Discours du Rev. M. F. Richard, président de la société de colonisation acadienne française, à la convention tenue à la pointe de l'église, les 13 14 et 15 d'août 1890

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1890
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9
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4
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Discours du Rev. M. F. Richard, président de la société de colonisation acadienne française, à la convention tenue à la pointe de l'église, les 13 14 et 15 d'août 1890
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DISCOURS DU REV. M. F. RICHARD, PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ DE COLONISATION ACADIENNE FRANÇAISE, A LA CONVENTION TENUE A LA POINTE DE L’EGLISE, LES 13 14 ET 15 D’AOUT 1890 (Suite et fin) Ecoutez Léon XIII, le bon, le grand, le savant et surtout le charitable et sympathique Léon XIII. Il n’est plus le roi de l’Italie, il est détrôné et prisonnier dans son propre domaine au Vatican; mais cela ne lui ôte pas le titre de roi spirituel du monde catholique, de père commun des fidèles, l’ami et le protecteur de l’ouvrier et l’opprimé. Voici ce qu’il écrit à l’univers catholique et chrétien. “Il faut fonder des œuvres pour venir en aide à la classe ouvrière. Il faut chercher à rendre plus supportable aux pauvres les inconvénients de la vie présente en amenant ceux qui possèdent des biens de ce monde à acquérir des trésors précieux dans le ciel, par une large pratique de la bienfaisance, au lieu de faire de ces biens un usage abusif ou de fomenter la cupidité” Le St. Père ajoute, “Ces œuvres ont pour but de rendre moins pénible la vie des ouvriers et de les soulager dans leurs difficultés économiques.” C’est bien là, “ lumen coeli." C’est la lumière qui vient éclairer le monde et lui faire connaître ses devoirs envers une classe méprisée et abandonnée. Il parle de l’abondance du cœur et justifie les efforts de ceux qui défendent la cause de cette classe méconnue et inappréciée, et qui sacrifient leurs biens, leur personne, leur avenir à leur avantage. Que font tous les grands hommes et les vrais amis de la classe ouvrière? par exemple, le cardinal Lavigerie, le cardinal Manning, le cardinal Gibbons, le cardinal Tachereau, l’archevêque Walsh, l’archevêque Ireland et les prélats de l’Eglise catholique? Ils travaillent à organiser des sociétés pour venir en aide à la classe pauvre et ouvrière. Le cardinal Gibbons disait dernièrement à un interlocuteur “La tendance du temps est vers la combinaison, l’organisation et c’est l’unité d’action qui est essentielle dans ce siècle, pour arriver à de grands résultats. Le pouvoir de l’organisation ne saurait être méconnu. L’évidence de sa puissance se fait sentir dans tous les départements de la vie.” Il vaut mieux dit ce savant et dévoué patriote, dépasser les limites de la prudence dans la libre discussion des intérêts du peuple, que par une timidité exagérée, négliger de son occuper. L’admirable archevêque Walsh, de son côté, le vaillant et intrépide défenseur de ses campatriotes opprimés, écrivait dans la presse “The tenants fund” s’élève à £60,000; ceci représente l’assertion d’un principe fondamental du christianisme que la propriété du plus pauvre est aussi sacrée que celle des plus riches seigneurs. C’est donc l’union de sentiment et d’action, la combinaison, l’organisation et l’esprit de sacrifice qu’il faut pour réussir dans de grandes choses. Or, pour nous Acadiens et pour notre jeune pays, la grande chose, c’est la colonisation, c’est notre fort national qu’il nous faut bâtir. Mais pour cela, il faut s’entendre, il faut s’organiser. Il s’agit de réunir nos forces vers ce but important et de montrer que le peuple acadien est vivant et vivace. Pour arriver à ce résultat si désirable, un projet de loi a été préparé par un Acadien qui occupe aujourd’hui une position fort honorable dans la magistrature au Nouveau-Brunswick, un homme digne, un citoyen éclairé et un patriote dévoué, Son Honneur le juge Landry, lequel projet a été passé à la dernière session de la législature provinciale du N. B. et chaleureusement appuyé par les représentants acadiens de la chambre, ainsi que tous les représentants du peuple, sans distinction de croyance et de nationalité. Cette société, incorporée sous le titre de “ Compagnie de colonisation des Provinces Maritimes” a pour but de venir en aide aux colons et fonder et établir des nouvelles colonies dans les différentes Provinces Maritimes. Les fonds de cette société seront administrés par un corps régulier d’officiers et de directeurs, légalement organisé et autorisé de posséder et d’administrer des biens fonds, meubles et immeubles et de manipuler les argents collectés au profit de cette œuvre si importante. Il ne s’agit pas de spéculation privée, de profits personels, mais l’unique but de cette compagnie est de promouvoir les intérêts du pays par le moyen de la colonisation. Jusqu’ici cette industrie nationale a été laissée à l’initiative des particuliers; l’œuvre est devenue aux yeux d’un grand nombre une entreprise privée et personnelle, de sorte que la responsabilité et le fardeau n’étaient pas réglés d’après la justice distributive. Puisque c’est une œuvre d’un intérêt général il est juste et équitable que tous les membres de la société qui doivent bénificier de ces efforts, partagent aussi la responsabilité. Or, nulle personne qui prétend vivre dans les Provinces Maritimes peut avancer qu’il n’a aucun avantage à espérer de la colonisation, et par conséquent chacun doit être prêt à porter sa quote part des responsabilités. Nous voilà réunis en convention pour se voir, se serrer la main et consolider notre existence national. Il s’agit d’ériger un monument, non seulement à l’honneur d’un apôtre, d’un père, d’un bienfaiteur insigne; mais un monument à l’honneur de nos ancêtres, premiers colonisateurs dans le pays. Ce monument, ce mémorial sera l’établissement de la “Compagnie de colonisation des Provinces Maritimes.” Rappelez-vous, chers compatriotes, qu’en contribuant à ce mémorial, vous honorez la mémoire et le souvenir de vos ancêtres, de vos pères et de vos mères, qui ont si bien mérité de la patrie. Pour vous encourager, vous avez l’Eglise qui a toujours avoué l’œuvre de la colonisation. Vous avec l’exemple des anciens missionnaires de l’Acadie, des législateurs et des vrais amis du pays, qui ont favorisé cette œuvre par excellence. Vous avez ce beau, ce magnifique paronama qui se déroule devant vos regards émerveillés; ces belles, ces magnifiques paroisses de la Baie Ste Marie où réside une population heureuse et prospère, ayant ses autels, ses institions et son autonomie particulière, qui parlent hautement à l’honneur de la colonisation. Vous avez les grandes et fertiles paroisses de l’Ile St. Jean et du Nouveau-Brunswick qui sont des monuments indestructibles du courage et du dévouement de nos ancêtres et qui plaident éloquemment la cause des colons. Il s’agit d’ériger un monument à l’Abbé Sigogne, d’heureuse mémoire. C’est une belle et généreuse idée que celle là; mais s’il était permis à l’Abbé Sigogne de se lever sur son séant et de nous dire ce que son cœur de père, d’ami, et d’apôtre lui inspirerait il ne manquerait pas de dire à ses enfants chéris, les Acadiens, comme il leur a dit de son vivant, avant tout, emparez vous du sol, suivez les nobles traces de vos ancêtres, colonisez et cultivez, c’est là, le premier de vos devoirs. Que vous diraient les anciens missionnaires acadiens, les Girouard, les Boudreau, les Poirier, les Babineau, s’ils étaient présents ici aujourd’hui ? Ce qu’ils nous diraient? c’est que notre prospérité et notre bonheur dépendent largement du zèle et du dévouement à la cause de la colonisation, la pierre angulaire de l’édifice national. Consultez les cendres inanimées, les ossements arides qui reposent dans vos cimetières, restes mortels d’une race de héros, de fervents catholiques, de vrais patriotes, de braves et d’honnêtes cultivateurs. Interrogez les débris des exilés de 1755 parsemés le long des cours d’eau de ce continent et dans les forêts voisines, qui ont si bien servi les intérêts de l’Acadie. Prêtez une oreille attentive, écoutez respectueusement ce que vous diront ces voix éloquentes; vous entendrez des voix plaintives et aimantes qui vous diront, n’abandonnez pas la patrie que nous avons tant aimée. Aimez, chérissez le sol de l’Acadie. Soyez braves et courageux, étendez le domaine de la religion et de la civilisation et restez Acadiens. A l’œuvre donc, amis compatriotes, du moment que la nouvelle compagnie sera finalement organisée, que ses embranchement seront établis, que ce fort national par excellence sera commencé, envoyez des pierres plus ou moins précieuses pour cette construction fondamentale de notre nationalité en Amérique. Montrez que vous êtes Acadiens de cœur et d’action. L’union fait la force. Soyez unis, non pas pour nuire aux autres nationalités avec lesquelles nous devons vivre en paix et en frères, supportez-vous comme des membres de la même famille acadienne. Tendez la main aux infirmes; soyez portés et généreux pour toutes les œuvres qui intéressent la religion et le pays que vous habitez. Portez avec fierté le drapeau acadien; si ses couleurs ne vous rappellent pas le drapeau de St. Louis, elles vous rappelleront au moins les couleurs favorites de notre glorieuse patronne et celles des martyrs de la cause catholique et nationale. Guidés par l'Etoile qui le décore et qui le désigne comme l’étendard acadien, marchez de conquêtes en conquêtes. Attachez vous au sol de l’Acadie. Ne délaissez pas une mère qui vous a enfanté dans la douleur, qui vous aime tendrement et qui a besoin de vos services, de vos bras et de votre dévouement. Ne vous éloignez pas de cette terre qui doit vous être chère à tant de titres, et si les circonstances exigent que vous vous en éloigniez pour un temps, que ce soit dans le but de venir rejoindre vos parents chéris, vos amis d’enfance et déposer vos cendres à côté des vrais serviteurs de la patrie. Ne pensez pas que le vrai bonheur consiste seulement dans le maniement de l’argent et qui s’échappe aussitôt. Le vrai bonheur se trouve au milieu des siens, à l’abri du clocher paroissial, éloigné des centres de corruption, où l’on contracte des maladies incurables pour l’âme et le corps. Vivre et mourir pour sa patrie, conserver sa langue maternelle; ses traditions et sa religion, et finir ses jours entre les bras d’une mère, d’un parent, d’un ami, munis des secours de notre sainte religion, voilà le bonheur véritable et seul digne d’envie. Il y a des forêts vierges en abondance encore inoccupées dans nos provinces surtout au Nouveau-Brunswick qui attendent la hache du bûcheron pour devenir fertiles et assurer un avenir prospère. Nos gouvernements voyant notre détermination à établir le pays, deviennent mieux disposés et nos représentants travaillent avec énergie dans cette direction. A l’œuvre donc, amis compatriotes, mettez de suite la main à la charrue sans regarder en arrière et sans tenir compte des difficultés à surmonter. Le vrai soldat ne s’effraie pas à la vue de l’ennemi et au premier coup de canon; le navigateur courageux ne s’épouvante pas dans la tempête, le vrai patriote ne doit pas non plus reculer devant les obstacles et les difficultés à surmonter. Il adopte pour devise celle des soldats de l’Eglise et de la Papauté. “Aime Dieu et vas ton chemin” M. F. RICHARD.