Correspondances

Year
1881
Month
4
Day
14
Article Title
Correspondances
Author
variés
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
Correspondances. Monsieur le Rédacteur, Dans son Freeman du 9 courant, M. Anglin emploie une si grande colonne pour m’attaquer moi et le Moniteur Acadien relativement à ma réclamation, dont vous avez publié les incidents dans votre numéro du 31 ultime. En réponse, qu’il me doit permis de dire purement et simplement qu’il n’y a rien de vrai dans cet article du Freeman. Je ne prouverai toute la fausseté de son élucubration, aussitôt que j’aurai reçu copie du rapport officiel sur cette question. Je demeure votre, &c., &c., G. A. GIROUARD, M. P. Bouctouche, 11 avril 1881. La Baie Sainte Marie et l’Émigration. Au sud de la Nouvelle-Ecosse, presque à l’entrée de l’ancienne Baie Française, se trouve un contrée dont le beau nom seul suffit pour indiquer que le catholicisme règne sur ces rivages, et qu’une race, différentes des conquérants de la presqu’il, y a trouvé un dernier asile …… C’est la charmante Baie Sainte-Marie, séjour enchanté des survivants du sombre drame du siècle dernier, dont le souvenir douloureux plane toujours, comme une vision lugubre, sur les nouveaux maîtres de la contrée. C’est le poème de Longfellow à la main, et après avoir lu les pages si émouvantes du beau livre de M. Rameau, qu’il faut visiter ces beaux parages, tradition vivante des gloires qui ont jadis illustré cette contrée. Quelles délicieuses émotions n’éprouve pas le voyageur au cœur sensible, à l’esprit cultivé, lorsqu’en arrivant dans ces paisibles localités il entend les accents de la langue harmonieuse que parlaient Evangéline et ses infortunés compatriotes sur les bords de Grand Pré, et retrouve encore en vigueur les vieux usages français et catholiques que l’exil et les spoliations de 1755 n’ont pas eu le pouvoir de détruire. Qu’elle est aimable d’ailleurs cette population qui rattache si bien le présent au passé. Si la contrée est séduisante et pittoresque, ses habitants qui sont toujours hospitaliers, polis, gais et honnêtes comme l’étaient leurs ancêtres, et conservent encore tous les nobles sentiments d’un âge plus heureux, font trouver au voyageur qui visite leur patrie un charme indéfinissable mais réel que des contrées plus grandioses et plus vantées ne lui ont pas inspiré. N’en soyez pas surpris, la simplicité, les humbles vertus d’un peuple qui conserve, avec ses vieilles traditions, son culte pour la mémoire de ses ancêtres, auront toujours le pouvoir de faire naître ces douces émotions dont le passé, lorsqu’il est revêtu de gloire, embellit le présent…Port Royal, les Mines, Beau-Bassin, Beauséjour, Grand-Pré, ne vivent pas seulement dans les pages immortelles et dans les cœurs qui savent se souvenir, toute la gloire qui se rattache à ces beaux noms s’est transportée à la Baie Sainte-Marie, ce ne sont plus les mêmes forêts, ni les mêmes collines, mais ce sont les descendants de ceux qui illustrèrent l’Antique Acadie, qui n’a su garder que les cendres des morts et ne reverra peut-être jamais les fils de ceux qui firent tant pour elle : O Baie Sainte-Marie! ô héritage de malheur! ô terre sacrée qui a donné l’hospitalité aux enfants de l’infortune! Je te salue comme le vrai foyer de ma race, c’est toi qui seule me redis son passé. Puisses-tu toujours conserver le même attrait pour ceux qui te doivent tant d’amour, pour ceux surtout qui ont eu le bonheur de naître sur tes rives chéries? Mais ici je m’arrête, un triste pressentiment vient malgré moi m’assaillir. Qui aurait jamais supposé qu’il viendrait des temps où une patrie si digne d’être aimée ne trouverait plus le même enthousiasme dans le cœur de ceux qui ne devaient rêver que sa gloire……N’est-ce pas déja, hélas! une pénible réalité? N’avons-nous pas été visités par un fléau qui ailleurs a fait tant de ravages? Oui, un mal que l’on peut appeler immense, l’émigration, puisqu’il faut dire son nom, n’existe pas seulement à Memramcook et à Arichat, il s’est également répandu parmi nous, et déjà il entasse dévastations sur dévastations, et multiplie les ruines…..Quel est l’Acadien qui ne sera pas profondément attristé, en apprenant que la Baie Sainte-Marie, cette relique d’un passé si magnifique, cette seconde patrie d’un peuple glorieusement persécuté pour la justice, cette terre qui avait hérité, avec les nobles traditions des temps héroïques de l’Acadie, de l’amour de tous les vrais Français, et semblait, elle aussi, réservée à de nobles destinées, mais par des voies tout pacifiques, est aujourd’hui entravée dans son développement, atteinte dans son avenir, découragée dans son présent, par un courant fatal qui porte depuis plusieurs années une foule de ses enfants, ingrats et séduits, à quitter un terre que tout devrait leur faire aimer, pour aller courir les aventures, chercher une fortune imaginaire à Boston, à New-York, et dans tant d’autres places si tristement célèbres dans l’histoire de l’Acadie par les haines implacables qu’elles portaient à nos ancêtres, haines qui, avant toute autre cause, amenèrent enfin notre ruine au siècle dernier. En présence de la fascination insensée que ces rivages si funestes à nos pères, exercent actuellement sur l’esprit des jeunes gens de Météghan, Saulnierville, Ste. Marie, St. Bernard, Tusket, Pubnico, etc., on conviendra que le temps est enfin venu de signaler à l’attention de tous les Acadiens pour qui l’avenir de la patrie est encore le plus légitime sujet de nobles préoccupations, le danger qui nous menace, et de chercher avec eux à opposer une digue infranchissable à ses continuels ravages. X…… Baie Sainte Marie. A continuer. Monsieur le Rédacteur, « Un Acadien-Français » de Gloucester, dans votre dernier numéro, se plaint amèrement de la nomination d’un étranger à la position de commissaire censeur de ce comté. Je le regrette avec lui et autant que lui; mais je le trouverais plus charitable et plus patriote, s’il voulait attribuer le blâme au véritable coupable. Avec tout mon désir de donner à votre correspondant tous les renseignements possibles, il est, cependant, certaines circonstances qui ont occasionné la nomination de M. Sivewright que je ne pourrais, avec sagesse et en justice à tous les partis, révéler au public avant une occasion propice. En attendant, je me permettrai de dire à votre correspondant que je ne suis nullement responsable de cette nomination. J’ai fait mon devoir en cette occasion et j’ai recommandé un Acadien-Français à ce poste honorable et distingué. Je l’ai recommandé et j’ai insisté auprès du gouvernement; j’ai représenté ses droits à cette nomination au dessus de tout autre candidat. Je n’ai méconnu ni l’importance d’un commissaire censeur, ni le droit de mes compatriotes; je n’ai pas négligé leurs intérêts, je n’ai pas craint de les défendre, ni de protester contre la nomination d’un étranger. Mais si des circonstances incontrôlables ont fait que ma recommandation n’a pu prévaloir dans le cas présent, les Acadiens-Français de Gloucester ayant refusé de me donner un siège à la Chambre des Communes, ne devraient pas aujourd’hui m’accuser de ne pas exercer un pouvoir qu’ils ont refusé de me donner, et votre correspondant ferait mieux de se frapper la poitrine en disant : mea culpa. J’ai l’honneur d’être, Votre, etc. ONÉSIPHORE TURGEON. Adresse présentée par les nouveaux colons d’Acadieville et de Rogerville au Rév. M. Alexis Amédée Boucher, prêtre, lors de son départ. Bien aimé curé, Nous voyons avec peine arriver le moment qui doit nous séparer; c’est pourquoi nous joignons tous nos faibles voix pour saluer encore une fois notre bienfaiteur et notre père. Très digne pasteur, nous vous remercions du fond de nos cœurs oppressés par la douleur, et remplis de reconnaissance pour tous les soins temporels et spirituels, que votre esprit de foi et de dévouement s’est plu à nous communiquer. Votre cœur de prêtre doit être saisi de pitié en voyant tous ces orphelins si jeunes et si faibles se réunir aujourd’hui autour de vous pour vous dire adieu. Cependant, nous vous souhaitons plus de bonheur que vous en avez goûté dans ces nouvelles colonies qui ne font que voir l’aurore de leur avenir. Cher pasteur, les quelques mois que vous avez passés au milieu de nous, ont dû vous paraître bien longs, étant assiégé de tout côté par tant de disgrâces et d’adversités. Il faut véritablement être apôtre de Jésus Christ, être animé des sentiments qui vous animent pour avoir passé ce court espace de temps parmi nous, mais qui a dû vous paraître si long. Sans doute, celui qui a dit à ses apôtres « allez et prêchez aux nations et je serai avec vous, » a soutenu votre courage, car quel courage ne faut-il pas avoir pour venir s’expatrier et demeurer dans un pays où les étrangers de toutes les nations accourent de toutes parts, et nous osons le dire un grand nombre par manque de principe et de morale et ne pouvant échapper plus longtemps aux coups de la justice qui les poursuit, viennent se grouper parmi nous cherchant le bonheur que leur patrie leur a refusé. Oui, nous n’en doutons pas, un cœur aussi bon que le vôtre a dû plus d’une fois être traversé par un glaive de douleur, en voyant un grand nombre d’âmes courir à leur perte, et surtout vos chers enfants que les loups emportent. Mais encore une fois, qu’allons-nous devenir lorsque vous ne serez plus avec nous quand ces mêmes loups, ne craignant plus le berger, feront irruption dans la bergerie? Oh! alors nous resterons comme sainte Geneviève de Brabant au milieu des bêtes féroces qui perdent l’âme et le corps. Mais comme elle, il nous restera Dieu qui fait luire son soleil sur les méchants comme sur les bons. Nous ne vous laisserons pas non plus partir sans vous demander la plus belle et la plus digne de toutes les faveurs, le secours de vos bonnes prières surtout au saint sacrifice de la messe. De notre côté, nous ne vous oublierons pas, tous les jours nous élèverons nos cœurs vers Dieu et lui demanderons de protéger et de conserver celui qui, le premier s’est sacrifié à sauver les âmes des nouveaux colons, comme curé résident. Nous nous rappellerons encore du temps qui a vu naître ces nouveaux cantons, nous nous rappellerons des jours passés dans le manque de tout, surtout du saint sacrifice de la messe pendant des mois entiers. Zélé protecteur, comme des orphelins nous nous groupons autour de vous pour demander au ciel de vous bénir, de vous conserver sage et charitable, afin que ceux qui, plus heureux que nous, auront le bonheur de vous avoir pour pasteur, trouvent en vous autant de bonheur que nous en avons trouvé nous-mêmes. Nous formons des vœux pour que Dieu vous aide et vous rende la santé, afin qu’encouragés par vos bons exemples nous arrivions un jour sain et sauf pour vous revoir au port du salut éternel. LES COLONS ACADIENS. Rogerville, 27 mars 1881.