En fumant

Newspaper
Year
1895
Month
11
Day
14
Article Title
En fumant
Author
Louis Français
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
EN FUMANT Vous me permettrez, M. le Rédacteur, d’écrire quelques mots relatifs à l’absurdité de substituer des noms anglais à nos jolis noms acadiens français- vice dont plusieurs de nous acadiens de l’ile du P. E. sont coupables. Non pas que je veuille engendrer une aversion pour tout ce qui est anglais, cela est trop rococo, mais plutôt pour donner une leçon sur l’honnêteté et pour rehausser l’estime que nous avons pour nos compatriotes anglais. Il peut y avoir quatre causes principales qui conduisent à cette absurdité. [1] Que ces acadiens pensent que nos compatriotes de langues anglaise n’ont pas assez de cervelle pour apprendre leurs noms français - chose fausse d’ailleurs. [2] Que, par orgueil et par malhonnêteté, ils veulent se faire passer pour des anglais - mais pourquoi ne pas reste ce que l’on est ?.............. [3] Que, par ignorance, ils croient que le français n’est plus parlé dans cette province, ou s’il l’est, que ce n’est que du micmac – pourtant j’entends souvent parler du bon français et tous devraient connaitre les belles paroisses acadiennes que nous avons. [4] Que, par nonchalance et par manque de cœur, ils ne s’occupent plus d’appartenir à cette race déjà immortalisée, même par des poètes anglais. En considérant ces susdites causes, je conclus qu’il y a nulle raison pour justifier ce changement de noms et qu’il n’est que le résultat de l’ignorance. J’ai toujours entendu dire qu’il fallait qu’un changement de nom fût sanctionné par le parlement avant que ce nom adopté fut reconnu en loi. Mais, allons plus loin et voyons quelques-uns de ces noms généralement “anglifiés” Le blanc – White Aucoin – Wedge Poirier – Perry Pitre – Peters Le Brun – Brown Doiron – Durant, Doiron, Doirong Daigle – Deagle Bourque – Burke Voilà toujours huit monstrueuses transformations! J’aimerais pouvoir comprendre comment il y a des français qui trouvent que le nom anglais enchérit sur le français. Prononcez ces huit noms correctement et absolument vous entendrez des sons doux, tandis que leur transformation me rappelle cette fable du geai qui avait volé les plumes du paon. Il est aussi bizarre de prononcer les noms à l’anglaise tout en conservant leur épellation française. Par un beau jour d’été, sur invitation, je visitai une école et la curiosité me porta à lire les noms dans le registre du maitre. A ma grande surprise presque tous les noms français étaient ainsi transformés en anglais. En face d’un tel fait ce n’est pas surprenant que nous ayons tant d’acadiens qui paraissent faire leur pouvoir pour abandonner nos rangs qui on dirait, leur paraissent trop plébéiens. Tout fois, il est consolant et encourageant de constater que notre clergé, soit anglais ou français, comprenne toute l’importance de donner à chacun le nom sous lequel il a été baptisé, et il est à espérer qu’un exemple si louable soit imité par nos instituteurs et institutrices aussi bien que par tous ceux qui ont à cœur de contribuer leur quote-part à la [mot ilisible] de notre belle langue et notre probité presque proverbiale. Si quelqu’un trouve que le bonnet lui convient qu’il le coiffe. Au plaisir. M. le Rédacteur. Louis Français Ch’ Town. Ce 11 nov. 95