Nous Protestons

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Year
1895
Month
6
Day
6
Article Title
Nous Protestons
Author
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Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
NOUS PROTESTONS. Oui nous protestons jusqu’au dernier moment Le mal est évidemment fait, il est irréparable. Devons-nous en rejeter la responsabilité sur quelqu’un? C’est déjà une question passablement embrouillée que cette question de monument à Louisbourg. M. Bruneau, M. P., a interpelé le gouvernement à ce sujet, l’Hon. Sénateur Poirier prenant en mains la cause de ses frères a, de nouveau, remontré combien indélicate est cette escapade yankee. Mais, nous sommes destinées à être immoles; nous ne serons pas exaucés; les Américains nous passeront sur le corps sans respect de 1’étiquette internationale, en se riant d’Ottawa et de Halifax. Voici 1’interpellation du Sénateur Poirier :—“Le Gouvernement sait-il que la Société des Guerres coloniales du Massachusetts va élever un monument à Louisbourg, Cap-Breton, en mémoire de la prise de cette ville, en 1745? “Quelle en sera l’inscription? “L’emplacement de la vieille forteresse appartient-il à l’état? Si non, à qui appartient-il?” L’Honorable Sénateur s’est fortement élevé contre un acte de la sorte qui blesse au plus intime de l’âme toute la population Canadienne-Française, et, surtout, de la part des Américains. Sir Mackenzie Bowell, affirme que le consentement du gouvernement à cette entreprise n’a jamais été demandé ni donné, ne sait rien des inscriptions et rien du site. Pourquoi n’a-t-on pas demandé au Dr. Bourinot, il le sait, lui; il doit même tenir un des rôles principaux à la conférence ou trahison de Louisbourg; et il est presque le gouvernement. Quand nous vous disions que c’était fait! L’éloquence, le feu, l’âme entière, patriotique et acadienne du Sénateur Poirier, la voix de nos journaux jointe à celle des hommes publics, 1’indignation de deux millions de Français n’empêcheront pas des Américains sans vergogne de venir nous salir chez nous. Y a-t-il, a part de la bienséance une loi qui puisse empêcher l'érection d’un monument à Louisbourg? Nous en doutons. Nous en doutons pour notre pays, car, il est certain que des Allemands, des Anglais, des Mores ne sauraient impunément aller élever des colonnes à St. Quentin, à Chateaudun ou Poitiers. Mais, ce que ces nations étrangères ne pourraient faire, ce dont des Français ne pourraient se rendre coupables en dressant une pyramide à Newcastle, par exemple, Austerlitz ou Marengo, des Américains le feront ici, au nez des Anglais aussi bien que des Français. Nous n’avons pas de foi et de credo patriotiques ici; le premier venu, le plus sale maquignon peut trafiquer de nous, nous marquer en rouge et nous fendre l’oreille; nous n’appartenons à aucun maître, c’est-à-dire que nous sommes à tout le monde et tout ce qui nous appartient aussi bien. Du pas où marchent les choses, après les réjouissances de la prise de Louisbourg, on fêtera l’expulsion des Acadiens, nous entendons que les Américains et Mr. Bell qui ont chassé à jamais les Français du nouveau monde, ne manqueront pas de planter une petite pierre pour se le rappeler. Quand Cyrus Field a voulu dédier une plaque quelconque, tailler une statue au major André, à Tappan, N. Y., les loyaux américains s'en sont défendus énergiquement; on a trouvé inconvenant d’en faire autant à Montgomery, Québec, et les choses n’ont pas été plus loin. En quoi donc le monument de Louisbourg est-il moins insultant à une partie de notre population canadienne? Encore une fois cela ne mène à rien de demander que l’on nous défende ou nous respecte, mais par acquit de conscience nous protestons toujours.