Les Acadiens et leurs missionnaires: Messire Claude Trouve, S. S.

Newspaper
Year
1898
Month
4
Day
7
Article Title
Les Acadiens et leurs missionnaires: Messire Claude Trouve, S. S.
Author
A. C. D.
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
LES ACADIENS ET LEURS MISSIONNAIRES MESSIRE CLAUDE TROUVE, S. S. Dire adieu au plus beau pays, se séparer de tous ses parents et amis, quitter les joies de sa famille, renoncer aux brillants bénéfices et aux honneurs, se condamner à vivre au milieu des bois, loin de ses confrères dans le sacerdoce, travailler à la conversion des sauvages et aux missions les plus lointaines et les plus abandonnées, telle était en abrégé la vie de nos missionnaires et en particulier de M. C. Trouvé qui vint de France au Canada, consacra douze des plus belles années de sa vie au salut des cruels Iroquois, puis écoula le reste de ses jours en Acadie. Il aurait pu vivre dans les grands centres, car Mgr de Laval affirme qu’il pouvait gouverner la cure de Québec, et plus tard on lui offrit celle de Ville Marie qu’il sut refuser. Il fut chanoine et curé en France et au Canada membre du chapitre de la Cathédrale et Directeur de communautés religieuses, mais tout cela n’eût aucun charme à ses yeux et il préféra la vie des missions. Né au Diocèse de Tours en 1644, M. Claude Trouvé vint au Canada le 27 juin 1667 avec M. de Fénelon, frère du grand archevêque de Cambrai et qui lui-même se rendit célèbre par ses démêlés avec le gouverneur de la Nouvelle France. Il n’était que sous diacre, à son arrivée, tt Mgr de Laval l’ordonna à Québec le 10 juin 1668. Dès le mois de septembre suivant, il l’envoie à la Baie de Quinté, Lac Ontario, chez les Iroquois, accompagné de son ami, M. de Salignac, abbé de Fénélon, ordonné un jour après lui. A ces deux missionnaires, Mgr de Laval donne des conseils admirables sur l’œuvre dis missions. En quelques lignes, dit l’abbé Gosselin, dans la vie de ce prélat, il leur donna le secret de convertir les âmes, de toucher les cœurs et de gagner le monde à Jésus Christ. Ils quittent donc Lachine, point de départ de tous les voyageurs de l’Ouest, le 2 octobre et après vingt six jours d’un voyage difficile et périlleux, ils arrivent au but de leur mission. M. Trouvé passa douze ans au milieu des Iroquois qu’il ne laissa qu’en 1680 pour s’occuper une année de la mission de la Montagne à Villemarie. En 1681, de graves affaires requéraient sa présence en France où son séjour se prolongea au delà de son attente, car son évêque le pria d’accepter une cure et un canonicat. Il ne put partir qu’en 1685. C’était l’époque même où Mgr de St-Valier se préparait à quitter la France pour le Canada. Il fit des avances à M. Trouvé et le ramena à Québec et lui offrit un bénéfice de chanoine et la direction des Sœurs de l’Hôtel Dieu de Québec. Il ne fit que passer dans ces charges, et après une année, il retourna en France avec Mgr de St Valier qui laissait Québec pour la Mère Patrie y recevoir la consécration épiscopale. Il revint en 1688, avec mission ses supérieurs de fonder un séminaire à Port Royal. Au mois de septembre, il est déjà au poste assigné, mais M. Petit voyant l’abandon des Acadiens échelonnés le long de la Baie Française (de Fundy) l’envoie exercer le ministère à Beaubassin. Qui remplaça-t-il? M. Casgrain ne le dit pas, cependant entre le P. Moireau et M. Trouvé, il y eut un prêtre et c’est Mgr de St Valier lui même qui nous l’apprend, quand il écrit qu’il donne un de ses prêtres à Beaubassin pour prendre la place du susdit religieux qui vient de monter à Québec. En 1689, il est de retour à Port-Royal, dans le but d’y fonder un séminaire. Bientôt il s’occupe de cette grave question et déjà on appelle séminaire le presbytère de Port-Royal, malheureusement le projet n’eut pas de suite, à cause de la mort de quelques sulpiciens et des ravages des guerres de l’Acadie. Entre temps, il est en butte aux mêmes accusations que M. Petit au sujet de la dîme, de l’administration des sacrements et des rapports compromettants avec les anglo américains, mais aussi M. de Menneval les défend tous deux et les venge noblement en disant que ces deux ecclésiastiques ont une excellente conduite. Au mois de mai 1690, il est amené captif à Boston avec M. Petit par Phipps et en octobre suivant, lorsque l’amiral Phipps se présente devant Québec, M. Trouvé est au nombre des prisonniers. Et quand on négocia l’échange de ces prisonniers, il fut donné contre une jeune anglaise de condition, Sara Guerish, enlevée l’année précédente par les sauvages dont le père et le grand’père avaient été égorgés par les Indiens qui n’avaient même obligée de passer sur leurs cadavres. Cette enfant avait été donnée aux Hospitalières par Mme de Champigny. De Québec, M. Trouvé put se rendre à Montréal où l’on avait l’intention de le fixer définitivement mais pour lui, il préféra descendre à Québec ne voulant pas vivre éloigné de son ami de cœur, Mgr de St-Valier, chargé des communautés de la ville épiscopale pendant trois ou quatre ans, il fut témoin des pénibles difficultés du prélat et du séminaire, ce qui le décida de retourner dans ses chères missions acadiennes qu’il n’avait pas revues depuis 1690. Il alla donc à Beaubassin exercer la ministère à la place de Messire Beaudoin qui, en 1694, partait pour l’Europe. Si par l’esprit, en se transporte à ces temps reculés, on verra que la vie de ces apôtres était remplie de sacrifices et de privations, mais c’était là précisément le lien puissant qui les y attachait au point de les porter à abandonner les délices de la vie civilisée pour se consacrer à ce ministère noble, il est vrai, mais difficile et peu envié du commun des hommes. Il mourut au mois de juillet 1704, à 60 ans, à la Baie de Chibouctou, dit Tanguay; d’autres disent à Chédebouctou, mais l’abbé Casgrain dit qu’il est plus probable que c’est à ce dernier endroit, puisque Chibouctou n’était pas alors habité. Mais pourquoi n’y pourrait-il pas mourir, puisque l’abbé Thury y était bien décédé en 1699? Il peut aussi se faire qu’au lieu de Chibouctou ont ait voulu dire Chinectou (Beaubassin) et qu’ainsi M. Trouvé soit mort dans la paroisse même qu’il desservait depuis 1694. A. C. D. Janvier, 1898.