La mère

Year
1881
Month
9
Day
22
Article Title
La mère
Author
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Page Number
1
Article Type
Language
Article Contents
LA MERE Quelle est l’âme qui nous a initiés à la vie? C’est l’âme de notre mère, c’est-à-dire l’âme qui nous a aimés d’un amour unique par sa pureté, sa tendresse et son abnégation. Tandis que toute créature est emportée par l’égoïsme qui lui cache souvent la vérité pour elle-même et pour les autres, le cœur d’une mère s’en va de tout son poids sur la pente du sacrifice, et jamais elle ne trompe sciemment la jeune âme qui s’éveille sous ses inspirations. Cependant, il faut bien le dire, si jamais la mère ne trompe, souvent elle se trompe grâce à la tendresse dont elle ne sait pas toujours réfuter les sophismes ou mépriser les flatteries. Beaucoup de mères donnent à leurs fils une éducation à laquelle rien ne manque, si ce n’est la vérité. Elles croient avoir fait merveille quand elles sont parvenues à former de petits anges bien dociles et bien douillets, qui seront un jour bien pieux, bien égoïstes et bien fragiles. O mère, votre cœur doit tressaillir à chaque coup de pinceau que vous donnez à l’âme de votre fils pour l’embellir. Si le labour vous semble pénible, s’il vous en coûte parfois d’être sévère, sachez vous dire, plus heureuse que tous les artistes, je fais mieux qu’une statue, je fais un homme, et je prépare à toutes les grandes causes un soldat fidèle.