Discours de l'hon. P. A. Landry sur le bill McCarthy

Year
1890
Month
3
Day
25
Article Title
Discours de l'hon. P. A. Landry sur le bill McCarthy
Author
-------
Page Number
1
Article Type
Language
Article Contents
Discours de l’hon. P. A. Landry SUR LE BILL McCARTHY Chambre des communes–séance du 17 février. (suite) Je trouve dans un autre numéro du Globe, de la même année, les remarques suivantes : Le journal de Québec dit que M. Brown a donné avis, le dernier jour de la session, qu’au premier jour de la session prochaine, il présenterait un bill abolissant les dimes et les taxes obligatoires, pour des fins ecclésiastiques dans cette province. C’est une tentative hardie, mais une tentative que les circonstances rendent nécessaire. Il est à désirer que la question de la prédominance du catholicisme et du protestantisme soit soulevée le plus tôt possible, et nous ne saurions avoir une meilleure question d’essai que celle des dimes dans le Bas-Canada. J’attire l’attention sur cet état de chose, pour démontrer que l’argumentation dont on se servait alors allait de pair, était presque semblable à celle de l’auteur de ce bill et de l’honorable député de Norfolk-nord (M. Charlton). On pourrait croire, en les entendant, que le temps remonte son cours, et que nous sommes revenus aux jours où l’honorable George Brown dirigeant le parti libéral et le Globe, carscolait sur la monture du protestantisme. Pour remédier à cet état de choses dont la gravité apparaît dans les colonnes du Globe, nous avons eu recours à la confédération, et ces questions brûlantes ont été apaisées par l’acte de l’Amérique-britannique du Nord, de la manière que j’ai indiquée. Je répète qu’il était alors nécessaire de débarrasser l’arène politique de ces questions brûlantes, et l’on crut y avoir réussi par l’adoption de l’acte de l’Amérique britannique du Nord. Cependant, voilà que ces questions se ravivent aujourd’hui, voilà que s’élèvent des débats destinés probablement aux mêmes résultats. Je demanderai : à qui le peuple doit-il le règlement de ces questions? Est-ce à ceux qui suivaient les enseignements du Globe, ou à ceux qui ont su vaincre les préjugés dont cet organe était à la fois l’instigateur et le véhicule? Ceux envers qui le peuple a été reconnaissant, ne sont pas ceux qui ont soulevé des difficultés dans le genre de celles que soulèvent aujourd’hui l’honorable député de Simcoe-nord et l’honorable député de Norfolk-nord, mais bien combattu les préjugés et les appels aux passions, qu’on ne se gênait pas d’exploiter alors. Parmi ceux qui méritèrent la reconnaissance du peuple, il faut mentionner au premier rang, le très honorable ministre qui est le chef de cette chambre. Dans ces temps difficiles de discussions si violentes et si amères, nous le trouvons toujours en face du parti des préjugés, depuis 1851 jusqu’à la confédération, soit dans les assemblées nationales, soit comme membre ou comme chef du conseil exécutif. Nous voyons que depuis la confédération jusqu’à ce jour, il a été à la tête des affaires du pays pendant dix-sept ou dix-huit ans, qui se sont écoulés dans l’intervalle. Cela démontre que le bon sens naturel du peuple a su apprécier le mérite de celui et de ceux qui, avec lui, ont combattu les préjugés et les appels aux passions populaires et à la majorité contre la minorité–appels en tous points ressemblent à ceux que fait entendre aujourd’hui l’auteur de ce bill, et je puis prédire, sans crainte, que dans six mois ou un an–parce que ces appels bruyants et énergiques faits par des hommes de talents comme ceux qui présentent et appuient cette mesure aux préjugés de la population, doivent avoir du retentissement–mais je prétends qu’avec le temps, ceux qui auront su braver cette vague du fanatisme et des appels faits aux préjugés, seront les hommes qui représenteront le corps électoral, tout comme ceux qui ont lutté dans le passé contre de pareils préjugés, ont représenté le peuple depuis 1851 jusqu’à ce jour. Il m’a fait peine d’entendre le chef de l’opposition, au début du magnifique discours qu’il a prononcé cet après-midi, essayer de faire du capitale politique avec cette question ; mais l’histoire nous montre que le parti qui a su lutter contre ces préjugés, dans le passé, et le parti qui les combat encore aujourd’hui, est le parti conservateur. Aujourd’hui, cependant, différant d’avec le passé, il nous faut partager le mérite avec un certain nombre députés libéraux qui se sont unis à nous pour combattre cette croisade du fanatisme ; mais le fait n’en reste pas moins là que, dans le passé, ce sont les conservateurs qui ont lutté contre ces influences, d’une façon autrement énergique que les libéraux. Depuis la Confédération jusqu’à ce jour, nous avons eu des époques d’un calme relatif. Et pourquoi ? Parce que ces questions brûlantes ont été calmées par l’acte de l’Amérique britannique du Nord, mais, par malheur, elles n’ont pas été réglées, en ce qui concerne les territoires du Nord-Ouest, et, en conséquence, c’est pourquoi on les voit surgir de nouveau, et cette attaque est dirigée sur les seuls points vulnérables et attaquables de la position. Mais j’attirerai l’attention de la chambre sur le fait que l’acte de l’Amérique britannique du nord dispose que si nous avons le droit de faire des lois et d’élaborer une constitution pour les territoires du Nord-Ouest, du moment que ces lois ont été adoptées par notre parlement, elles ont la même autorité que l’acte de l’Amérique britannique du Nord lui-même. Je vais lire l’article, paragraphe 6 de l’Acte de l’Amérique britannique du Nord, chapitre 28, qui se lit comme suit : Sauf les dispositions du troisième article du présent acte, le parlement du Canada n’aura pas le droit de changer des dispositions de l’acte en dernier lieu mentionné du dit parlement, en ce qui concerne la province du Manitoba, ou de tout autre acte constituant de nouvelles provinces, en Canada, sujet toujours au droit de la législature du Manitoba et de modifier, de temps à autre, les dispositions d’une loi quelconque relative au cens d’éligibilité des candidats, ou au cens électoral des votants, au sujet de l’assemblée législative, et pour adopter des lois relatives aux élections dans la dite province. Je veux constater simplement que ce parlement a l’autorité d’adopter des lois et de préparer une constitution pour les territoires du Nord-Ouest, et de diviser ces territoires en provinces. Jusqu’à présent, il n’a pas été jugé opportun de diviser ces territoires en provinces, par défaut de population, peut-être, mais un temps viendra, qui n’est pas bien éloigné, sans doute, où l’on demandera à notre parlement d’exercer cette autorité. Ce parlement peut attendre, et il sera toujours temps, quand on demandera une constitution et des lois pour les différentes provinces qui y seront érigées, d’examiner les besoins des territoires et des provinces qui seront établies, et de juger alors s’il est opportun que les deux langues soient conservées ou s’il est mieux qu’une seule soit en usage. Je demanderai maintenant : quel tort a causé aux territoires au Nord-Ouest, l’usage des deux langues? Que cette question soit bien examinée par les honorables députés qui favorisent l’autre côté de la question, ou qui ont entendu les discours prononcés par l’auteur du bill et par d’autres, tant dans cette chambre qu’ailleurs, et qu’elle soit aussi examinée par tous ceux qui ont pu ressentir de l’inquiétude, parce qu’on leur à donner à croire qu’une grande injustice était commise envers leurs compatriotes. L’honorable député de Bruce-nord (M. McNeill) a dit, dernièrement, qu’il était prêt à tout pour satisfaire les désirs de ses concitoyens français, mais qu’il ne consentirait pas à sacrifier sa chair et son sang. Quel est ce sacrifice de sa chair et de son sang que nous exigeons de lui ? Je demande à cette chambre et à tous ceux qui ont étudié cette question et qui ont pu être excités par elle : quel sacrifice fait l’honorable député de sa chair et de son sang en laissant la constitution des territoires du Nord-Ouest telle qu’elle est, jusqu’à ce que ce parlement soit prié de les diviser en provinces et d’accorder une constitution en chaque province ? Il en résulte tout simplement que les territoires sont libres, s’ils le désirent, de conserver l’usage des deux langues. Ils ne sont pas forcés d’employer la langue française. La population de langue anglaise n’y est pas obligée, par la loi, d’apprendre la langue française, ni de l’employer dans la législature, ni de l’étudier. Elle peut se servir de la langue anglaise, si elle le veut. Il n’y a pas d’obligation. Alors quel tort cette langue cause-t-elle? De plus, la population de langue anglaise n’est pas même obligée de payer pour la traduction des documents publics, en langue française. Où est donc l’injustice et comment leurs droits et privilèges sont-ils menacés, parce que la loi permet l’usage du français à ceux qui désirent s’en servir dans le conseil du Nord-Ouest, ou parceque les documents publics sont imprimés dans les deux langues ? Cela leur cause-t-il du tort ou leur enlève-t-il des privilèges ? Si cette question est examinée avec calme et à son vrai point de vue, on verra que cette disposition ne cause de tort à personne, n’enlève aucun privilège, n’impose aucune injustice, et qu’elle n’oblige pas la population à faire le contraire de ce qu’elle désire. Si cette disposition avait l’effet de répandre plus de connaissances parmi une partie de la population du Nord-Ouest, ne serait-il pas avantageux pour elle de faire imprimer ces documents en français? Je répète–et j’appuie sur ce point–que le temps n’est pas opportun ; que cette discussion n’aurait pas dû être soulevée, ni dans cette chambre, ni ailleurs, parce que le temps n’est pas encore arrivé où le parlement donnera une constitution aux territoires du Nord-Ouest, ou aux provinces qui seront érigées. Si les chefs des deux partis s’entendaient entre eux pour soumettre un amendement ou une motion qui, bien que ne satisfaisant pas entièrement mes vues, pourrait établir la paix et la bonne [illisible] dans le pays, je ne dis pas que je ne voterais pas en faveur d’un tel amendement, même au sacrifice de mes opinions ; mais, maintenant, je suis d’avis que nous ne devrions pas nous immiscer dans cette question jusqu’à ce qu’il soit à propos d’agir ainsi, et que nous soyons appelés à légiférer pour ces provinces. Je désire un mot au sujet des conclusions que l’on peut tirer des discours prononcés par l’honorable député de Norfolk-nord (M. Charlton), et par l’honorable député de Simcoe-nord (M. McCarthy). Ces honorables députés ont eu la bonté de dire qu’ils ne ressentaient aucune haine contre la population française du Canada, qu’ils éprouvaient même de la sympathie pour cette population française, qu’ils ne lui souhaitaient aucun mal ; mais je demanderai à tout homme impartial qui a entendu les discours qui ont été prononcés dans des assemblées publiques tenues dans la province d’Ontario, et une au Nord-Ouest, s’il peut en venir à une autre conclusion que celle-ci : que ces honorables députés ont dit que la population française du Canada ne formait pas une classe de sujets qu’il était désirable de conserver dans le pays ? On pourra peut-être dire que ma conclusion est forcée, mais je ne le crois pas. S’il est nécessaire, suivant eux, je ne dirai pas d’annihiler, mais de transformer graduellement la population française, cette opinion doit être la leur. Si les Canadiens-Français sont des sujets désirables, pourquoi ne pas les laisser tels qu’ils sont, et, pourquoi, au moyen d’une législation ou par des discours, essayer de les transformer ? Ils sont blâmés par ces honorables députés, parcequ’ils ne sont pas charmés par la littérature qui fait les délices de ces députés, parce qu’ils ne se réjouissent pas à la lecture des pages de l’histoire qui charment ces honorables députés, parce qu’ils ne sont pas animés dans leurs actions pas les mêmes nobles aspirations que ces députés. Il n’y a pas d’autre conclusion à tirer, que celle que j’ai tirée moi-même. Si vous prenez les faits tels qu’ils sont, que trouvez-vous ? Nous, Canadiens-Français de ce pays, nous sommes accusés par ces honorables députés–non pas par la majorité de la population anglaise, mais bien par une faible minorité, ainsi qu’il est facile de le constater, mais, néanmoins, par un assez grand nombre, un nombre suffisant, pour causer de l’inquiétude et de l’excitation–nous sommes accusés, dis-je, de nous concerter ensemble, comme nationalité ou comme peuple, dans le but d’obtenir ce que nous n’avons pas le droit d’exiger. Cela a été dit dans les assemblées publiques, et même dans cette chambre. A CONTINUER.