Correspondance: quelques notes sur Bouctouche

Year
1890
Month
4
Day
1
Article Title
Correspondance: quelques notes sur Bouctouche
Author
Sylvain
Page Number
1
Article Type
Language
Article Contents
Correspondance. QUELQUES NOTES SUR BOUCTOUCHE M. le Rédacteur, A l’automne François LeBlanc et Joseph Bastarache se rendent à Memramcook pour s’y procurer bien des choses nécessaires dont la colonie avait besoin pour passer l’hiver. Ces deux hommes qui étaient très habiles à faire des sabots en avaient fabriqué un certain nombre de paires et ils les emportaient avec eux pour les échanger à Memramcook pour des produits. L’instrument en fer dont se servait François pour travailler ces sabots est encore chez son petit-fils Octave. Plusieurs vieilles femmes me disent que les sabots fais par Joseph Bastarache étaient très recherchés. Il leur donnait une tournure très élégante, et c’est à lui que se présentaient les fiancées pour se procurer leurs sabots de noces. De plus Joseph était très particulier à prendre la mesure du pied, et jamais ses pratiques ne se plaignaient des inconvénients des bosses (cors aux pieds) qui affligent une grande partie de l’humanité. On emportait aussi plusieurs peaux de fourrures et du poisson boucané. Nos deux hommes cotoyent le rivage en bottes (bateaux) jusqu’à Gédaïc, et de là, traversent le Portage. Les parents et les amis sont dans une grande joie de les voir et leur donnent une véritable ovation. On était si heureux d’apprendre que tout était bien là-bas, et que tout promettait d’être prospère. Les correspondances dans ces temps-là étaient bien rares pour la bonne raison que personne, à quelques exceptions près, ne savait écrire. Les deux Bouctouches qui désiraient d’ailleurs voir augmenter le nombre des habitants dans leur village, donnèrent des détails très intéressants sur les avantages de la localité pour s’y établir. Isabelle LeBlanc sœur de François et Charlitte, et mariée à Benjamin Allain, insista beaucoup pour suivre ses frères à Bouctouche. Mais les Allains étaient méthodiques et lents à se décider, et il y eut beaucoup de pourparlers avant d’arriver à une entente. Puisque ces Allains doivent plus tard passer à Bouctouche, j’en parlerai un peu au long, comme je me propose de le faire d’ailleurs pour toutes les autres familles. Je dois déclarer ici que je détache la plupart de mes informations des tablettes de M. Placide P. Gaudet qui met très généreusement à ma disposition toutes les recherches si précieuses auxquelles il dévoue son temps depuis nombre d’années et avec un succès que tous les amis des Acadiens applaudissent. J’ai déclaré en commençant la publication des ces Notes que je ne voulais pas remonter plus haut que la fondation de Bouctouche dans la généalogie des familles. Cependant plus l’on s’enfonce dans ces recherches du passé, plus l’on se sent porté à continuer ces découvertes toutes palpitantes d’intérêt, et j’avoue que comme M. Gaudet, je ne voudrais m’arrêter que sur les rivages de la vieille France pour y saluer les premiers colons qui s’embarquent pour l’Acadie avec leurs noms et pronoms et qui donnent prospérité au nouveau monde. Il est vrai qu’en cédant à une telle tentation je sortirais du cercle que je me suis tracé, mais comment résister au plaisir de suivre les ancêtres de ces familles dans leurs tristes pérégrinations depuis la néfaste époque de 1755? Il y a quelque chose de si émouvant, de si dramatique dans la séparation et la dispersion de ces familles martyres de la tyrannie anglaise, que l’on se sent pris malgré nous du désir de suivre chaque pas de leurs efforts pour réunir leurs membres épars sur une terre étrangère et ennemie, et pour revenir au pays toujours cher qui les a vu naître. Si quelques familles ont échappé à la déportation en se cachant dans les bois, leur histoire n’en est pas moins intéressante, car nous y trouvons toujours ces sacrifices, ces souffrances, cet amour du sol natal qui font de chaque individu de véritables héros. De plus en groupant autour du berceau de la grande Paroisse de Bouctouche qui possède dans ses limites les rejetons d’un grand nombre de ces familles victimes de la plus cruelle des persécutions, les lecteurs de ce petit ouvrage pourront se former une idée de ce qu’était les ancêtres, et partant, de ce qu’ils doivent être eux-mêmes : bons chrétiens, braves citoyens, colons courageux, habitants industrieux, qui bravent toutes les épreuves pour se créer un foyer heureux et prospère pour l’augmentation du Royaume de Dieu. Mais revenons à notre famille des Allain : Louis à Pierre dit Pitre Allain, marié à Jacques Léger, (nous verrons plus tard que Jacques Léger, frère de cette Anne Léger, a fourni un gros contingent à la population de Bouctouche) avant neuf enfants. Il se fixa quelques années après la paix de 1763 sur la rive est de la Rivière Memramcook où il prit un lot et y mourut peu de temps avant le départ des cinq premières familles pour Bouctouche. Sa femme épousa plus tard en secondes noces le vieux Michaud Bourque de Memramcook, et après la mort de celui-ci elle alla finir ses jours avec ses enfants à Bouctouche. Elle y mourut le 12 décembre 1812 âgée de 85 ans. Elle était donc née vers 1727 et était âgée de 28 ans en 1755. Voici le nom des enfants de Louis à Pierre Richard dit Leplate, du Village de Richibouctou, décédée le 30 décembre 1808, âgée de 62 ans; Benjamin, né en 1748, marié à Isabelle à Charles LeBlanc et de –––– Comeau, décédé à Bouctouche le 15 novembre 1839, âgé de 90 ans; Marguerite, née en 1750, mariée à Pierre Landry, de Caraquet; Michel, né en 1754, marié à Marie-Josephte Savoie, décédé à Nigouac, le 30 juillet 1827, âgé de 74 ans, où il s’établit en 1780; Jean-Baptiste, né en 1756, marié à Marie à Paul à Pierre Babineau et Madeleine Richard, décédé à Bouctouche le 30 novembre 1840, âgé de 85 ans; Judith, née en 1758, mariée à François à Jean dit Jani Richard et Françoise Girouard, décédée à Bouctouche en 1821, âgée de 63 ans; Marie, née en 1759, mariée à Jean Savoie, décédée à Bouctouche, en 1819, âgée de 60 ans; Louis, né en 1762, marié à Marie Richard, sœur de François époux de Judith, décédé à Bouctouche, le 2 janvier 1809, âgé de 42 ans; Pierre, né en 1764, marié à Henriette à Paul Babineau, et de –––– décédé à Bouctouche vers 1830. A CONTINUER Votre serviteur, SYLVAIN.