Un mot au "Casket" et au public

Newspaper
Year
1893
Month
9
Day
21
Article Title
Un mot au "Casket" et au public
Author
Observateur
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
UN MOT AU “CASKET” ET AU PUBLIC Je n’ai que des compliments à faire au Casket pour sa manière courtoise à mon égard. Je le remercie d’avoir pris connaissance de mes remarques à son adresse et de reconnaître que les Acadiens ont besoin de protection et d’encouragements dans leurs efforts pour arriver à leur destinée, qui semble être toute tracée par la Divine Providence. Un peuple qui par sa propre énergie et une persévérance admirable a réussi à devenir ce qu’il est aujourd’hui dans le pays, est digne d’attention et d’intérêt. Un peuple qui malgré les persécutions de toutes sortes, suscitées contre lui durant plus de deux siècles, à su conserver sa foi, ses traditions et sa langue, mérite en effet quelque témoignage de reconnaissance de la part de l’église et de l’Etat. C’est une affaire décidée à tout jamais; les Acadiens resteront catholique Romains et Français; mais ils ne seront pas pour cela moins bons Canadiens et sujets loyaux de sa majesté Britannique. L’église catholique n’a jamais eu d'enfant plus soumis, plus dévoués, plus désintéressés et plus chevalresques que ses sujets d’origine française en Amérique, et particulièrement le petit peuple Acadien. Il n’y a pas de cœurs plus attachés aux usages et traditions catholiques que les descendants des confesseurs de la Foi de 1755. Sa majesté Britannique n’a pas de sujets qui aient plus fait pour la fondation, le maintien et la prospérité de ses colonies d’Amérique, que les Canadiens et Acadiens français. Pour les Canadiens, après de longues luttes et de vaillants combats, soutenus par son épiscopal et son clergé, ils sont arrivés, à l’indépendance religieuse et civile. Reste à savoir si les canadiens d’aujourd’hui et leurs descendants resterait ce qu’ont été leurs pères! les avant-gardes des intérêts religieux en Amérique. Pour les Acadiens, ils n’ont pu arriver à l’indépendance. Ils ont toujours été les serviteurs des serviteurs. Dépendant des nationalités étrangères à la leur dans l’ordre ecclésiastiques et civil, ils ont été fort appréciés comme excellents serviteurs; mais jamais ont-ils été l’objet d’une vraie sollicitude et d’une active coopération par rapport à leur avancement national. Leur existence nationale est due à l’intervention visible de la Providence, à leur énergie, à leur ténacité et à leur persévérance héroïque.—La préservation de la langue française en Acadie est un prodige non moins éclatant que la protection des frères machabées dans la fournaise ardente. Il n’est donc pas permis aux Acadiens, de frustrer les desseins providentiels à leur égard et d’abandonner l’œuvre que leurs pères avaient si vaillamment fondée et maintenue. L’Acadien doit rester catholique et français de cœur et de sentiments; sinon il deviendrait un renégat, un lâche et un apostat. Il est sujet britannique, et Canadien, seulement, il doit travailler de toutes ses forces à l’agrandissement, à l’extension et à la prospérité de la confédération Canadienne. Pour rester catholique, il lui faut l'encouragement moral, actif et même matériel de la part des autorités ecclésiastique et si d’après les vues de Léon XIII, il faut aux Indes des missionnaires et des évêques du pays, qui puissent sympathiser avec le peuple et qu’il y ait communauté de sentiments et d’intérêt, la chose ne pourrait être que fort avantageuse à l’Acadie. Cependant les Acadiens, habitués à la soumission et à l'ostracisme, vivent en paix avec les autres nationalités qui les environnent et qui s’allient pour se maintenir au pouvoir à leur détriment.—Le peuple Acadien n’est pas un peuple jaloux, vindicatif ou rebelle; il souffre en silence ce qu’il ne peut empêcher et il travaille avec constance au maintien de ses églises, de ses pasteurs et des institutions pour l’éducation; puis se livrant au travail pénible de l’agriculture et de la colonisation. Il veut parler, étudier, et conserver la langue française, qu’il considère comme une sauvegarde contre le danger de l’influence anglaise et protestante. Il a droit d’exiger des autorités le privilège d’avoir des maisons d’éducation où le français soit enseigné à l’égal de l’anglais, le premier par devoir et le second par nécessité. Ce n’est pas aux enfants qui fréquentent ces écoles et ces couvents à dicter le programme d’étude ni même aux parents à imposer leur volonté à ses maisons d’éducation. S’il est bon, utile, avantageux, nécessaire pour les Acadiens d’étudier et de conserver leur langue maternelle, il est du devoir de prendre des moyens et des pratiques pour y arriver. . La question discutée dans le Casket et l’Evangéline n’a pas sa raison d’être. Si dans les couvents fréquentés par des filles Acadiennes, et établis dans des centres Acadien on n’y enseigne pas le français convenablement, c’est un malheur et une injustice, et il semble qu’on devrait y porter remède sans discussion. Si au contraire, il n’y a pas raison de se plaindre sous ce rapport, c’est injuste que de critiquer des maisons d’éducation et les maîtresses qui les dirigent comme on l’a fait. Des “ religieuses” Canadiennes et Acadiennes, dont le “ Casket” prend la défense, ont droit à une juste protection; mais je ne saurais reconnaître chez elles un zèle national et intelligent si elles refusaient de se prêter volontairement à l’enseignement du français dans leur maisons. Les sœurs de la congrégation de N. D. en particulier ne sauraient s’opposer à l’enseignement du français dans leurs maisons, à moins qu’elles n’en soient empêchées par des conventions incontrôlables. Or, s’il y a des obstacles véritables à cet enseignement de quelques parts qu’ils viennent, il y a moyens de les découvrir et d’y porter remède. Quant aux moyens à adopter; il ne faut pas en adopter d’injustes et de déraisonnables; mais il ne faudrait pas non plus condamner comme injuste et déraisonnables la revendication d’un droit méprisé et méconnu. Un homme en possession paisible d’un bien qui lui serait arrivé par accident, trouve toujours pénible que le vrai propriétaire réclame son bien; et il est fort porté à trouver injustes et déraisonnable, les moyens même les plus légitimes qu’il emploie pour reprendre sa propriété. Cependant il faut que la prudence, la charité et la fraternité chrétienne, dominent dans toutes les demandes faites pour réclamer les droits même les plus chers et les plus sacrés. C’est pourquoi je recommande aux Acadiens et à leurs chefs la modération dans les moyens et la fermeté dans l’action. OBSERVATEUR.