Serrons nos rangs

Newspaper
Year
1891
Month
8
Day
5
Article Title
Serrons nos rangs
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
SERRONS NOS RANGS. Il est de notre devoir comme organe des Acadiens d’avertir et de conseiller fortement à nos nationaux de serrer leurs rangs dans la lutte électorale dont il est tant question depuis quelque temps. Jusqu’à présent nous n’avons élu dans les trois provinces maritimes que deux représentants acadiens : un au Nouveau-Brunswick, et l’autre sur l’Ile du Prince-Edouard. Mais ce nombre n’est pas suffisant. Dans la province sœur du Nouveau-Brunswick nous formons la majorité française dans les comtés de Kent, Gloucester et Madawaska, et cependant il n’y a que Kent qui envoie un député acadien au parlement fédéral. Pourquoi ne ferait-on pas la même chose dans les deux autres comtés? Assurément il doit y avoir dans les deux autres collèges électoraux des Acadiens compétents et capables de nous représenter dignement à Ottawa. Pourquoi donc alors confier plus longtemps ce mandat à des personnes qui ne sont pas de notre nationalité? On ne peut pas nous reprocher de ne pas avoir été assez généreux et libéraux sous ce rapport par le passé, et si aujourd’hui nous réclamons notre droit on ne devrait pas s’en offusquer. Le comté de Prince, sur l’Ile du Prince-Edouard, le seul où les nôtres sont en majorité, réélira, nous en avons l’espoir, un Acadien ; c’est son droit, et il ne doit pas l’oublier. Le Cap Breton de même que la Nouvelle Ecosse n’a encore jamais eu de représentant français à Ottawa. Pourtant le beau comté de Richmond, sur l’ancienne Ile Royale, compte une majorité acadienne. Depuis nombre d’années ce comté envoie un député français à la chambre locale, et il n’en est pas plus mal servi pour cela. Or, si un des nôtres veille avec tant de soins à Halifax aux intérêts des siens, il est tout naturel que la même chose se répéterait à Ottawa. Pourquoi donc, alors nos nationaux de l’Ile Madame n’élisent-ils pas un des leurs pour les représenter à Ottawa de préférence à un qui leur est étranger et par le sang et par la langue. Avec de l’union et de la bonne volonté ils pourraient facilement remporter la victoire sur n’importe quel adversaire qui s’opposerait au choix des Acadiens. A l’œuvre donc, compatriotes de Richmond. Il n’y a dans la Nouvelle-Ecosse proprement dite, que deux collèges électoraux où les nôtres y figurent en grand nombre : ce sont les comtés de Yarmouth et de Digby. A Yarmouth les Acadiens y sont pour au delà d’un tiers de la population, tandis que dans Digby la population française est à peu près égale à celle de la langue anglaise. Il est inutile, vû notre minorité, de vouloir élire un des nôtres dans le comté de Yarmouth, à moins qu’il fut le choix de la majorité parlant la langue anglaise. Mais ce n’est pas la même chose pour le comté de Digby, car ici nous sommes presque également divisés. Les Acadiens de ce collège électoral n’ont jamais été encore représentés par un des leurs à Ottawa et nous sommes d’opinion que le temps est arrivé qu’ils le soient. A part une seule exception, c’est-à-dire à l’élection partielle de l’été de 1887, aucun Acadien n’a, depuis la confédération, brigué les suffrages du peuple pour le parlement fédéral. M. Robicheau, le candidat français dans la dernière élection, n’a été battu que par 36 voix, et encore plusieurs de ses amis et même de ses adversaires avouent que, s’il ne fût pas si certain de son élection et qu’il eût montré une plus grande activité à faire de la cabale il aurait été certainement élu. Pour notre part, nous n’avons personnellement aucune animosité contre notre député actuel; M. H. L. Jones. Il a, nous en sommes certain, rempli ses devoirs de député fidèlement et consciencieusement, et si nous nous opposons à sa candidature, ainsi qu’à celle de l’hon. M. Vail, ou à celle de M. E. Burnham, c’est simplement pour reclamer nos droits, car il n’est que juste que nous ayons notre tour à la représentation de ce comté à la chambre des communes, et personne ne peut nier la justesse de cette réclamation. Plusieurs de nos amis de la langue anglaise bien pensant partagent notre opinion, et nous ont même suggéré le nom d’un candidat français qui leur serait très acceptable : c’est M. François G. J. Comeau. M. Comeau est un jeune homme de trente ans, natif de la rivière de Meteghan, et actuellement télégraphiste et préposé de la gare de Yarmouth. Il est aimé de tout le monde et il serait, croyons-nous, le candidat le plus acceptable et le plus populaire qu’on puisse choisir pour représenter ce comté à Ottawa. D’ailleurs c’est un jeune homme d’une conduite exemplaire et d’une sobriété éprouvée. Il est bien instruit et parle les langues française et anglaise avec la même facilité. Il ferait certainement honneur à sa nationalité et à son comté au parlement fédéral. Ce qui précède était écrit et composé quand nous avons appris mardi soir la dissolution des chambres. Comme nous n’avons plus qu’un mois avant les élections et vingt jours avant la présentation des candidats, autrement dit le jour de la nomination, on n’a pas un seul moment à perdre pour s’organiser. Nous conseillons et prierons fortement les Acadiens de ce comté et leurs véritables amis de la langue anglaise d’appeler immédiatement une assemblée publique dans chaque maison d’école de Clare et d’y choisir des délégués qui se réuniraient sans délai à un jour fixé par l’assemblée et feraient le choix d’un candidat. Le temps est court, il est vrai, mais si quelque personne de bonne volonté veut dans chaque section scolaire se mettre à la tête du mouvement, on peut facilement s’organiser avant la fin de cette semaine même. M. Comeau est incontestablement l’homme le plus fort qu’on puisse choisir pour briguer les suffrages du peuple dans ce comté et nous avons l’espoir qu’on y songera à deux fois avant de le rejeter. Comme nous l’avons dit plus haut nous appuierons de toutes nos forces et de toute notre énergie les candidatures acadiennes quelles que soient les nuances politiques de ceux qui brigueront les suffrages dans les comtés où notre nombre nous donne droit à la représentation.