Correspondance

Year
1881
Month
8
Day
4
Article Title
Correspondance
Author
Un touriste
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
Correspondance. M. le Rédacteur, Quoiqu’étranger je viens vous prier de me prêter quelqu’espace dans les colonnes de votre estimable Moniteur, afin de faire part à vos lecteurs acadiens des impressions que je rapporte de la convention qui vient d’avoir lieu à Memramcook. Cette réunion de la fraction de la race française des provinces maritimes, devait produire d’immenses résultats et compléter en quelque sorte la grande convention tenue à Québec en 1880, en cimentant plus étroitement l’union des groupes français du Canada et des provinces d’en bas. Mais ces heureux résultats seront grandement amoindris par l’esprit d’exclusivisme fâcheux qui s’est clairement manifesté dans les discussions qui ont eu lieu à l’occasion de choix de la fête nationale. Les Acadiens veulent faire un peuple à part et n’avoir de commerce avec les Canadiens que les rapports extérieurs qui peuvent exister entre eux et les Irlandais ou les Allemands. Pour eux, les Canadiens ne sont que des étrangers contre l’envahissement desquels il faut être en garde. Les protestations d’amitié et de bon vouloir à l’égard de ceux qu’ils qualifient du nom de frères, ont été grandes et sonores, mais pratiquement, toutes ces belles choses se réduisent à bien peu, pour ne pas dire à une négation complète de toutes ces chaudes sympathies-là. On se croit assez fort pour marcher seul. L’offre bienveillante de secours désintéressés ne semble être accepté qu’avec défiance. Les Canadiens éminents invités à la convention acadienne, en ont été aussi étonnés que déconcertés. Cependant, j’aime à croire que les idées émises au cours d’une discussion plus passionnée que raisonnée, sont plus celles d’une certaine coterie que celles de la masse du peuple. Ce qui me confirme dans cette opinion est le désavoeu d’un grand nombre de personnes notables, qui m’ont affirmé que telle n’était pas leur manière de penser. Il m’a aussi été donné d’entendre des choses vraiment mirobolantes à ce sujet, entr’autres celle-ci : Un certain monsieur, ayant une certain instruction, disait, en parlant du choix d’une fête nationale, « Nous ne voulons pas de St-Jean-Baptiste pour patron, laissons-le aux Canadiens. Nous voulons conserver notre identité, et n’être pas confondus avec les Canadiens. Nous sommes chez nous et soyons libres. Si les Canadiens du Nouveau-Brunswick en particulier ne sont pas satisfaits, qu’avons-nous à y voir, qu’ils ne retirent chez eux, nous pouvons nous passer d’eux. » C’est aimable et sympathique, n’est-ce pas? et vous devez être flatté du compliment, M. le Rédacteur, en votre qualité de Canadien, et le supérieur du collège Saint-Joseph et ses co-nationaux n’ont pas lieu de l’être moins que vous. Je laisse à vos lecteurs le soin de tirer les conclusions de ces fanfaronnades de mauvais aloi et de bien d’autres de même nature, qui seront relevés en temps opportun. UN TOURISTE. Cacouna, 26 juillet 1881. Note éditoriale,–Nous laissons l’entière responsabilité de la correspondance ci-dessus, à son auteur.