Un rappel

Newspaper
Year
1890
Month
2
Day
19
Article Title
Un rappel
Author
Le Clairon
Page Number
3
Article Type
Language
Article Contents
UN RAPPEL Un écrivain célèbre a tracé autrefois ces lignes profondément vraies malgré l'égoïsme qu'elles déchainent. “Nous n'avons la richesse, la force, la liberté, la vie, nous n’avons rien au monde pour nous seulement. A tout don qui nous est fait, incombe le devoir de protéger dans leur âme ou dans leur corps la multitude de nos frères faibles ou ignorants.” Et ceux-là qui jouissent des avantages de l’influence ne seront point justifiés par l’excuse de Caïn.— Suis-je le gardien de mon frère—. Des hommes dévoués à la cause des Acadiens, à leur maintien et à leur grandeur sur la terre devenue à tous égards leur patrie et leur mère ont touché vigoureusement cette question, question de devoir et de charité pour eux, de salut pour les Acadiens. Achetez.— Vos patrimoines sont morcelés, les morceaux hachés à leur tour; où courez-vous? Evidemment à la ruine à l’émigration en masse. Des groupes d’Acadiens se sont formés sur la terre des Etats; ils se conservent bons, je le veux et pour plusieurs, je le sais; toutefois, disséminés, coudoyés par les protestants, nourris à leur table et a leurs discours bon nombre ne sont-ils pas tombés, n’ont-ils pas rougi de leur nom français qui signifie catholique. Voyez ce qui se passe l’autre côté de la Baie! Achetez.— Ne vendez jamais— Celui qui vend introduit l’ennemi dans les fissures de l’édifice national dont il prépare le croulement. S’il cède à l’appât du gain ou a la pression de l’ennemi, de l’Anglais c’est un traître et un lâche. S’il se repose sur la paix apparente et l’aspect bonasse de l’héritage, c’est un imbécile. Les haines s'effacent dans le sang de Jésus-Christ. L’Anglais qui ne connaît pas Jésus ne peut pardonner au Français d’avoir bu à son calice. En 1764, l’Anglais fut magnifique, il tendit les bras à l’Acadien; il lui céda un champ dans l’intérieur du côté du Cap Sable, loin de la mer sans débouché, sans un ruisseau pour porter le produit de son industrie à l’étranger. Il le parqua là pour l’engraisser, pour le tuer s’il se défendait, pour le manger simplement s’il ne bougeait pas! Aujourd’hui l’expulseur prend l’intérieur, arrête de toute son énergie le mouvement dans les terres. Si vous ne faites la trouée, il vous acculera au rivage où vous ne trouvez plus la richesse ou même vous ne trouverez plus de coques! et il faudra vous jeter à la mer, ou on vous y poussera. Dans un autre article Alpha vous engage à vendre. Au lieu de vous borner à écouler de maigres denrées pour des étrangers à vos intérêts au lieu d’être serviteurs et hommes de peine, soyez rois et propriétaires. Sainte Marie est un contre, le collège nécessitera de fréquents recours aux épiceries, aux fournisseurs en tous genres; les districts de cette région au lieu d’aller chercher le bon marché ailleurs ou ce qui manque aux petites boutiques que nous avons maintenant, se procureraient tout, au plus près et au plus français. N’est- ce pas une honte de voir ramper le Franc, l’homme libre, devant le saxon marchand! Levez la tête vous qui avez du sang français dans les veines et sachez répondre ou comprendre au moins une phrase prononcée à la face des nations par un de vos ancêtres. Nous avons toujours été maîtres chez nous et souvent chez les autres. Depuis quand l’Anglais a-t-il acquis le droit de nous régir comme des marionnettes ? Du jour où vous cessez d’être unis; du jour où un fournisseur, un marchand, un échangeur, vous trompe impunément, et vous fait signer les yeux bandés les actes de votre ruine et de votre abaissement. Les Eudistes vont par leur collège vous grandir au point de vue littéraire. Les Français ont toujours été les premiers sur ce terrain où l’on reconnaît l’homme; Alpha soumettait un autre projet naguère encore, former des agronomes et de bons artisans. L’idée est excellente, sans doute, mais, pour le moment, leurs soucis seront suffisamment occupés par à donner le mouvement à l’Académie nouvelle; toutefois avec les terres qui entourent l’établissement ils peuvent organiser une ferme-modèle; elle fonctionnerait sous la direction de leurs Frères et les Acadiens soucieux de fertiliser leurs champs viendraient profiter de leurs essais et s’instruire à leur méthode de culture et d’élevage; mais, faites quelque chose de votre côté, favorisez votre émancipation en vous créant une petite indépendance pour les nécessités les plus urgentes de la vie. Trouvez des hommes de front parmi vous pour conférer de ces mesures de salut. Les patriotes qui ont soulevé les premiers cette question si importante ne seront pas sans organiser un comité régulier, sûr et actif. Qu’importe les probabilités, les adhésions de tout le monde, si l’ou se contente de trouver l’idée juste et pratique sans lui donner une chiquenaude qui commence le branle et le succès! LE CLAIRON.