Cap-Breton: Grand-Etang

Newspaper
Year
1898
Month
8
Day
25
Article Title
Cap-Breton: Grand-Etang
Author
un Acadien
Page Number
3
Article Type
Language
Article Contents
CAP-BRETON. Grand Etang. Lundi, jour de l'Assomption, les Acadiens du Cap-Breton ont célébré pour la première fois leur fête nationale. Le matin, la messe fut chantée par le Révd. M. T. Richard et la foule était immense. Après les offices divins eut lieu la bénédiction du drapeau national et la foule se forma ensuite en procession. M. William Cormier, le plus ancien acadien de la paroisse, portait le drapeau étoilé en tête de la procession et tout le monde se dirigea vers le terrain de M. Zéphirin Collerette où eut lieu le pique-nique. En arrivant sur les lieux, l’emblème national fut hissé au faîte du mai au milieu d’un tonnerre d’applaudissements et flotta majestueusement pour la première fois dans l'histoire du Cap Breton, pendant tout le jour au gré de la brise. Après le dîner servi sur le terrain du pique-nique, le Révd. M. P. Fiset, curé de St. Pierre, Chéticamp, fut élu président de la fête. En termes heureux et choisis, il remercia l'assemblée de l’honneur qui lui était fait et félicita chaleureusement les Acadiens du patriotisme ardent qu’ils montrent en assistant en aussi grand nombre à cette réunion fraternelle. Il est heureux de constater la présence d’un aussi grand nombre de nos frères séparés et il les remercie cordialement de l’honneur qu’ils nous font, et parle longuement de la nécessité qu’il y a pour les Acadiens de conserver leur langue et leur foi. Quoique, dit-il, nous nous glorifions d’être français et voulions à tout prix conserver notre belle langue, nous ne sommes pas moins pour cela de bons et loyaux sujets de Sa Majesté la Reine Victoria. Nous ne regrettons aucunement d’être soumis à la couronne d’Angleterre puisque nous jouissons d’une plus grande liberté sous le drapeau britannique que nous aurions probablement sous la domination française. Il parla ensuite des ressources du comté, des pêcheries, et conseilla fortement aux jeunes gens de rester au pays, de s'emparer du sol, de l’exploiter, et de ne pas détruire et ruiner leur santé dans les usines et les manufactures des Etats-Unis. M. M. J. Doucet, M. P. P, fut appelé à porter la parole. Il enjoigna à ses auditeurs de suivre les sages conseils du président et blâma fortement l’immigration des jeunes gens aux Etats-Unis, qui s’en vont là chercher, pour la plupart, la ruine et la perle de leur santé. Il fit allusion à l'expulsion de 1755 et démontra que le nombre des descendants de ces malheureux proscrits qui revinrent au pays s’élève aujourd’hui à 125,000 âmes. Les Acadiens, dit-il, doivent beaucoup à leur clergé qui a tant fait pour la causa de l’éducation parmi eux, entre autres le regretté Père Lefebvre au Nouveau Brunswick et le Père Giroir au Cap Breton, qui ont travaillé avec tant d’ardeur pour l’éducation des Acadiens. Il espère que cette réunion ne sera pas la dernière mais qu'une telle fête aura lieu prochainement et que les recettes seront versées pour ériger un monument à la mémoire des quatorze premiers colons acadiens qui, il y a 130 ans, vinrent fonder une colonie et qui endurèrent beaucoup de misères et des privateurs au milieu de cette forêt vierge. Il espère que les Acadiens du comté d’Inverness n'oublieront pas l’héroïsme de ces pionniers et que quelque chose sera fait en leur honneur. M. J. D. Doucet, conseiller de Margaree, prit ensuite la parole. Il dit qu’en célébrant notre fête nationale nous ne faisons qu'imiter les autres nationalités. Les Irlandais fêtent la Saint Patrice, les Ecossais la Saint André et les Anglais la Saint George. En célébrant l’Assomption nous ne sommes pas pour cela opposés à nos frères anglais, mais au contraire, nous nous réjouissons d’être des sujets britanniques et ne voudrions pas permettre aux anglais d’être plus loyaux à la couronne qui nous régit que nous le sommes. Il parla de la nécessité qu'il y a pour les Acadiens de rester toujours unis, de conserver leur belle langue et surtout d’encourager l’enseignement du français dans les écoles. M. Doucet a fait un très beau discours et a clairement démontré que plusieurs de nos jeunes Acadiens possèdent le don rare de l’éloquence. Le dernier orateur fut M. Chas. J. Aucoin, instituteur à Point Cross. M. Aucoin cite les progrès opérés depuis quelques années par nos compatriotes du Nouveau Brunswick et de la baie Ste. Marie en matière d’éducation. Il montre aussi que nous avons avancé quelque peu dans cette voie, en autant que notre comté est représenté par un Acadien. Il se plait aussi à partager les idées de M. Doucet d'ériger un monument à la mémoire de nos ancêtres. Après les discours il y eut un concert auquel MM. James et David Doucet, de Grand Etang, furent les principaux acteurs. Et la foule se dispersa dans la soirée, enchantée de la belle fête qu’elle venait de célébrer. La journée s’est passée dans l'ordre le plus parfait et nous ne saurions trop remercier nos voisins anglais de la part qu’ils ont prise dans la célébration de notre fête nationale et en contribuant au succès de notre organisation. UN ACADIEN.