Lettre pastorale de Monseigneur l'Archevêque d'Halifax aux Acadiens.

Year
1900
Month
10
Day
4
Article Title
Lettre pastorale de Monseigneur l'Archevêque d'Halifax aux Acadiens.
Author
Archevêque d'Halifax
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
LETTRE PASTORALE De Monseigneur l’Archevêque d’Halifax aux Acadiens. Population Française de la Nouvelle-Ecosse Sur les souffrances et les vertus de leurs ancêtres Guillaume Walsh, Par la miséricorde divine et la grâce du Saint-Siège Apostolique, ARCHEVEQUE D’HALIFAX Prélat domestique de N. S. P. le Pape Pie IX, Assistant au Trône Pontifical, A nos très chers Frères les Acadiens du Diocèse d’Halifax Salut et Bénédiction en N.-S. Jésus Christ. NOS TRÈS CHERS FRÈRES, Le 10 septembre 1755, près de deux mille Acadiens catholiques furent chassés avec barbarie de leurs demeures heureuses par la main cruelle de la persécution. Ce fut pour leur attachement à la foi de leurs pères qu’ils furent ainsi maltraités; et la voix de la postérité a proclamé l’infamie de cette injustice, et la froide hypocrisie, et la cruauté dont elle fut accompagnée. Les annales de l’histoire contiennent à peine une scène plus déchirante que celle que l’on vit à l’embouchure du Gaspereau et sur les bords du bassin de Minas au jour mémorable que nous venons de rappeler. On avait bien espéré, sans doute, que l’exil de tout ce peuple innocent et la confiscation de ses biens étendraient à jamais la religion catholique dans la Nouvelle-Ecosse. Ici cependant, comme ailleurs, le persécuteur fut trompé dans son calcul impie par la miséricorde du Ciel. Grâce à Dieu, après un long et triste intervalle de souffrances, de proscription et d’exil, l’Acadien vit encore dans la patrie chérie de ses pères, et la foi glorieuse pour laquelle les exilés et les victimes de 1755 ont supporté la perte de leurs biens et de leur vie fleurit encore dans environ un tiers de la population de la Nouvelle Ecosse. Ce fut d’abord par les enfants entreprenants de la vieille France que cette belle contrée fut d’abord ramenée de la barbarie à la civilisation; ce fut par ses missionaires vraiment zélés et apostoliques que les indigènes furent convertis à la foi de Jésus Christ, et la constance avec laquelle leurs descendants, les enfants de la forêt, ont gardé la religion ancienne, malgré les efforts impies qu’on a eu la lâcheté de faire pour leur dérober ce précieux héritage, montre bien que les travaux des premiers missionnaires acadiens furent sanctifiés par la bénédiction spéciale du Ciel, car ils ont porté un fruit précieux, et ce fruit reste. C’est l’histoire qui nous raconte que les enfants de ces confesseurs de la foi qui furent chassés de la Nouvelle Ecosse en l755, et qui furent dispersés sur tout le continent de l’Amérique, essayèrent souvent de revenir dans leur patrie, pour que leurs os puissent reposer dans le sein de cette Acadie qu’ils chérissaient. Quelques-uns furent enfin assez heureux pour accomplir leur désir, et ils s’établirent dans la forêt vierge et le long de cette belle baie que leur piété aimait à honorer du tendre nom de la Mère Immaculée de Dieu (la baie de Sainte Marie). Là, pendant que les terres étendues et fertiles de leurs ancêtres, dans les parties les plus riches de l’Acadie, étaient aux mains des étrangers, ces nouveaux colons s’enrichirent en secret. Protégés par la main de Celui qui ne permettra pas que “l’homme juste soit abandonné, ni que ses enfants manquent de pain” leurs richesses s’augmentèrent rapidement, et avec la patience de leurs pères, ils firent fleurir le désert comme le rosier. Enfants de confesseurs et de martyrs, ils étaient sûrs de mériter la protection du Ciel. Le “petit troupeau” ne tarda pas à devenir plus nombreux; il compta bientôt des centaines, puis des milliers de personnes; et leurs enfants et leurs petits-enfants se trouvent aujourd’hui dans différentes parties de la Nouvelle-Ecosse et des provinces voisines, parlant la langue de la nation dont ils sont fiers de descendre, et se faisant une gloire de la profession de cette foi catholique que leurs ancêtres préféraient à la vie elle-même. En ces quelques paroles, ô vous qui êtes une partie bien-aimée de notre cher troupeau, nous avons retracé votre triste mais glorieuse histoire. Vous êtes les enfants de ceux qui ont traversé la mer de la persécution et qui ont été marqués du signe des souffrances, parce qu’ils étaient les disciples fidèles de Jésus crucifié; de ceux qui, “dans des temps anciens, étant éclairés” par la grâce du père de lumière, “ont soutenu de grands combats dans les diverses afflictions, ayant été d’un côté exposé devant tout le monde aux injures et aux mauvais traitements, et de l’autre ayant été compagnons de ceux qui ont souffert de semblables indignités; car ils ont vu avec joie tous leurs biens pillés, sachant qu’ils avaient d’autres biens plus […] et qui ne périront jamais (Héb X, 32, 34). Quand, par une proclamation perfide, ils eurent tous été attirés dans un même lieu, cette vile hypocrisie qui avait profité de leur simplicité et de leur bonne foi fut bientôt dévoilée. Le temple sacré dans lequel ils avaient si souvent adoré le Dieu de la paix et de la justice, fut changé en prison, et leurs indignes maîtres lurent le décret cruel qui les dépouillait de leurs beaux domaines et les condamnait à toutes les misères d’un exil perpétuel. Rappelons, d’après un récit bien connu, les principales circonstances de cet évènement. “Les personnes assemblées à Grand-Pré à cette occasion étaient au nombre de 483 hommes et de 437 femmes, avec leurs familles, qui se composaient de 527 garçons et de 526 filles; en tout, 1,973 âmes. Ils avaient 1,269 bœufs, 1,557 vaches, 5,007 veaux, 493 chevaux, 8,699 moutons et 4,197 cochons. Comme quelques-uns des malheureux habitants s’étaient enfuis dans les bois; on eut recours à tous les moyens possibles pour les forcer à revenir. On ravagea le pays pour les empêcher de se nourrir. Dans le seul district de Minas, on détruisit 255 maisons, 276 granges, 155 dépendances, onze moulins et une église. “Ils supportèrent leur emprisonnement dans l’église catholique de Grand-Pré, et ils reçurent leur sentence avec une résignation et un courage inattendus; mais quand arriva le moment de s’embarquer, quand il fallut quitter leur patrie pour toujours et se réparer de leurs amis et de leurs parents sans avoir l’espoir de les revoir jamais, pour aller demeurer au milieu d’étrangers dont les mœurs, la religion et le langage étaient dlfférents des leurs, la faiblesse de la nature humaine l’emporta, et ils succombèrent sous le poids de leur malheur. Tous les préparatifs ayant été faits, le 10 septembre fut choisi pour le jour du départ. Les prisonniers furent obligés de se mettre en rangs, et l’on ordonna aux jeunes gens, au nombre de 161, de se rendre les premiers à bord. Ils refusèrent à l’instant et péremptoirement, déclarant qu’ils ne voulaient pas quitter leurs familles, mais promettant d’obéir, pourvu qu’on leur permet de s’embarquer avec elles. Cette demande fut immédiatement rejetée, et l’on ordonna aux soldats de mettre la baïonnette au bout du fusil et de a’avancer contre les prisonniers, qui se mirent alors en marche. La route de l’église au rivage, un mille de longueur, était couverte de femmes et d’enfants à genoux, qui les saluaient à leur passage en versant des larmes, et les accompagnaient de leurs prières; les malheureux s’avançaient lentement et malgré eux, en pleurant et en chantant des hymnes. Les jeunes gens furent suivis de leurs pères, qui traversèrent la même scène de chagrin et de détresse. Ce fut ainsi que toute la population mâle du district de Minas fut embarquée sur les cinq vaisseaux de transport qui étaient à l’ancre dans la rivière de Gaspereau; chaque vaisseau était gardé par six sous officiers et 80 soldats. Aussitôt que les autres vaisseaux furent arrivés, on embarqua les femmes et les enfants, et tous furent ainsi transportés loin de la Nouvelle Ecosse.” A Annapolis et dans le Cumberland, ce peuple inoffensif fut persécuté avec autant de sévérité. Dans ce dernier district on incendia en un jour 235 maisons, et l’église ne fut pas épargnée. Les horreurs de l’exile furent bien augmentées par la manière cruelle dont on brisa les plus chers liens de la nature et par les souffrances que les malheureux eurent à supporter dans leur voyage. Répétons les paroles touchantes de ces victimes dans leur pétition au Roi : “Les pères et les mères furent séparés de leurs enfants, les maris de leurs femmes, et toutes les familles n’ont pas encore pu se réunir; nous étions tellement serrés dans les vaisseaux, que nous n’avions pas assez de place pour pouvoir nous coucher tous en même temps, et, par conséquent, on ne nous avait pas permis d’apporter avec nous tout ce dont nous avions besoin surtout pour les vieillards et les malades, dont beaucoup retardèrent pas à être délivrés par la mort. Nous avons déjà vu dans la province de la Pennsylvanie (quelques uns avaient été envoyés dans la Virginie et dans le Géorgie) 250 de nos amis, c’est-à-dire plus de la moitié de ceux qui ont été débarqués ici, périr de misère et de maladie.” Nous ne retraçons pas, N. T. C. F., ces tristes […] pour […] en vous le moindre ressentiment, que notre sainte religion […]. Il y a longtemps que les victimes et leurs persécuteurs ont paru devant le tribunal de la justice divine, où la […] injuste des hommes a été révoquée par le […] infallible du Ciel, et où chacun a été puni ou […] selon […].