afin de vous démontrer la puissance de la résolution. Tout jeune, il s’était résolu de devenir un grand guerrier, et il ne fut point déçu dans ses aspirations. A travers quelles péripéties n’était-il passé avant que d’arriver au succès. Telle était sa force de résolution qu’il appelait sots ceux qui disaient qu’il ne pourraient faire un ouvrage. Il aurait volontiers bannit le mot “impossible” du dictionnaire. Un jour on lui disait qu’il ne pourrait traverser les Alpes. Il répondit “Il n’y aura plus d’Alpes” L’histoire testifie à l’exactitude de cette phrase. C’est la fermeté de propos qui donnait le cachet du succès à toutes ses entreprises. Nous devrions cultiver cette qualité chez l’élevé dès qu’il est en âge d’en saisir toute l’importance. De plus son effort doit être spontané. L’esprit de spontanéiste est de première nécessité, car s’il faut qu’il soit forcé au travail on ne réussira pas. Je vous conseillerais de leur lire les biographies d’hommes éminents tels que Napoléon Bernard Palissy, St. Vincent de Paul. Je peux l’assurer qu’il ne regrettera pas son peu de trouble. En un mot nous devrions inculquer dans l’âme de l’élève l’amour de l’étude, la nécessité de la science, l’énergie, l’application, l’observation et la résolution. Comment va-t-il réussir? La première nécessite est un bon commencement. Le succès de l’instituteur dépendra de l’impression que les élèves en éprouvant dès leur premier contact avec lui. Si on commence bien on n’aura aucune difficulté à mener à bonne fin notre classe et le succès des élèves sera une récompense satisfaisante de notre prévoyance. On dit qu’une besogne bien commencée est à moitié finie. Si tel est le cas commençons bien et déployons tout le tact possible dès le premier jour de notre enseignement. Nous devons les apprendre à étudier d’eux-mêmes, et abstenons, nous de leur donner trop d’explications. L’aide qui vient du dehors est généralement affaiblissante dans ses effets, mais celle qui ait dedans est fructifiante ! Si nous voulons qu’ils réussissent faisons leur connaitre de quelques matières qu’ils doivent faire de grands efforts et qu’ils sont capables de grandes choses s’ils sont dévoues et résolus. Nous devons tenir tout en ordre parfait. Les règles que nous prescrivons doivent êtres suivies et si par hasard un élève manquait à son devoir, soit par négligence ou par fainéantise nous devons le réprimander. En un mot on doit forcer l’élevé à se soumettre à notre volonté et nous devons chercher les meilleurs moyens qu’il nous faut prendre pour réussir. Nous devrions être ponctuels. La ponctualité est une des qualités requise à un haut degré par l’instituteur et ses élèves. Si nous avons quelque chose à faire, n’attendons pas au dernier moment, Mais faisons-le dès que nous en avons le temps et ne la remettons pas au lendemain. Les grands hommes, les noms desquels a illustré l’histoire possédaient cette qualité. De plus ce que nous faisons, faisons-le bien ou ne le faisons pas du tout. Il n’y a rien qui assure le succès dans cette vie comme l’exactitude en action. Qu’est-ce qui a fait de Napoléon, le roi des guerriers modernes? C’est l’exactitude qu’il apportait à l’accomplissement de ses devoirs. Comment Michel-Ange a-t-il atteint à un si haut degré de renommée? C’est l’exactitude qu’il déployait dans ses plus simples productions qui était le secret de son succès. Il est désirable que les écoliers soit exacts dans leur besogne journalière. Comment le seront-ils? Ceci est une question qui demande beaucoup de considération et d’attention. Je hasarderai quelques remarques. Un vieux proverbe est “Tant vaut l’homme, tant vaut la terre” J’ajouterai : Tant vaut l’instituteur, tant valent ses élèves. Si nous voulons qu'ils soient exacts dans leur besogne, donnons-leur l'exemple. Efforçons de cultiver cette qualité. Que nos explications soient aussi concises que les circonstances le permettent. Il n'est nullement nécessaire de donner de longues explications, car ceci les ennuie et ils deviennent indolents. Nous devons aussi commander leur attention. L'attention est requise dans tout ce qu'ils font car, si leur esprit est dissipé, nous ne pouvons nous attendre à ce que notre enseignement produise de bons fruits. Ils doivent cultiver l'habitude d'étudier leurs leçons à domicile. L'habitude, je pourrais dire permanente qu'ils ont d'étudier leurs leçons régulières en temps de classe, devrait être reléguée au passé. Ils viennent à l'école pour écouter les explications et travailler l'arithmétique et d'autres branches analogues qui de leur nature doivent être étudiées en temps de classe. Il est de première importance qu'ils étudient plus à domicile. En terminant permettez-moi de donner quelques avis. Si nous voulons réussir, nous devons étudier. Sans l'étude il est certain que nous dégénérerons en science plutôt que nous avancerons. Quand nous sortons de nos maisons d'éducation et que nous nous initions dans la méthode de l'enseignement nous sommes très défectueux. Il nous incombe de nous mettre à tâche et de nous perfectionner. Comment pourrons-nous rendre les élèves compétents, former leur intelligence si nous ne formons pas la nôtre? Lisons beaucoup mais portons y méthode, car la lecture, sans méthode ne nom instruira que très peu. Etudions, et étudions toujours. La meilleure éducation qu'on puisse recevoir est celle que l'on se donne soi-même. On n'est jamais trop vieux pour apprendre. Il y a eu de hommes, qui, à l'âge avancé de 60, se sont mis à l'œuvre ont étudié le Latin afin de pouvoir lire les œuvres des grands auteurs dans leur original. Puisque ces hommes ont fait tant d'efforts pour maîtriser des langue étrangères, pourquoi ne pas essayer à étudier notre propre langue, la langue par excellence, la belle langue française. Nous serions bien ingrats envers nos ancêtres si nous la négligions; car en la négligeant, nous pourrions peut-être négliger notre nationalité, notre histoire et ce qui serait le plus grand malheur, notre religion. En dégénérant en son langage, on dégénère inévitablement quoiqu'imperceptiblement en religion. Préservons notre langue. Il me fait plaisir de constater que les instituteurs, agissant de concert avec M. l'inspecteur, ont déjà accompli beaucoup principalement par l'institution d'une association pour l'avancement de notre langue; et je présume que chacun fera sa quote part à la réalisation de nos projets. Le but proposé est si noble que l'œuvre se recommande à notre zèle et à la générosité de tous les Acadiens de l’ile. Travaillons et luttons et soyons assurés que ce que nous ferons sera rendu au centuple. Aide-toi, le ciel t'aidera. Ce 14 juillet 1897