Son honneur le juge Landry

Newspaper
Year
1894
Month
11
Day
15
Article Title
Son honneur le juge Landry
Author
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Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
SON HONNEUR LE JUGE LANDRY. Jeudi de la semaine dernière, les Acadiens de Kent ont offert un banquet à Son Honneur le Juge Landry de la cour Suprême du Nouveau Brunswick, et lui ont lu l’adresse suivante : A L’HONORABLE PIERRE A. LANDRY, Juge de la Cour Suprême du Nouveau Brunswick. Honorable Monsieur,— Il est d’usage immémorial, dans l’Empire Britannique et ses Colonies, d’honorer les membres de la Magistrature, en tant que représentants du Souverain, et de l’Autorité judiciaire de l’Etat, et de leur souhaiter la bienvenue lorsque, pour la première fois, ils sont appelés à présider les cours formant partie de leur juridiction. Cet usage, excellent en soi, a été, dans toutes circonstances, religieusement observé dans cette province. Nous regrettons d’avoir a constater que les membres du grand jury aient omis de le remplir à l’occasion du premier circuit de Votre honneur dans notre comté. Il nous semble qu’il y a pour nous, citoyens du comté de Kent, une double obligation de ne pas déroger, dans votre cas, à cet excellent usage —d’abord parceque Sa Majesté, en vous nommant juge de la Cour Suprême de cette province, a su choisir un homme intègre, un citoyen honoré, et un jurisconsulte éminent; et en second lieu par ce qu’il nous fait plaisir, et c’est pour nous un grand honneur qu'après nous avoir représentés au parlement fédéral, vous nous reveniez revêtu de la haute dignité de Juge de la Cour Suprême de notre province. Quoiqu’il en puisse paraître, croyez que nous représentons ici le sentiment intime et universel des citoyens de ce comté, en vous félicitant d’être arrivé, par la force de vos aptitudes et qualités, de votre haute intégrité à la première dignité judiciaire du Nouveau-Brunswick, et en vous souhaitant la plus cordiale des bienvenues. Puisse le ciel vous accorder de longues années pour l’honneur et l’avantage de la Magistrature. Après une brillante carrière comme avocat, une carrière utile et intègre comme politicien, vous nous promettez comme juge une carrière honorable et glorieuse. Voilà pourquoi nous sommes heureux de saleur et d'acclamer votre avènement à la Cour Suprême de notre province. Cette adresse et ce banquet qui a eu lieu à Bouctouche avait pour but de faire amende honorable à son Honneur d’un oubli tout probablement volontaire, mais qui certainement, ne se serait pas produit si le nouveau juge avait été Anglais, quitte à lui déclamer son éloge une fois de trop. Dans Kent beaucoup de gens n’ont jamais voulu croire qu’un Acadien eut assez de sens pour monter en si haut lieu et qu’une petite place de juge de comté était le plus grand honneur qu’on put conférer à un Français. Ces bonnes gens, ces intelligences supérieures a leur point de vue, ces races célestes, à l’instar des Chinois, devraient se bien tâter le pouls et le cerveau avant d’en venir à ces indélicatesses monstrueuses. Dans la même note, la même ignoble partialité était rapportée d’un certain O’Gara, pas plus tard que la semaine dernière. La province de Québec lui signifie un mandat d’arrêt contre un malfaiteur—O’Gara est employé dans les très hautes sphères de la justice —mais on le lui mande en français avec traduction anglaise pourtant, et ce cornard, cet ignorant crasseuse, laisse échapper l'homme sous prétexte qu’il ne comprend pas le français ou parce que le criminel était poursuivie par un juge français. O’Gara s’excuse lui-même de cette façon : Je ne sais pas le français. Est-ce assez stupide à eux de faire des distinctions de races et de castes alors qu’ils sont les inférieures. Quand nous nous mêlons à eux, ils ne sauraient faire une distinction, mais parce qu’ils ne peuvent pas se joindre à nous et nous parler notre langue, ils nous insultent. Le banquet de Bouctouche est une protestation bien avenue et l’adresse dans sou ton de calme parfait n’en est que meilleur. On doit bien se mettre en tête que le Juge Landry et les Acadiens n’ont pas reçu plus qu’ils ne méritaient. Le Review de Richibouctou prétend que ce n’était pas le premier tour du juge et qu’il avait parcouru Kent en Juge de comté. Oui, mais, d’un autre côté, on fait remarquer que son titre avait changé, et que dans ces occasions c’est le titre nouveau qu’on applaudit et fête; l’homme est secondaire, pendant que le jury en a fait une question primaire. Il paraît que le principal membre du jury aurait été trouver le juge et lui aurait-expliqué comment et comcombien inintentionnellement l’accident serait arrivé. Nous accepterons je suppose l’explication quelle qu’elle soit, mais nous regrettons qu’en semblable occurrence ces accidents ne manquent jamais.