Vive le français

Newspaper
Year
1895
Month
5
Day
2
Article Title
Vive le français
Author
Le pionnier
Page Number
4
Article Type
Language
Article Contents
VIVE LE FRANÇAIS Les fanatiques qui abusent de leur autorité pour abolir l’usage officiel du français dans les régions de l’Ouest, sont en réalité les amis les plus utiles de notre langue. Le sang qui coule dans nos veines n’est pas fait pour la servitude, on peut se le tenir pour dit. Notre race possède assez de vigueur et de vivacité pour survivre à toutes les persécutions. Après la session de la Nouvelle France au roi d’Angleterre, nos pères furent en butte à la tyrannie. Un pouvoir despotique voulut les empêcher de parler leur belle langue et de professer librement leur religion. Ils avaient pour eux la foi des traites [traités?] : c’est en vain qu’ils firent appel aux sentiments de la justice et du droit. Comme nos frères de Manitoba, ils durent courber la tête et se soumettre, en protestant, aux mesures imposées par la force brutale. Mais leurs épreuves ne durèrent qu’un temps. Se raidissant avec noblesse et fierté contre leurs oppresseurs, ils s’attachèrent plus fortement que jamais au patrimoine sacré qu’on voulait leur enlever. Ils le défendirent vaillamment et léguèrent à leurs fils le soin d’imiter leur conduite héroïque. Si le militarisme britannique s’était montré moins arrogant et moins injuste envers nos pères, il est possible que notre belle langue serait moins florissante et que nous cultiverions avec moins d’ardeur nos plus légitimes ambitions. Les ennemies de notre race sont bien aveugles s’ils croient nous faire disparaitre en [mot illisible] de violence. Si le gouvernement [mot illisible] par sa politique draconienne, il se trompe grandement. Plus il cherchera à extirper notre race du sol des prairies, plus elle y enfoncera ses racines généreuses. L’histoire se répète c’est ce que M. Greenway apprendra, s’il vit assez longtemps. L’un de ses congénères fit un jour disparaitre, du moins en apparence, jusqu’aux moindres vestiges de notre élément des plages enchantées de la vieille Acadie. Cet acte de spoliation fut loin d’avoir les suites que son auteur en attendait. La partie d’Evangeline compte aujourd’hui plus de français que tout le Canada en possédait lors de la session de ce vaste territoire à la couronne britannique. Les Acadiens ont leurs églises, leurs journaux. Ils figurent dans la députation dans la magistrature au sénat. Leur influence grandit à vue d’œil. Lorsque George Brown se faisant du piédestal politique dans le Haut Canada en vouant notre race à la destruction, tout en lui prodiguant l’injure et les avanies les plus grossières, il préparait sans le vouloir les futurs triomphes de l’élément français. Sa haine déchaînée contre les nôtres n’a fait qu’augmenter leur force de résidence et provoquer, en quelque sorte, leur développement numérique. Aujourd’hui au délà de cent mille canadiens parlent la langue de Cartier et de [mot illisible] dans cette province d’Ontario, où notre extermination fut si souvent proclamée sur maints tréteaux et dans maintes gazettes. Plus les Greenway nous persécutions, plus les McCarthy chercheront à nous anéantir, plus les intolérants de toute nuance, plus les fanatiques de tout acabit, se laisseront aller à leurs mauvais instincts, plus nous nous attacherons le précieux héritage qu’ils nous ont laissé. A chaque cri de mort lancé contre notre belle langue mille et mille voix répondront : VIVE LE FRANCAIS! - Le Pionnier.