Conventions nationales des Acadiens (Robidoux) - 1881 - p67-69

Year
1881
Article Title
Discours du Trés-Rév. Père C. Lefebvre
Author
Rév. P. C. Lefebvre
Page Number
67-69
Article Type
Language
Article Contents
Le Révd. Père Lefebvre, appelé à prendre la parole sur le sujet, dit qu’il se contentera de faire quelques courtes réflexions, et qu’avant tout il tient à dire que personne ne saurait l’accuser d’avoir fait de la cabale à cette occasion, attendu qu’il a tenu à l’honneur de garder un complet silence sur le sujet, ce que peut-être certains messieurs ne pourraient affirmer en ce qui les concerne. En 1863, continue le Révérend Père, lorsque j’arrivai à Memramcook, les mots *fête nationale+ ne me paraissaient pas être connus, du moins que je sache. En 1866, je m’informai s’il n’existait pas ailleurs quelques usages ou coutumes qui pourraient donner lieu à une telle fête. Je fus informé que la fête de saint Jean-Baptiste, qui fut toujours celle des Acadiens, même avant 1755, était solennisée avec grande pompe à Rustico, Ile du Prince-Édouard. Je me dis donc: ce qui se fait dans cette paroisse peut se faire ici avec profit pour mes paroissiens, et plus tard pour les élèves du collège. De plus, je voyais dans cette fête un trait d’union puissant entre les Canadiens et les Acadiens - de cette province en particulier. Les élèves, appelés à faire les frais de la fête, devaient aussi trouver là un stimulant efficace d’encouragement et d’émulation. Je ne crains pas d’affirmer que mes prévisions étaient fondées. Les efforts faits par ceux qui ont été appelés à l’honneur d’adresser la parole à leurs concitoyens, dans cette circonstance, ont singulièrement contribué à assurer leurs succès et comme littérateurs et comme orateurs. Le choix de la nouvelle fête tombant dans les vacances, aura pour résultat immédiat, au contraire, de priver et les élèves et les maisons d’éducation de ce puissant levier d’émulation, sans apporter aux uns et aux autres une compensation sérieuse à cet inconvénient réel. En vain allègue-t-on que la présence des élèves, en vacances dans leurs familles, contribuera à la solennité de la fête, en lui prêtant leur concours. Ce sophisme est trop évident pour qu’il mérite l’honneur d’une réfutation. Je sais parfaitement à quoi m’en tenir sur l’efficacité d’un tel secours, dans les circonstances actuelles. Je ne suis pas d’origine acadienne, mais j’ai épousé la cause des Acadiens, je suis acadien par le cœur et les sentiments. Dix-sept ans de sacrifices et de dévouement me donnent le droit d’affirmer la chose sans crainte d’être contredit. Tous mes efforts ont eu pour but le progrès intellectuel, moral et matériel de ceux auxquels j’ai consacré, sans arrière-pensée, la plus belle partie de mon existence. [le discours continue à la troisième personne - c’-à-d. en style rapporté] En terminant, le Révérend Père ajoute que s’il doit exister des rapports de convenances entre le peuple et le patron choisi, saint Jean-Baptiste doit être rigoureusement choisi pour patron des Acadiens; car, continue le Révérend Père, l’ivrognerie et le luxe ne sont pas moins enracinés ici que chez les Canadiens, conséquemment les vertus de saint Jean-Baptiste ne sont pas de trop ici. En outre, vous tendez à imiter les Canadiens, comme le prouve le fait de la présente convention, qui n’est qu’une pâle copie de celle tenue à Québec l’an dernier; pourquoi alors n’auriez-vous pas le même saint pour votre fête nationale? pourquoi une fête différente de la leur, puisque vous avez une commune origine, la France? N’est-ce pas le moyen d’être fort et puissant? Car, depuis l’océan Pacifique jusqu’à l’Atlantique la race française ne doit faire qu’un seul homme, n’avoir qu’un seul cœur, comme elle professe, à peu d’exceptions près, qu’une seule foi, la foi des Louis IX, des Louis XIII, des Reine Blanche et des Charlemagne. Elle doit n’avoir qu’un seul drapeau, qu’une seule devise, L’union fait la force, un seul but, défendre, selon l’occasion, ses droits menacés. Je le demande, cette convention est-elle bien en voie de réaliser cette grande et noble pensée? Son verdict nous dira jusqu’à quel point elle est dégagée de toute prévention.