Les trois premières années de l'Acadie sous le régime anglais

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Year
1896
Month
5
Day
14
Article Title
Les trois premières années de l'Acadie sous le régime anglais
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Page Number
2
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LES TROIS PREMIÈRES ANNÉES DE L’ACADIE SOUS LE RÉGIME ANGLAIS. I Avant de continuer ma réplique au professeur Hind je tiens à faire connaître les événements des trois premières années de l’Acadie sous le régime anglais. Ce travail m’est nécessaire pour expliquer certains points qui paraissent défavorable à la conduite de l’abbé Antoine Gaulin, missionnaire des Sauvages de la péninsule. D’ailleurs la plupart des détails que je vais raconter seront tout nouveaux à la majorité de mes lecteurs. Je commence par le récit du dernier siège de Port-Royal sous la domination française. Les dates données dans cette étude seront toutes d’après le calendrier grégorien. C’est le seul moyen d’éviter la confusion dans les pièces françaises et anglaises. La flotte anglaise, partie de Boston le 29 septembre 1710, atteignit l’entrée du bassin de Port-Royal le dimanche, 5 octobre, et mouilla le même jour au haut de l’Ile-aux-Chèvres, sise près de cinq milles plus bas que le fort. Celui-ci était construit du côté sud de la rivière dans la ville même d’Annapolis où nous voyons encore les ruines, tandis que le fortin bâti par deMonts, en 1605, se trouvait du côté de Granville, vis-à-vis de l’Ile aux-Chèvres, à l’endroit aujourd’hui connu sous le nom Scotch Fort. La flotte portait 3,400 soldats sous le commandement du colonel Francis Nicholson. Le lendemain les troupes d’infanterie et de la marine débarquèrent sans opposition des deux côtés de la rivière et furent saluées par les canons du fort. Dans le cours de la journée du sept, il y eut plusieurs escarmouches, et le soir la galiote anglaise commença à lancer des bombes contre les fortifications qui y ripostèrent avec leurs canons. Après un bombardement de six jours le brave et intrépide M. de Subercase, gouverneur de l’Acadie, consentit à se rendre et le 13 octobre les articles de la capitulation furent signés. Aux termes de ce traité M. de Subercase devait quitter le fort sous quarante huit heures à partir de l’instant de la signature. Mais Nicholson avait hâté de prendre possession de la forteresse, et le seize il envoya le major Abbott auprès du représentant du roi de France pour lui demander quand il prétendait en sortir. M. de Subercase répondit au général anglais qu’il était prêt, et, il le pria de loi envoyer le colonel Samuel Vetch afin de décider avec lui de la manière la plus convenable de le faire. Il est bon de noter que la reine d’Angleterre, comptant sur le succès de l’expédition confiée à Nicholson, avait nommé, le 19 avril 1710, le même colonel Vetch gouverneur de la Nouvelle-Ecosse et du fort de Port-Royal. Après s’être rendu au désir exprimé par M. de Subercase, le général Nicholson ordonna au major Abbott avec un détachement de deux cents hommes y compris cinq capitaines et huit subalternes de se rendre au fort et d’en prendre possession. Le capitaine Davidson ouvrit la marche à la tête de cinquante grenadiers, et le major Abbott et les capitaines Paul Mascarène, Bartlett, Adams, Lyons venaient ensuite, chacun à sa place respective. Arrivés à la barrière, les anglais se formèrent en ligne, Nicholson ayant à sa droite le colonel Vetch et à sa gauche sir Charles Hobby, avec deux otages français, Monsieur de Bonaventure et Monsieur Desgoutins, suivis de tout l’état major et de beaucoup d’autres. Ils s’avancèrent vers le fort. Le gouverneur français escorté de ses officiers tes rencontra à mi-chemin sur le pont avec les otages anglais, le colonel Redding et le capitaine Matthews, et fit à Nicholson le compliment suivant : “Monsieur, je suis fâché du malheur, arrivé du roi, mon maître, de perdre un fort aussi important, et les territoires environnants. Mais, je m’estime heureux de tomber dans les mains d’un général aussi noble et aussi généreux que vous. Maintenant je livre entre vos mains les clefs du fort et de tous les magasins avec l’espoir de vous faire une visite au printemps prochain.” Le général anglais donna aussitôt les clefs à Vetch selon les instructions de Sa Majesté, et alors Subercase, ses officiers et la garnisons, vêtue de guenilles, sortirent du fort tambours battants, les couleurs au vent et mousquets sur l’épaule. Ils allèrent se ranger sur le bord de l’eau, endroit qu’on leur avait indiqué, ayant soin en passant à travers les lignes anglaises de saluer le général. L’armée de Nicholson entra ensuite dans le fort, hissa le drapeau britannique, but à la santé de la reine et tira tous les canons, et les vaisseaux de guerre anglais mouillés dans la rivière y répondirent. Le capitaine Paul Mascarène, qui plus tard devint lieutenant-gouverneur de la province monta la première garde avec soixante hommes, et Nicholson donna à la place le nom d'Annapolis Royale, en l’honneur de la reine Anne. Ainsi tomba Port Royal qui n’était qu’un semblant de fort que 500 hommes de troupes régulières eussent suffisamment défendu. Le drapeau fleurdelisé qui, pendant plus de cent ans, avait à l’exception de deux intervalles—le premier de 1628—1632 et l’autre de 1654-1670—flotté du haut de la forteresse de la capitale de l’Acadie, comme emblème de l’autorité française, fut donc abaissé le jeudi, 16 octobre, 1710, pour ne plus jamais y être hissé malgré les efforts qui furent faits dans la suite. L’article cinq de la capitulation disait. Les habitants à une portée de canon du fort de Port Royal auront le droit de conserver leurs héritages, récoltes, bestiaux et meubles, en prêtant serment d’allégeance et de fidélité à Sa Majesté de la Grande-Breiagne; s’ils s’y refusent, ils auront deux ans pour vendre leurs propriétés et se retirer dans un autre pays. Ils se conformèrent à cette stipulation le 31 janvier 1711 en prêtant serment. C’est Vetch qui exigea cette prestation. Nicholson, dans son Journal, fait suivre les articles de la capitulation de la note suivante : Le général (Nicholson) a déclaré que par une portée de canon du Port-Royal, dans l’article cinq susdit, il faut entendre trois milles anglais autour du fort, ce rayon sera Annapolis Royale, et les habitants dans les susdits trois milles auront seuls le bénéfice de cet article. Le nombre de personnes, hommes et femmes, compris dans le susdit article, d’après la liste de leurs noms donnés au général par M. Allain (Louis), s’élève à 487 âmes. (A Suivre.)