Première convention nationale des Acadiens

Year
1881
Month
10
Day
6
Article Title
Première convention nationale des Acadiens
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1, 2
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PREMIERE CONVENTION NATIONALE DES ACADIENS 1re Commission. Du choix et de l’adoption d’une fête Nationale Générale pour les Acadiens des provinces Maritimes. Présidence de M. Pascal Poirier. M. L’Abbé N. C. A. Boudreault, secrétaire. Membre de la commission présents–MM. les Abbés J. Chaisson, M. F. Richard, Jos. Pelletier, F. X. Cormier, Le Révd. Père Ph. Bourgeois, l’Hon. P. A. Landry et M. Ur. Johnson. Il est proposé par M. l’abbé F. X. Cormier secondé par l’Hon. P. A. Landry que tous les prêtres présents à la convention soient adjoints à la 1ère commission. Adopté. Proposé par M. l’abbé Chaisson, secondé par M. l’abbé S. Doucet que le 15 août, jour de l’Assomption soit choisi et adopté pour fête nationale des Acadiens. Il est proposé en amendement par l’Hon. P. A. Landry, secondé par le Révd. P. Ph. Bourgeois que la St. Jean Baptiste (24 juin) soit choisi et adopté pour fête nationale des Acadiens. L’amendement étant mis aux voix est perdu par le vote suivant. Pour–P. A. Landry, Philias F. Bourgeois, Jos. Pelletier, D’Amour–4. Contre–Jean Chaisson, S. Doucet, M. F. Richard, H. Girroir, F. Belliveau, U. Johnson, A. Biron, Hébert, Jean Maillet, Jos. Ouellet, N. C. A. Boudreault–12. Le président met alors la proposition principale aux voix. Se sont déclarés en faveur de cette proposition, MM. Jean Chaisson, Jean S. Doucet, M. F. Richard, H. Girroir, F. Belliveau, F. X. Cormier, U. Johnson, E. Biron, Jean Hébert, Jean Maillet, Joseph Oullet, N. C. A. Boudreault–12. Contre–MM. P. A. Landry, Ph. Bourgeois, Jos. Pelletier, D’Amour–4. Le président donne le résultat du vote et déclare que la commission choisit et adopte l’Assomption (15 août) pour Fête Nationale des Acadiens. Sur proposition, la commission est levée. PASCAL POIRIER, Rapporteur. Seconde Commission. De l’Education. Je regrette beaucoup de n’avoir pu apporter au travail présenté aujourd’hui à la Commission de l’Education, la réflexion, l’étude et le temps qui m’étaient nécessaires pour en faire une œuvre d’informations détaillées basées sur des statistiques précises. Le Comité Exécutif, en égard à des circonstances qu’il ne pouvait contrôler, s’est vu, il y a quelques jours seulement, dans l’obligation de se mettre à la recherche d’un rapporteur pour cette commission et m’a adressé à ce sujet une invitation assez pressante. J’ai eu la présomption d’accepter à un moment où les refus auraient pu compromettre le rapport même, mais je n’ai pas eu le temps de prendre à source authentique les notes qu’il me fallait en main pour donner au public, par dates fidèles et par appréciations autorisées, l’histoire de l’éducation dans nos provinces d’en bas. Etant données ces explications, je soumets aux Révérends et Honorés membres de cette commission les considérations suivantes : L’éducation comme la colonisation eut ses pionniers aux premiers jours de notre établissement en Amérique. Si nous suivons l’histoire, nous voyons Mr. Poutrincourt s’intéressant d’une manière très active au développement de l’éducation et de la civilisation parmi les tribus aborigènes ainsi qu’à l’entretien du savoir et du culte parmi les familles qui viennent asseoir leurs foyers dans les forêts de la Nouvelle-France. Jessé Fléché civilisait pour la société, instruisait pour Dieu, nous dit l’histoire, et le 24 juin 1610, il baptisa 21 néophytes dont les parrains avaient été choisis parmi les officiers les plus distingués de l’Etat. La même année, Biencourt, fils de Poutrincourt, fut mis en relation avec Mdme. de Guercheville. C’était une dame noble, au cœur généreux, à l’âme fortement imprégnée de principes de la foi et de la charité chrétiennes. Et quand elle sut que la croix du Christ avait traversé l’Atlantique et allait s’implanter per Francos dans des contrées nouvelles, elle résolut immédiatement de concourir à l’œuvre de l’éducation chrétienne. L’histoire rapporte quels furent les efforts qu’elle s’imposa dans ce but, mais sous des circonstances aussi pénibles que sont celles d’une fondation, le résulta se trouva malheureusement en dessous de la volonté des bienfaiteurs, des bienfaitrices et des fondateurs.–Quarante ans plus tard, le sieur d’Aulnay de Chamisay, figure saillante, type remarquable dans les premières annales de notre histoire, construisit un petit séminaire dirigé par douze Récollets, avec annexe de biens fonds destinés à couvrir les dépenses nécessaires au maintien de l’établissement. Les enfants des colons, nos pères, étaient nombreux sous le toit de cette maison, nous rapportent les chroniques de l’époque, et ne fussent arrivés les pénibles évènements de 1755, l’éducation d’alors aurait fait sa marche progressive, aurait répandu son influence civilisatrice jusqu’à nos jours. Mais dans le plan de Dieu, l’Acadie devait, peut-être, porter pour toujours les cicatrices d’une grande plaie, elle devait être la terre d’Evangéline. Les éclaireurs de la race française en Amérique devaient peut-être subir l’outrage de la part de l’ennemi, le sort de la position et du nombre. En tous les cas, il en fut ainsi. Un jour, la force du droit chancela sous le droit de la force–et quand les demeures de nos ancêtres s’écroulèrent sous le feu des incendiaires ennemis, quand les vaisseaux de l’exil sortirent à pleines voiles du Gaspareau emmenant vers des ports inconnus la fleur et la force de notre population–la lumière de l’éducation en même temps s’éclipsa sous cet astre de malheur qui s’élevait au dessus des forêts et des demeures de nos pères. Et pour ceux que la proscription frappa en ce jour, l’éclipse fut séculaire!.... Pendant ce temps nos voisins d’origine étrangère avaient gardé leurs institutions, et bénéfice leur en revenait. Nous, acadiens, il nous restait, comme le pilote du Troyen, qu’à côtoyer le rivage où l’édit d’exil nous avait dispersés–et c’est ce que nous avons fait. Il y a vingt cinq ou trente ans, le mouvement en faveur de la haute éducation fut mis en branle par des amis de notre race et surtout par des gardiens de notre foi, je veux dire le clergé. Ici comme ailleurs, le clergé a instruit le peuple. Il s’est imposé la tâche de répandre la lumière où les ténèbres avaient été imposées, et cette mission, il l’a remplie gratuitement pour la gloire de Dieu, l’avancement du peuple et l’extension du bien dans le domaine entier de notre jeune société. Maintenant, grâce au dévouement de ceux que la génération actuelle connaît et apprécie et que la postérité bénira, nous voyons prospérer, pour l’avantage de nos compatriotes, le collège de St. Joseph et celui de St. Louis. L’œuvre respective de chacune de ces maisons est aujourd’hui en plaine voie de prospérité. Dans notre province, le collège St. Michel de Chatham; à l’île du Prince Edouard, le collège de St. Dunstan; dans la N. E. le collège d’Halifax; au Cap Breton, le collège d’Antigonish ont également fournit à nos frères de l’Ecosse et de l’Irlande et même à nos compatriotes, les bienfaits de l’instruction–et ces bienfaits, chaque race a su les utiliser. Pour l’éducation des jeunes filles, nous sommes heureux de compter un assez grand nombre de couvents et de constater le succès qui partout à accompagné leur fondation. Neuf couvents disséminés dans le N. Brunswick et l’Ile du P. Edouard, mais établis sur une base assurée et prospère–telle est l’œuvre inappréciable des Dames de la Congrégation. Autant de maisons dirigées par les Vénérées et Honorées Sœurs de Charité viennent attester que l’enseignement supérieur s’est enrayé au milieu de nous d’une manière imposante et digne de sa mission. De nos jours comme autrefois les institutions anglaises des provinces maritimes dont l’objet est de répandre l’enseignement supérieur et secondaire dans nos parages, subsistent et prospèrent. Au reste, ils ont toujours eu la force de la liberté, la haute main au pouvoir; autrefois surtout, ils eurent le bénéfice du gain là même où nous eûmes l’injuste malheur de la perte. Les hautes écoles anglaises (high schools), l’Académie de Sackville, l’Université de Frédéricton ont fait le bien dans leur sphère. Les premières n’ont pas subi d’interruption sérieuse; elles ont toujours été là pour fournir au vainqueur les ressources intellectuelles que les circonstances fâcheuses de l’exode refusèrent aux vaincus. En tous les cas, le nombre de maisons affectées, aujourd’hui, à l’éducation supérieure et secondaire est relativement assez fourni en dehors de la Nouvelle-Ecosse et du Cap-Breton et nous avons le plaisir de constater que toutes au point de vue de l’organisation ont su se rendre recommandables et sont dignes de l’encouragement du public. Des établissements ci-dessus mentionnés sont sortis la plupart des instituteurs qui forment le noyau principal de notre corps enseignant, lequel doit avoir la gouverne de l’instruction élémentaire. L’instruction élémentaire! Telle est la branche de l’éducation, Révérends et honorés messieurs, qui prime par son importance et ses résultats et que nous allons considérer sérieusement, je l’espère, au cours de cette importante commission. Sans doute, il [illisible] à un jeune professeur d’imposer là-dessus ses idées aux membres éclairés de cette commission, en conséquence, vous me permettrez, n’est-ce pas, de baser mes remarques sur celles d’instituteurs d’expérience et de mérite au Canada comme en France. Car il y a chez les peuples qui se forment dans de semblables conditions, des situations identiques où les mêmes remèdes conviennent et peuvent s’appliquer aux mêmes besoins. L’institution au Canada a eu autrefois des phases telles que nous pouvons y assimiler presque parfaitement l’état actuel de notre éducation parmi les Acadiens. Rien d’étonnant, au reste, qu’une population de même origine, que les mêmes préjugés de race, qu’une ressemblance d’aptitudes et d’aspirations chez deux peuples frères aient amené des surfaces tout à fait semblables dans cette question de l’éducation. Le fait me paraît beaucoup plus évident quand j’étudie l’histoire de l’éducation en Canada. A ce sujet, j’ai parcouru plusieurs brochures très intéressantes, entr’autres une lecture de Mr. J. L. Archambault faite, il y a quelques années, devant l’Union Catholique de Montréal. En exposant la situation de l’instruction dans le Bas Canada, le savant conférencier ne pouvait dessiner, d’une manière plus heureuse, la situation de la nôtre, surtout dans un certain nombre de ses traits. Tout en lui réservant l’honneur et le mérite de son travail, j’en tirerai librement et souvent à la lettre, ce qui me paraîtra le mieux approprié à notre étude, afin que nous nous en servions, au besoin, lorsque nous formulerons les résolutions pratiques de cette commission.–L’instruction primaire a été négligée dans les colonies de la Nouvelle France pendant de longues années. Il était, en effet, difficile, aux premiers temps de la colonie, de tout organiser et de donner en même temps à ces organisations, le caractère de stabilité qui assurât le succès, dès le principe. Le temps pour nous devait amener de meilleurs résultats, mais, comme je l’ai fait entendre plus haut, les circonstances que l’histoire mentionne ont entravé le progrès intellectuel de notre race. Ajoutons à cela la mollesse et l’indifférence des parents vis-à-vis de l’éducation. C’est un fait accrédité; il existe parmi certaines classes d’Acadiens des habitudes traditionnelles, des préjugés invétérés qui font croire qu’il est inutile de s’occuper de la culture intellectuelle, parce que c’est une affaire secondaire pour la généralité des cas. C’est regrettable à dire, mais il faut l’avouer, cette plaie existe et elle a de profondes racines au fond de nos campagnes. C’est un obstacle contre lequel les résolutions de cette commission doivent avoir pour but de réagir et de réagir fortement. Personne plus que nous ne croit aux convictions franches et loyales de nos compatriotes, mais il est des choses contre lesquelles la conscience la moins timorée viendra se heurter, certaines idées, qu’on les attribue à l’ignorance ou à la routine, ont tellement passé dans les convictions du peuple qu’elles ont reçu pour ainsi dire du temps et quelquefois des circonstances une autorité et une sanction aussi forte que la loi. Espérons que la réaction se fera plus tard, elle se fait même sentir depuis l’établissement de nos grandes maisons d’éducation. Mais la N. E., plusieurs sections assez étendues du N. Br. Et de l’Ile du Prince Edouard n’ont pas encore traversé cette époque de transition qui imprime d’autres idées quand cette époque même apporte d’autres lumières. C’est l’œuvre du temps qu’il faut pour assurer surtout à nos frères de sang et de sol de la N. E. que nous aimons parce que les circonstances les ont maltraités, pour leurs assurer, dis-je, les bienfaits de l’enseignement supérieur. C’est spécialement l’œuvre de l’énergie et de l’union qu’il nous faut pour reconstituer, par un mouvement intellectuel parti de la Convention, ces tronçons épars destinés à former le corps social des enfants de l’Acadie. En attendant, cherchons tous à secouer les langes du berceau, faisons participer le peuple au mouvement général et éclairons son intelligence en la dépouillant de ces grossières erreurs qui l’attachent aux épines du doute, aux préventions du faux goût, afin de lui faire aimer et rechercher la vérité dans la lumière et l’éclat de la véritable science. « Un autre obstacle sérieux se présente aussi à notre attention. Pour que la jeunesse puisse acquérir l’amour de l’étude, avoir le désir de profiter de ses connaissances pour se préparer un avenir, une carrière honorable, il lui faut une institution forte et digne où elle puise l’attrait et la beauté de la science. En d’autres termes, l’enseignement qui est une profession doit être un état mieux rétribué et partant mieux considéré. Oui! comment les instituteurs, les maîtres de l’enfance se sentiront-ils disposés à réveiller dans les jeunes intelligences confiées à leurs soins le goût et la noblesse du travail, l’idée du devoir, quand les préoccupations de la vie, les intérêts matériels peu florissants dominent et absorbent toute leur énergie et leurs facultés? Ah! c’est un spectacle réellement affligeant que de voir ainsi de pauvres professeurs, des institutrices mal rétribuées s’éteindre dans les dures nécessités du sort, lutter péniblement contre les misères d’une situation rendue plus précaire encore par l’abandon ou l’oubli auquel on les condamne! Et pourtant grande et sublime est la mission de ceux qui se dévouent à l’enseignement de la jeunesse. Il faut de l’héroïsme et de l’abnégation pour préparer la destinée de créatures faibles et ignorantes, et consacrer sa vie entière à ce dur apprentissage. Les devoirs d’un tel apostolat sont pénibles, ingrats parfois. Voilà pourquoi cette belle carrière est tant redoutée. Si nous ajoutons à cela le manque d’un encouragement sérieux, d’une rémunération suffisante, nous aurons la raison de l’indifférence qui existe parmi nous pour les nobles et redoutables fonctions du professorat. C’est là sans contredit un des plus grands obstacles à la diffusion de l’instruction primaire. Si nous voulons que les guides de la jeunesse répondent à leur sublime vocation et la fassent monter à son glorieux niveau, il faut que l’Etat s’efforce de récompenser davantage leurs travaux. Augmenter le salaire de l’instituteur, c’est donner plus de prix au pain de l’intelligence, c’est l’empêcher de se salir dans la fange de la matière au contact des luttes de l’intérêt et du besoin. Alors, et alors seulement les aspirants apporteront dans l’exercice et l’accompagnement de leurs devoirs un esprit plus dégagé, des convictions plus solides; les capacités seules rechercheront à s’y produire et à y travailler d’envie et d’émulation. Alors seulement l’enseignement sera vraiment digne d’appeler l’attention et le respect de toutes les classes de la société. Maintenant, messieurs, s’il faut éliminer les obstacles qui, pour nous spécialement se pressent au cercle de l’instruction primaire, voire même secondaire et supérieure, il faut d’autre part adopter les mesures que l’expérience des érudits, que la science et l’étude contemporaines viennent de léguer aux pédagogues pour guider ces derniers dans la mission qui leur incombe à l’égard de la jeunesse qui débute. Pour n’être pas trop long, j’indiquerai qu’une méthode que je soumets à l’attention des Révds. et honorés membres de cette commission, c’est l’enseignement intuitif. La nature de l’institution, son rôle, la portée et le vrai caractère de la méthode intuitive, ce sont autant de points sur lesquels les esprits sont aujourd’hui très peu divisés, si l’on eu excepte les pédagogues [illisible] deux nations. Dans notre siècle qui, à côté de ses aveuglements a aussi ses lumières, une grande idée s’est fait jour dans les esprits et a pénétré dans les écoles; cette idée, c’est celle-ci : toutes reconnaissances viennent des sens (1), par conséquent toute instruction doit être faite par les sens. C’est là la doctrine de Loche, de Coudillac, de l’abbé Gérard, de Pestatorri, de Basedord, de Campe, de Froebel et de tous les pédagogues qui ont fait l’honneur de l’Allemagne depuis trois quarts de siècle. Tous, dit-on, avec eux les Suisses, les Américains, les Italiens, une bonne fraction française, plusieurs membres influents de l’instruction publique au Canada et au Nouveau-Brunswick, ainsi que dans les provinces qui nous avoisinent, tous, dis-je, ont vu là le salut. On prétend aujourd’hui que l’enseignement qui convient à l’école primaire et populaire, c’est essentiellement celui qui se fait par voie de démonstration sensible, visible, palpable, l’enseignement par les yeux. C’est ce mode d’enseignement qui donne à l’école moderne ses deux caractères distinctifs; d’une part un certain aspect aimable et presque gai, des études qui se font presque en jouant, une école où l’enfant se plait, une éducation d’où l’effort et la contrainte sont bannis, d’une autre part, ce second caractère non moins frappant, que tout l’enseignement est pratique, usuel : on n’apprend aux enfants que ce dont ils auront à se servir, en un mot l’enseignement par ce procédé est simple, utilitaire, positif. C’est là au reste la méthode pour laquelle autrefois travaillèrent si énergiquement en France, Rousseau, Montaigue, Rabelais, le digne abbé Fénélou et Rollin dont la compétence et le savoir nous sont connus, mais ils ne purent agir, car le temps n’était pas arrivé, il y avait trop de préjugés à combattre. M. Villemain jugeant l’ouvrage de l’abbé Girard, « Le cours éducatif de la langue maternelle » où cette méthode est parfaitement retracée, disait un jour devant l’Académie Française : « La seule, la véritable école populaire est celle où tous les éléments d’étude servent à la culture de l’âme, et où l’enfant s’améliore par les choses qu’il apprend et par la manière dont il les apprend. Cette idée simple et des conséquences qu’elle entraine dans la pratique, l’abbé Girard, ce vertueux instituteur de Fribourg, les avait saisies dès le premier âge dans l’exemple de sa propre mère et dans les soins qu’elle donnait à une famille de quinze enfants. Il fut dès alors frappé de ce qu’il a depuis ingénieusement appelé la méthode maternelle, en voyant comment la parole est mise sur les lèvres de l’enfant, les pensées et les mots lui arrivent par une leçon instinctive, où la mère, en lui nommant les objets sensibles, éveille en lui les idées morales et lui parle déjà du Dieu qui a fait tout ce qu’elle lui montre. » Tel est, Révds. et Honorés messieurs, sur la question de l’enseignement intuitif le faible et bref aperçu que nous nous permettons de soumettre à la considération de cette commission éclairée. Il nous semble que toutes nos maisons d’éducation devraient se mettre en mesure d’adopter ces procédés d’enseignement par intention en accord, au reste, avec les règlements imposés par nos systèmes respectifs d’éducation dans les provinces maritimes. Il est constant qu’il deviendra plus tard hors de mise de s’attarder dans un vieux système qui a été général autrefois, qui a eu sa raison d’être, mais qui, depuis la fin du XVIII siècle, a perdu son crédit chez presque tous les peuples civilisés. Maintenant, si comme il appert par les autorités que je viens de citer, il nous faut suivre une voie facile et pratique pour enseigner la jeunesse, nous devons aussi préparer cette jeunesse à toutes les positions commerciales et industrielles du jour selon les aptitudes des individus qui nous sont confié. Il faut, comme le disait le conférencier précité, les initier de bonne heure à l’étude des lois et des phénomènes qui ont amené tous les progrès gigantesques du monde industriel, et jeté tant de lumière au fond de toutes les questions de l’économie humaine. Et ce travail, où se fera-t-il? à l’école. Le dessin, l’architecture, le génie civil, tout ce qui se rattache au commerce, aux finances, aux exploitations manufacturières, aux détails intimes de l’économie domestique, tout cela doit être l’objet de notre attention, de nos soins. Nos collèges, nos académies commerciales, nos couvents, enfin nos écoles de campagnes, prépareront donc ceux ou celles qui leur sont confiés à la pratique ordinaire telle qu’agencée dans les différentes sphères du commerce, de l’industrie et de l’économie domestique. En joignant ainsi dans l’enseignement l’étude des principes avec les pratiques de la science appliquée, l’élève saura quelle direction imprimer à ses travaux; l’école deviendra alors un atelier; le maître apprendra à son élève à manier les instruments de son travail et il se fera artisan, c’est-à-dire artisan de son avenir, de sa destinée. Il nous semble donc souverainement important de répandre de telles notions chez le peuple qui sent, au reste, ce déficit¬–par conséquent de modifier en certains quartiers notre système d’enseignement primaire, notre système d’enseignement commercial. Ce n’est pas à dire qu’il faille opérer un changement radical : point du tout; mais en présence de nécessités qui s’élèvent de toutes parts, l’étude des sciences pratiques s’impose à notre attention; elle doit prendre sa place dans l’éducation du peuple. L’industrie est donc une de ces questions qu’il est bon d’agiter et qu’il ne faut pas exclusivement laisser aux mains de l’étranger. Toute idée qui a pour but de relever le niveau intellectuel de notre nation est une idée qu’il faut semer dans le sillon où notre peuple marque les traces de sa fécondité et de sa force, car elle peut devenir un élément de civilisation, une grande cheville ouvrière pour les générations qui seront là pour la recueillir. La philosophie nous apprend qu’il y a toujours autour d’un grand principe une foule de puissances secondaires qui se nourrissent de sa substance et déversent par autant de canaux la vie et le mouvement dans le domaine où elles s’exercent. C’est ainsi que l’industrie en s’introduisant par tous les pores du corps social, en pénétrant dans tous les foyers, en venant s’asseoir sur les bancs de l’humble école de la campagne finira par combler une lacune immense et réveiller parmi nos jeunes intelligences cette sève féconde du génie et du talent qui jusqu’ici a coulé presqu’inactive du cœur de la patrie. Je ne peux terminer, révérends et honorés messieurs, cette faible esquisse historique de notre éducation sans faire mention du rôle que l’Eglise et l’Etat se sont approprié dans notre système scolaire, grâce à des circonstances et à des vues dont le résultat a créé, dans la dernière décade, de profondes perturbations dans notre état social. Il nous est arrivé un de ces obstacles que le pouvoir n’avait pas le droit de susciter et sous lequel il a fallu nous courber dans l’épreuve pour notre foi, dans la lutte pour la sauvegarde de notre religion. En un mot, au cours de notre système élémentaire d’éducation, l’Etat libre n’a pas voulu admettre la liberté de l’Eglise– il a employé des moyens négatifs pour exclure toute religion et depuis lors n’a pas voulu faire justice à nos réclames les plus essentielles au fort extérieur du devoir et de la conscience. Si nous voulions revenir longuement sur cette question, nous ferions observer que malgré les concessions déjà faites le système d’enseignement athée qui nous a été imposé n’est pas encore dépourvu de danger d’autant plus sérieux que le ver ronge dans l’ombre. Qu’il nous suffise de dire qu’une seconde fois nous avons été et nous sommes les victimes de mesures autoritaires subversives de nos droits les plus sacrés, des prérogatives les plus saintes de famille et de religion. Ailleurs dans la Confédération, la famille et la religion ont trouvé, en temps opportun, des défenseurs énergiques de leurs droits. L’Etat a accordé à chaque secte, à chaque dénomination religieuse une protection égale; il n’a pas permis qu’une arrogante majorité portât atteinte aux libertés d’une faible minorité. Il n’a pas voulu dans l’école d’une autorité impie ou irréligieuse dont l’enseignement serait impie ou irréligieux et qui porterait au sein des générations futures un élément de perte et d’impiété. Mais, comme le disait M. Caro à l’Académie Française, faisons le silence, sinon l’oubli. A quoi bon, d’ailleurs revenir sur des scènes d’injustice et de pitié éternelles? Il est trop tard. Oui, il est trop tard, mais, quoiqu’on fasse, malgré tout l’effort et la persévérance des hautes sphères, le coup est frappé et l’histoire a donné son verdict. L’humanité pardonne; c’est son devoir; elle a des clients éternels qui sont tous les malheureux. La politique oublie, c’est son droit; elle a des clients momentanés qui lui coûtent souvent assez cher. Mais l’histoire n’a ni le devoir de pardonner, ni le droit d’oublier. Elle n’a pas de clients; elle est juge suprême; elle ne se laisse ni attendrir, ni corrompre. Elle est au-dessus des menaces furieuses et des vaines colères. Ce qu’elle a jugé est bien jugé et ce qu’elle a flétri, restera flétri. Etant donné cette situation, que nous reste-t-il à faire? Ce que nous faisons maintenant. Nous nous tenons fermes sur la pierre, ayant toujours les yeux fixés sur elle, de concert avec la jeunesse qui s’instruit en grandissant. Attendere ad Petram unde excisi estis, comme le dit le prophète Isaïe. Nous nous tenons dans un juste milieu, sans exagération ni faiblesse. Car l’exagération soulève les passions contre la vérité. Nous honnissons le Don Quichotisme catholique, nous ne voulons pas être taxés de chauvinisme en matière de religion. Nous éviterons la forfanterie comme le respect humain et nous sommes tous décidés à garder la vérité et la droite ligne chrétienne dans la charité et la prudence chrétiennes. Par là, nous espérons qu’une justice plus abondante nous sera un jour octroyée et qu’il nous sera donné de voir encore la religion et l’état se donner la main pour former notre jeunesse acadienne à la science et à la vertu. PH F. BOURGEOIS, C. S. C., rapporteur. PROCÈS VERBAL DE LA COMMISSION Présidence du Révd Père Ph. F. Bourgeois. Proposé par l’hon. P. A. Landry, secondé par M. V. A. Landry, que tous les membres du clergé soient adjoints à la commission de l’Education. Adopté. Proposé par l’hon. P. A. Landry, secondé par M. V. A. Landry, que le R. M. Maillet agisse comme secrétaire de la commission de l’Education. Adopté. Proposé par l’hon. P. A. Landry, secondé par M. V. A. Landry, que MM. Charles Lafrance, Buote, Patrice Hébert, Prospère Paulin, Anselme Comeau, Domtien Gallant, et Henri Gallant, fassent partie de la commission de l’Education. Adopté. Proposé par le R. M. Biron, secondé par le R. M. Girroir, que tous les instituteurs présents fassent aussi partie de la commission. Adopté. Lecture du rapport sur l’Education, par le R. P. Bourgeois. Proposé par l’hon. P. A. Landry, secondé par le R. M. Girroir, que le rapport du R. P. Bourgeois soit accepté par la commission. Le R. P. Lefebvre, appelé par l’hon. P. A. Landry, et acclamé par tout le monde, prend la parole. Proposé par le R. M. Girroir, qu’un tribut d’hommage soit présenté au T. R. P. Lefebvre et à ses collaborateurs, pour leur dévouement à l’éducation acadienne au milieu de nous. Même tribut d’hommage au R. M. Lafrance, premier organisateur d’une maison d’éducation en Acadie. Même tribut d’hommage offert au R. M. Richard, fondateur du collège Saint-Louis, ainsi qu’à son dévoué directeur, le R. M. Biron.