la Toussaint

Newspaper
Year
1892
Month
11
Day
3
Article Title
la Toussaint
Author
------
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
LA TOUSSAINT. Dimanche dernier dans toutes les églises du monde catholique, a été célébrée avec éclat la fête de tous les Saints. Longtemps avant que l’Eglise eut fixé au 1er novembre, la Fête de tous les Saints, on célébrait une fête générale des “Saints Apôtres” et une autre des “Saints Martyrs”. Voici ce qui donna lieu à l’établissement de e cette dernière solennité, qu’on eut regarder comme l’origine de le fête de dimanche. Il y avait à Rome un temple magnifique, bâti quelques années avant la naissance de Jésus Christ par Agrippa, favori d’Auguste, en mémoire de la bataille d’Actium. Ce temple avait été nommé Panthéon, c’est-à-dire temple de tous les dieux, soit par ce que sa figure ronde et convexe semblait représenter le ciel, soit parce qu’on y avait rassemblé les images ou les symboles de la plupart des divinités que les Romains adoraient. Après la conversion de Constantin, les plus célèbres monuments de l’idolatrie avaient été détruits dans toutes les parties de l’empire; cependant quelques uns de ces monuments furent conservés pour des motifs d’intérêt public, et le Panthéon fut de ce nombre. L’empereur Honorius se contenta d’en interdire l’usage pour les sacrifices, jusqu’au moment où la religion chrétienne étant suffisamment affermie, on ne fit plus de difficultés d'ouvrir les anciens temples du paganisme pour les consacrer au culte du vrai Dieu. Le pape Boniface IV, monté sur le Saint-Siège en 607 résolut d’ouvrir le Panthéon, et après l’avoir purifié il le dédia à la Ste-Vierge et aux martyrs; il en fit la dédicace le 13 mai 609. Depuis la mémoire de cette dédicace fut célébrée tous les ans à la même date. Mais la fête instituée par Boniface IV, n’était pas proprement la fête de tous les Saints; le véritable instituteur de la fête de la Toussaint fut le pape Grégoire III, qui fit construire une chapelle,— dans l’église Saint Pierre au Vatican, “en l’honneur du Sauveur, de la Sainte Vierge, des saints Apôtres, de tous les martyrs et confesseurs et de tous les justes qui reposaient par toute la terre.” Cette chapelle fut terminée en 737, et Grégoire III établit une fête dans le même but; mais on ne voit pas qu’il ait fixé cette fête au 1er novembre, qui était alors an jour de jeûne. Cependant, du temps de Charlemagne, cette fête était fixée, parait-il, au 1er novembre. Enfin, le pape Grégoire IV étant venu en France en 835, exhorta Louis le Débonnaire à faire célébrer cette fête dans ses Etats. Celui-ci publia alors, du consentement des évêques, un édit ordonnant que la fête de Tous les Saints serait célébrée le 1er novembre. La Toussaint est regardée comme une des plus grandes de l’année, et on trouve le jeûne de la veille établi dès le onzième siècle. Le pape Sixte IV ajouta un octave à la fête en 1480, et la fit célébrer avec une grande solennité. Elle est belle cette fête malgré l‘absence du soleil, la bise glaciale et la chute des feuilles. Aussi partout on la célèbre avec éclat. Les églises revêtent leurs plus riches parures, les cloches sonnent à toute volée, les fidèles se rendent en foule aux exercices religieux. L’Eglise qui glorifie les saints dans le ciel, qui prie pour les affligés dans le purgatoire n’oublie pas les malheureux qui souffrent sur cette terre. Aussi dans plusieurs pays dans les églises, le jour de la Toussaint, les prêtres font eux-mêmes la quête pour les pauvres. Cette quête rapporte toujours de bonnes recettes qui sont consacrées entièrement à des familles qui manquent de pain, qui n'ont pas de bois, ni de vêtements pour affronter les rigueurs de l'hiver, de l'hiver glacial, de la neige épaisse, etc, etc. En Acadie on fait à la messe ce jour là une quête pour faire dire des messes pour les âmes du purgatoire. La fête glorieuse, la fête joyeuse de la Toussaint ne dure que peu de temps; dans l’après midi on chante les vêpres des morts et dans les églises les ornements somptueux, les fleurs, etc., sont remplacés par des draperies noires; c’est le deuil qui commence. C’est une croyance bien répandu qu’après les vêpres des morts, les âmes du purgatoire descendent sur la terre, viennent retrouver leurs parents, leurs amis, et pendant quelques heures, vivent de leur vie, souffrent leurs douleurs, pleurent avec eux, partagent avec leurs frères le bonheur que procure le baiser d’une mère, la tendresse d’une sœur, et, en contemplant nos misères, éprouvent une joie indéfinissable, malgré les tortures qui les attendent. Comme nous l’avons dit déjà, après la messe chantée avec toute la pompe possible, les églises dans l’après midi se revêtent d’un deuil qu’elles conserveront jusqu’au lendemain, à la messe pour les morts. C’est un temps de recueillement pour les catholiques; pas de veillées; pas de parties de plaisir; le calme partout, et après l’office religieux le soir la prière en commun dans les familles. Voilà, ce qui se fait partout. Quel est celui qui n’a pas à pleurer la mort d’un père ou d’une mère; d’un parent ou d’un ami ? Et un jour comme celui-là peut-on oublier ceux que nous avons aimés. La Toussaint est la fête de l’automne, la fête qui clot les beaux jours, la fête voisine de la mort. C’est ce jour-là, pendant que les feuilles des forêts sont emportées par le vent qui annonce l’hiver, que l’Eglise dans ses temples chante cette hymne à tous les saints : ¨Nous qui mangeons le pain du travail et qui nous abreuvons de larmes, nous vous célébrons, vous qui ne vivez que de l’amour et de la vérité, et qui buvez dans les coupes d’or les eaux vives des sources sacrées.¨