Correspondance

Newspaper
Year
1893
Month
9
Day
28
Article Title
Correspondance
Author
ABC
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
CORRESPONDANCE. Monsieur le Rédacteur. C'est un libéral outré que ce monsieur qui a pour nom de plume Acadien dans votre journal du vingt et un courant. Je suis bien chagrin d'avoir excisé sa bile au point de lui faire publier ce galimatias qui fait le désespoir de ses lecteurs. Si ses opinions libérales font ses délices qu'ils les savourent à loisir; mais qu'il [Mot illisible] pas s'affubler du titre d'Acadien pur et simple. Pourquoi ne s’appelle-t-il pas "libéral Acadien"? Monsieur Acadien vous êtes d’abord libéral et ensuite Acadien. Vous n'êtes donc Acadien qu'en autant que vous êtes en mesure de faire prévaloir vos opinions libérales. Il me semble que vous devriez être d'abord Acadien et ensuite libéral ou conservateur puisque vous vous appelez Acadien. J'ai conseillé aux Acadiens de voter pour Monsieur Blanchard, non pas parce qu'il est conservateur, mais parce qu'il est Acadien Français. Dans un district qui contient une majorité française d'électeurs n'est-ce pas à propos d'avoir un représentant français? Vous qui vous vous glorifiez de votre titre d'Acadien, vous protestez de toutes vos forces contre l'élection de Monsieur Blanchard et la raison que vous apportez à l'appui de vos protestations est que ce monsieur n'est pas de la même couleur politique que vous. Vous parlez de "principes" politiques à propos de l'élection provinciale. De grâce ne profanez donc pas ce mot "principes". L'expression "opinion politique" est plus juste. Vous nous chantez sur tous les tons "libre exchange", "protection", "Monsieur Laurier", "Monsieur Thompson". Quel rapport y a-t-il entre une élection dans le premier district du comté de Prince pour la chambre locale et Messieurs Laurier et Thompson? Nos députés à la chambre locale ne s'occupent pas des questions de libre éxchange ni de protection, mais simplement de ce qui les concerne. A cheval sur vos grands principes de libre échange et de protection, on vous croirait en pleine campagne pour une élection fédérale. Après tout, à quoi aboutit cette déclamation de principes? Que l'on mette à côté de ces grands principes un mille piastres, on verra immédiatement ces grands prôneurs de libre échange et de protection descendre de leur cheval de bataille et l'abandonner à sa course vagabonde pour accaparer les écus. Je crains même qu'Acadien ne put résister à la tentation. Vos préjugés politiques vous aveuglent monsieur Acadien; vous voulez me faire passer pour un diffamateur. J’ai accusé il est vrai, l’adversaire de Monsieur Blanchard d'ingratitude envers les Français de ce district, mais je ne vois pas en quoi j’ai transgressé le huitième commandement. Quand un homme a été député à la chambre locale pendant plusieurs années il devient personnage public. Par conséquent libre au public de critiquer sa conduite et de montrer du doigt là ou il a manqué à son devoir. Monsieur Acadien ne veut pas croire A.B.C ni aucun autre qui ne partage pas ses opinions pratiques à moins que leur témoignage ne soit scellé d'un serment, tandis qu'il veut bien croire les libéraux sur parole. Evidemment ce n'est pas bien flatteur pour ceux qui ne sont pas libéraux. Monsieur Acadien doit être un de ces hommes d'autorité judiciaire accoutumés à assermenter les gens. Il est [mot invisible] à avoir recours à cet acte de religion même lorsqu’il n’est pas nécessaire. Il semble oublier que les serments indiscrets ne sont pas permis. Supposé que Monsieur McLellan se soit rendu coupable de ce qu'on lui impute, personne ne regardera cet acte comme criminel. Par conséquent le serment est hors de question. Monsieur Acadien est un grand savant; il [mot illisible] feuilleter les gros livres [Mot illisible] etc.Il possède même le don de lire entre lignes (c'est ainsi qu’il s’exprime), et c'est par ce procédé tout à fait ingénieux qu'il vient à découvrir les "preuves les plus claires d'un esprit aussi étroit qu’il est injuste et malveillant." Il me fait un crime de ne pas éclairer mes compatriotes sur le parti qu'ils doivent prendre. Que voulez vous donc, monsieur Acadien? J’ai conseillé aux Acadiens de voter pour un des leurs, afin qu'il ne fut pas dit à leur honte qu'ils avaient [Mot illisible] un de leurs compatriotes. Vous [Mot illisible] le passé. C'est le présent et l'avenir qu'l faut envisager. Vous ditez que Monsieur S. F, Perry est aussi bon acadien français que Monsieur Blanchard. Qui vous dit le contraire ? La lutte qui va se faire n'est pas entre Monsieur Perry et Monsieur Blanchard, mais entre Monsieur Blanchard et Monsieur McLellan. Selon Monsieur Acadien, les Acadiens du parti libéral ont fondé la Société Acadienne ici (à Tignish je suppose) et à Palmer Road, tandis que les Acadiens conservateurs n'ont jamais voulu en faire "part" (vous voulez dire parti). Si c'est le cas, il n'est pas étonnant que les Acadiens conservateurs aient refusé de faire partie de cette société dès qu'ils ont compris que cette société démentissait son nom et qu'elle était fondée dans le but de propager des idées libérales plutôt que d'avancer la cause Acadienne. Si l'esprit qui a présidé à l'organisation de cette société [Mot illisible] un esprit Acadien Français, je ne vois pas pourquoi les conservateurs se seraient tenus à l’écart. Vous vouez aux gémonies, la politique qui ne veut pas appuyer un honnête homme, quelle que soit sa nationalité. Que pensez-vous de l'Acadien qui est libéral d'abord, puis anglais, écossais, irlandais ou français, selon les circonstances ? Monsieur le rédacteur, Acadien m'attribue une modestie dont malheureusement je n'ai pas fait preuve. "De son aveu, dit-il, il sait à peine son A B C." Monsieur Acadien, je vous défie de citer un seul passage de ma correspondance à l'appui de votre avancé, même en lisant entre lignes, comme vous le dites. Vous ne le pouvez pas. Une rétractation de votre part serait donc à propos. A.B.C est un ignorant, accordé; Acadien est un flambeau étincelant dont l'éclat illumine toute la paroisse de Tignish ainsi que les paroisses environnantes. Amis lecteurs de l’impartial, approchons nous un peu de ce foyer de lumière et voyons ces éclats qui jaillissent de tous côtés. Les Acadiens de l'Ile en général et ceux de Tignish en particulier devraient se féliciter de voir dans cette "époque" du dix-neuvième siècle, une époque de tant de progrès matériel, social et civil. Figurez-vous donc, lecteurs, les Acadiens de l'Ile en général et ceux de Tignish en particulier, réunis soit à Tignish, suit à Palmer Road, ou ailleurs. Pierre aborde Jacques et le félicite, Jacques à son tour félicite Pierre, Tous deux accostent Jean et le félicitent. Jean qui ne veut pas passer pour un grossier, se croit en devoir de féliciter Pierre et Jacques et ainsi de suite jusqu'à ce qu'ils se soient tous félicités les uns les autres. Un spectateur témoin de cette comédie se dit à lui-même: Sont-ils simples, ces Acadiens là ? Les voilà qu'ils se félicitent tous et de quoi se félicitent-ils? Ah ! Monsieur, reprend Jacques, vous ne savez donc pas. Je m'en vais vous le dire. Nous nous félicitons de voir dans celte époque du dix-neuvième siècle une époque de tant de progrès matériel, social et civil. Comment, vous vous félicitez de voir dans cette époque….Une époque….. Que voulez vous dire? Je n’y comprends goutte. Ce langage là doit être du vollapuk. Ah! Monsieur reprend Jacques, c'est Acadien qui a dit cela et je vous assure qu'il est savant, Sans doute nous ne pouvons pas vous expliquer ces choses là, mais vous n'avez qu'à aller voir Acadien, et il vous fera comprendre ce langage, soyez en certain. Après nous être félicité de voir dans cette époque une époque il semble que nous Acadiens nous pourrions nous en tenir là. Détrompez-vous lecteurs de l’IMPARTIAL. Il parait que nous vivons actuellement au milieu d'un grand réveil national excité par un individu……...Etiez vous bien éveillé Monsieur Acadien, lorsque vous avez constaté que vous vivez au milieu d’un grand réveil national? N'est-ce pas vous qui avez été excité au milieu d'un réveil national? Savez vous Monsieur le Rédacteur qu'Acadien doit tirer ses inspirations d'en bas, puisqu'il m'accuse d’être inspiré d'en haut. Vous comprenez que je ne voudrais pas échanger la source de mes inspirations pour celle d'Acadien. Acadien aurait pu s’exempter de nous dire qu'il peut se tromper grièvement quant à la source de l'inspiration d'A B C, car un homme qui tire ses inspirations d'en bas n'a pas coutume d'être infaillible. Après cet acte d'humilité Monsieur Acadien sent son [Mot illisible] cœur dilater de tendresse envers ses chers compatriotes. Il veut les mettre en garde contre le loup et pour mieux assurer le succès de sa tentative, il met de coté la prose et devient tout à coup:[Mot invisible] "Le loup pour mieux tromper les troupeaux s'y mêle souvent en peau d'agneau." Monsieur Acadien, je vous en prie, tachez donc d'écrire de la prose lisible et contentez vous de cela. Vous aurez beau faire la cour aux Muses toute votre vie jamais ces bonnes déesses n'exauceront vos prières, c'est peine perdue pour vous. Nous voilà à la fin de l'exorde d'Acadien. Je vous entends, Monsieur le Rédacteur, vous écriez : N’allez pas plus loin faites-nous grâce du reste. D'accord, Monsieur le Rédacteur: mais pardonnez moi si je vous inviter à prêter l'oreille au dernier oracle sorti de la bouche d’Acadien. Voici sa péroraison: "Quant à la nomination de M. J. Christopher comme Superviseur, je ne doute pas que M. MacLellan soit capable d’en donner une explication assez satisfaisante quand il pourra adresser la parole à ses supportants dans les assemblés qui seront convoquées dans le district avant les élections." Je doute fort si l'explication sera assez satisfaisante pour les français même les libéraux. Cette explication, parait il, devra être donnée par M. McLellan quand il pourra adresser la parole à ces "supportants." [Holà; Monsieur Acadien, ou avez vous trouvé ce mot "supportant" ? Le mot anglais "supporters" est un écueil sur lequel vous avez fait naufrage. Rappelez vous que la langue française n’est pas réduite à la triste nécessité de dérober aux anglais le mot "Supporters" pour exprimer avec justesse les idées qu'elle veut énoncer. Quand on prétend écrire du français, même du français libéral, on ne doit pas se rendre coupable de larcinien vers nos amis de langue anglaise. Si vous voulez m'en croire, Monsieur Acadien, vous écrirez en anglais à l'avenir, car quoi que vous fassiez, votre français sent l'anglais à trois lieues à la ronde. Le dix neuvième siècle est fécond en merveilles de toutes sortes. C'est ce qu'a voulu nous dire Acadien dans le premier assemblage de mots qui précèdent le premier point [point de ponctuation, bien entendu]. Parmi ces merveilles il y en a qui se conservent d'elles-mêmes; d'antres qui ont besoin d'être gardés soigneusement. A votre place, Monsieur le Rédacteur, je conserverais en liasse plusieurs exemplaires de cette correspondance d'Acadien, afin que nos arrières neveux ne soient pas privés de ce monument littéraire. Vous pourriez envoyer un de ses exemplaires à l'exposition universelle de Chicago et un autre à l'Académie Française. Ce dernier tribunal qui sait toujours récompenser le mérite littéraire, ne manquera pas de ceindre le front d'Acadien de la couronne de lauréat. En attendant Monsieur Acadien je vous conseille d'étudier. votre ABC