Un anniversaire

Newspaper
Year
1890
Month
9
Day
11
Article Title
Un anniversaire
Author
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Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
UN ANNIVERSAIRE Mardi était le cent vingt-quatrième anniversaire de l’arrivée des premiers colons acadiens de la Baie Ste Marie. En effet, ce fut le 9 septembre 1766, que sept familles acadiennes, qui pour la plupart avaient été arrachées de leurs paisibles foyers lors de la tourmente de 1755, et déportées comme de vil bétail dans les colonies de la Nouvelle-Angleterre, vinrent se fixer dans la ville française du comté de Digby, qui alors faisait partie du comté d'Annapolis. Ces sept premières familles, qui furent bientôt suivies d’un grand nombre d’autres, prirent des terres depuis l’Anse des LeBlanc, à St-Bernard, jusqu’aux Grosses Coques, soit sur un parcours d’environ trois milles et demi, le long du rivage rocheux de la jolie Baie Ste Marie. Quelques uns de ces confesseurs de la foi avaient fait à pied le trajet depuis le Massachussetts jusqu’à la Baie Ste Marie. Ils eurent à traverser les forêts du Maine et du Nouveau-Brunswick. La caravane se composait de 100 familles y compris des vieillards, des femmes malades et des enfants. Ils partirent de la Baie du Massachussetts au printemps de 1766. Arrivés à Memramcook, il y rencontrèrent un faible débris du peuple acadien qui était revenu en ces parages depuis cinq ou six ans. Un certain nombre de ceux qui revenaient de l’exil s’y arrêta et les autres reprirent leur long et fatiguant voyage. Ils s’arrêtèrent à Beauséjour où ils rencontrèrent quelques Acadiens Là comme à Memramcook, quelques uns y trouvèrent des parents que l'atroce barbarie de la soldatesque néo-anglaise avait forcément séparés lors de l’embarquement sur les navires. Ici encore plusieurs familles se détachèrent du groupe formant la caravane. On se rendit ensuite à Pisiquid aujourd’hui Windsor. Là les autorités anglaises retenaient captifs, ainsi qu’à Halifax, plusieurs centaines des fils de l’Acadie. Nos procrits qui revenaient au pays y trouvèrent parmi eux un tel un père ou une mère, un autre un époux ou une épouse, celui-ci un frère ou une sœur, celui-là, un fils ou une fille Quelle joie et quelle consolation pour ces pauvres infortunés de se retrouver après onze longues années d’un cruelle séparation! On ne voulut plus se quitter. Le nombre de ceux qui prirent la route pour Grand Pré était maintenant considérablement faible. Leur cœur se gonfla de douleur en arrivant aux Mines de voir leurs anciennes habitations aux mains des fils de leurs vainqueurs. Les maisons avaient été incendiées ainsi que l’église de St-Joseph de la Rivière-aux-Canards, tandis que celle de St. Charles de Grand Pré dans laquelle Winslow les avaient attirés par le guet-apens du 5 septembre, restait encore debout, mais dans un état de délapidation pitoyable. Après avoir visité les cimetières et adressé au consolateur des affligés une fervente prière pour leurs chers morts qui y reposaient et versé une larme brûlante sur leur tombeau, les quelques familles, qui restaient du groupe formant la caravane partie de la baie du Massachusetts de bonne heure le printemps, prirent la route pour Royal-Royal. Plusieurs voulurent s’y arrêter pendant quelques semaines, et sept familles seulement se dirigèrent vers la Baie Sainte Marie, où elles arrivèrent, comme nous l’avons dit, le 9 septembre 1766. Ces familles dont nous nous réservons de mentionner les noms dans un article subséquent n’avaient pas toutes étaient exilées aux colonies anglaises. Quelques unes avaient échappé à la déportation en se réfugiant dans les bois où elles se tinrent cachées pendant nombre d’années. Enfin après des privations indescriptibles et innombrables, elles avaient pu se maintenir et après ce lapse de temps elles firent rencontre de la caravane qui revenait de l’exil et se joignit à elle pour aller fonder le premier établissement à la Baie Ste Marie. Dans le cimetière de la Pointe de l'Eglise, à côté de l’église Ste Marie, on lit sur une tombe l’inscription suivante : “Ici repose le corps de Joseph Dugas, décédé le 29 octobre 1358, âgé de 92 ans. Il était le premier Acadien né à Clare. Requiescat in Pace." Ce Joseph Dugas, fils de Joseph Dugas et de Marie Robichaud, est né aux Grosses Coques, au commencement d’octobre 1766, vingt jours après l’arrivée de ses parents à la Baie Ste Marie. Joseph Dugas, père, est né en 1737, et avait parconséquent 18 ans lors de la proscription de 1755. En 1768 tous les Acadiens qu’il y avait dans la Nouvelle-Ecosse proprement dite prêtèrent le serment d'allégeance à sa Majesté britannique. Ceux qui se trouvaient à Port Royal, Halifax, Pisiquid, Beauséjour et Tintamarre quittèrent alors ces localités. Les uns se rendirent à la Baie Sainte Marie et au Cap Sable, les autres à Memramcook et sur l’Ile St-Jean, d’autres se fixèrent à Chezzetcook, près d’Halifax, quelques uns à Menoudie, et les autres gagnèrent sur l’Ile Madame et à St. Pierre, au Cap Breton. En juillet 1768 le gouvernement provincial accorda des concessions de terre aux Acadiens établis à la Baie Ste Marie. Ces premiers colons étaient natifs de Pisiquid, Grand Pré, Cobéquid et Port Royal, mais la plupart comme nous l’avons dit avaient été déportés dans la baie du Massachussetts en 1755. Le 10 septembre 1866, le 9 étant un jour de dimanche, les habitants du la ville française, c’est ainsi qu’on appelle le district de Clare, chômèrent par un grand pique-nique de famille sur la Pointe-à-Major, le centième anniversaire de l’arrivée des premiers colons à la Baie Ste Marie. La population actuelle du district acadien de Clare se chiffre à plus de neuf mille âmes. Les habitants sont à l'aise, d’une hospitalité proverbiale, très confortablement logés, et vivent dans l’union et la paix. Jusqu'à présent il nous a manqué une maison d’éducation pour l’instruction de nos jeunes gens, mais cette lacune sera prochainement comblée par la construction d’un collège à la Pointe-de-l’Eglise. Cette institution tant désirée sera dirigée par les Pères de la Miséricorde. Alors une ère nouvelle succédera à l’état actuel des choses. Nous pourrons compter, Dieu aidant, des membres du clergé, des avocats, des médecins et tout un essaim de jeunes hommes instruits parmi les descendants des pionniers de la Baie Ste. Marie.