Vendez! Vendez!

Newspaper
Year
1891
Month
2
Day
12
Article Title
Vendez! Vendez!
Author
Alpha
Page Number
03
Article Type
Language
Article Contents
VENDEZ! VENDEZ! Nous avons parlé l’avant dernière semaine de la poignante surprise qu’éprouve le voyageur observateur qui parcourt les villages de Clare et d’Argyle en consultant qu’une race étrangère s'empare des vastes forêts au préjudice et à l’exclusion des Acadiens trop soumis et peu soucieux. Nous avons alors dit ce que nous désirions qui fut hautement proclamé et publié dans chaque foyer acadien, dans les deux municipalités de Clare et d’Argyle, que le mot d’ordre des Acadiens français fût: ACHETEZ DE LA TERRE, mais nous dirons aujourd’hui qu’avec ce cri de ralliement il faut y en ajouter un autre : VENDEZ! VENDEZ! Où même trouvons nous un effort fait pour imiter l’entreprise commerciale de nos voisins anglais? Nous avons, il est vrai, des marchands acadiens-français dans Clare et Argyle– un ou deux sur une grande échelle–mais à part de ceux-ci qui est ce qui a dans les mains le commerce des deux comtés? C’est l’Anglais. Nous répétons donc que nous devrions apprendre à VENDRE aussi bien qu’à ACHETER—à vendre comme marchands, et acheter connue cultivateurs. Pourquoi nos gens quand ils ont de L’ARGENT vont-ils de préférence à Yarmouth et à Weymouth pour faire leurs achats? C’est parceque dans ces deux localités ils y trouvent de plus gros magasins, un meilleur assortiment et des prix plus bas. Ces magasins appartiennent à des compagnies anglaises dont les membres forment une société, et ce sont les “Français” comme ils appellent leurs chalands qui les enrichissent. Pourquoi quelques “Français” ne formeraient-ils pas une société dans une localité centrale, disons à la Pointe-de-l’Eglise, dans Clare, ou au Ruisseau-de-l’Anguille, dans Argyle, et y établiraient un gros magasin pour leur profit aussi bien qu’à celui de leurs compatriotes? Ce penchant qu’on a d’acheter de préférence chez un Anglais met des entraves dans les affaires de nos quelques Acadiens qui ont des petits magasins, et de la sorte leurs fils n’ont aucune ambition d’entrer dans le négoce, car il n’y a pas d’avenir pour eux. Nos voisins parlant la langue anglaise sont courtois, obligeants et tout cela : certainement ils le sont puisque c’est par la politesse qu’ils font leur argent, donc ça paye d’être poli. Pourquoi des Anglais ont-ils récemment ouvert deux nouveaux magasins dans Clare, et la paroisse centrale du comté de Yarmouth n’a-t-elle pas un marchand acadien? Pourquoi? c’est parecequ’il n’y a pas assez de vie, d’indépendance, et d’ambition honorable parmi les nôtres! Pourquoi un médecin anglais fait-il de l’argent et s’enréchit-il au dépens de nos pauvres et que son voisin est négligé? Ça doit être pour la raison que le dernier parle français. Pourquoi la plupart de nos jeunes hommes, quand ils réussissent à obtenir un diplôme en médecine se rendent-ils dans une autre province pour pratiquer? Parce qu’un jeune médecin anglais est une merveille et qu’eux sont comptés comme des nullités. Pourquoi l’avocat—ce fléau nécessaire—est-il toujours un de la langue anglaise dans cette province? Est-ce parce qu’un avocat français serait plus rusé ou moins capable que son frère saxon? Pourquoi toutes les positions lucratives, toutes les places d’émoluments, toutes les promotions politiques sont-elles entre les mains de nos voisins? Comment se fait-il que dans des familles parlant la langue française on y lit des journaux anglais et pas d’autre? Comment se fait-il qu’un Anglais est un être supérieur? A toutes et à chacune de ces questions la réponse est la même, cela provient du manque d’une éducation supérieure parmi les nôtres. L’Acadien lève la tête haute au Nouveau-Brunswick; dans plusieurs cas même il regarde audessus de l’épaule de son voisin saxon dans Québec. Pourquoi? parce qu’il possède une bonne éducation. Hommages donc et reconnaissance à notre zélé archevêque; hommages et reconnaissance à sa perspicacité et à sa prévoyance, car le futur collège de la Pointe-de-l’Eglise fournira les moyens d’ennoblir les Acadiens de la Nouvelle-Ecosse. Espérons que dans les années à venir il se trouvera dans Clare et Argyle des prêtres acadiens, des médecins, des avocats et des marchands tout aussi capables que ceux de n’importe quelle race. Regardons en avant pour le jour, qui n’est pas trop éloigné, où le téléphone sonnera pour demander un médecin acadien, au lieu de son continuel rival protestant anglais; quand des avocats acadiens plaideront la cause de la justice dans nos cours; quand de gros magasins appartenant à des Acadiens et gérés par eux metteront une fin à cette procession de voitures et de monde d’aller donner tout leur argent à d’autres qu’aux nôtres; quand la terre sera cultivée de manière à lui faire rendre un profit de cinquante et cent fois plus qu’aujourd’hui; que le jeune Acadien instruit prendra un intérêt intelligent dans les affaires de son pays. Nous pouvons espérer pour tout ceci et même plus, et compter sur sa réalisation, si la presse, le puissant facteur du monde civilisé, et le collège, le centre lumineux de civilisation, sont maintenus et encouragés. Quand ce jour là arrivera il ne sera plus parlé de corruption aux élections, mais les électeurs honnêtes, intelligents voteront pour un candidat honnête et intelligent, dont ils auront choisi parmi les leurs pour les représenter, et l'étoile de notre drapeau national brillera au firmament des nations. ALPHA.